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Crise des transports publics : l'European Mobility Expo explore des réponses

Le transport urbain sera durablement impacté par la crise. Ce qui n’interdit pas au secteur d’échafauder des pistes d'avenir. Pour maintenir le cap dans la tempête, des solutions sur mesure et adaptées ont été débattues lors du salon du transport public, désormais baptisé European Mobility Expo pour asseoir son rayonnement européen. Le ministre Jean-Baptiste Djebbari y a notamment annoncé le lancement du quatrième appel à projets transports en commun en site propre (TCSP).

Reporté puis organisé dans un format digital ces 15 et 16 décembre, le salon européen du transport public, désormais baptisé European Mobility Expo, a débuté par une conférence sur l’adaptation des réseaux de transports en commun aux exigences de sécurité sanitaire. Autorités organisatrices de la mobilité (AOM) et opérateurs se positionnent comme des acteurs de la réponse à la crise. Louis Nègre, président du Groupement des autorités responsables de transport (Gart), fait valoir que "le secteur est en capacité de s’adapter aux changements de comportement des usagers et continue d’anticiper les impacts de la crise". 

Besoin d’un signal 

Suite au premier confinement, le transport public urbain accuse trois milliards d’euros de pertes (recettes commerciales et versement mobilité) et avec le second, ces pertes vont encore augmenter, avec une fréquentation qui reste en baisse de 20 à 30%. Apportant son regard international, Mohamed Mezghani, secrétaire général de l’Union internationale des transports publics (UITP), estime que depuis mars dernier, les transports publics montrent qu’"ils s’adaptent et sont des services publics essentiels mais aussi qu’ils sont vulnérables, stigmatisés comme des lieux à risque de contamination et avec un rôle qui, partout, a été sous-évalué avec des soutiens financiers insuffisants et tardifs". Le secteur a besoin de certitudes pour adapter sa stratégie en termes d'offre et d'investissements : "Il nous manque un signal fort pour maintenir le cap dans les six prochains mois", appuie Thierry Mallet, président de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP). 

Pôles d’échanges et verdissement des flottes 

Les transports bénéficient pourtant d'une des plus grosses enveloppes du plan de relance, ce que le ministre chargé des transports n’a pas manqué de rappeler. "Et des clauses de revoyure sont prévues pour gérer les impacts du second confinement". Jean-Baptiste Djebbari est aussi venu avec une bonne nouvelle : le lancement du quatrième appel à projets pour promouvoir les transports collectifs et la mobilité durable. Le dernier appel à projets transports en commun en site propre (TCSP) remonte à près de huit ans. Cette nouvelle édition très attendue a été annoncée en début d’année puis elle aussi retardée (voir notre article du 21 janvier dernier). Spécificité de ce 4e appel à projets qui se clôturera au printemps prochain, "son volet consacré au développement des pôles d'échanges multimodaux, dont le président a d’ailleurs parlé lors sa rencontre avec les membres de la Convention citoyenne pour le climat, et des bonus accordés aux projets de dessertes en transports en commun des quartiers prioritaires de la politique de la ville et à ceux contribuant à l’amélioration de la qualité de l’air", détaille-t-il. Le ministre a par ailleurs annoncé lors d’un comité ministériel pour le développement et l’innovation, qui s’est tenu à Paris ce même jour, la mise en place dès janvier prochain dans le cadre de France Relance d’un bonus pour l’achat de véhicules lourds électriques et hydrogène. Il s’élève à 30.000 euros pour les bus et cars.

Un scénario d’adaptation de l’offre

Aux soutiens financiers et aux craintes si l’offre est réduite - "des AOM disent devoir geler ou reporter leurs investissements, ce qui ne sera pas sans conséquences sur l’industrie et le développement économique des territoires", dixit Louis Nègre – s’ajoute l’enjeu environnemental car sans retour en grâce des transports collectifs et une confiance renouvelée des voyageurs, il sera difficile de rentrer dans les clous de Bruxelles sur le dossier de la qualité de l'air (voir notre article sur ce contentieux le 30 octobre dernier). Non sans se comparer aux voisins européens, un scénario crédible ainsi s’affine, celui d’un plafond difficile à franchir de 10 à 20% en moins de fréquentation, à considérer dans la durée. Mohamed Mezghani (UITP) évoque à ce sujet une étude australienne estimant qu’il faudra sept années pour que le secteur renoue avec la croissance. 

A partir de là, rien n’empêche d’échafauder des pistes d'avenir pour le transport public de demain. Du côté des sources de financement revient sur la table le péage urbain, un serpent de mer qui pour mémoire avait été retiré in extremis du projet de loi d'orientation sur les mobilités (LOM). Du côté de l’offre, Thierry Mallet remonte la piste d’un redéploiement en périphérie, c’est-à-dire "moins d’offre dans les centres-villes où les modes doux ont pris le pas et plus là où il en manque toujours, où on est sûr de trouver des clients et où il y a un risque de ruptures sociale et territoriale". Un meilleur partage de la voirie et l’articulation entre transports publics et vélo sont aussi mis en avant, "les deux modes ayant un objectif commun, à savoir diminuer la part de l'automobile qui occupe en ville 50 à 60% de l'espace public", assène l’UTP.

Se déplacer moins mais mieux

Autre levier, peu nouveau mais qui revient à petits pas sur le devant de la scène sans que son efficacité n’ait d’ailleurs été démontrée, ni explorée à fond, le lissage des heures de pointe corrélé à une désynchronisation des horaires d’entrée et de sortie d’établissements scolaires. Lycéens et étudiants sont de grands consommateurs de transports. Si ajuster l’offre en fonction de leur fréquentation est loin d’être anecdotique, "cela peut se travailler en dialogue avec les pôles universitaires", motive Anne Gérard, présidente du GIE Objectif transport public, organisateur de l'événement. La conseillère régionale déléguée de la région Nouvelle-Aquitaine invite enfin à réinvestir, au-delà d’une logique de capacité, les questions de sûreté et de confort, à réfléchir à ne plus seulement dimensionner l’offre selon les pics de fréquentation et à s'autoriser ainsi, à terme, le luxe de "moins de déplacements, mais dans de meilleures conditions".