Crise de l’énergie : gouvernement et fournisseurs signent une charte de bonne conduite

Convoqués ce 5 octobre par un gouvernement irrité par des "comportements abusifs", les fournisseurs d’énergie ont signé une charte de bonne conduite aux termes de laquelle ils s’engagent notamment à proposer au moins un contrat pour chaque entreprise ou collectivité qui le demande. Le ministre de l’Economie a promis à cette occasion que le gouvernement "ne laissera tomber personne". Pour l’heure, les aides "spécifiques" présentées par Bercy se cantonnent toutefois aux entreprises.

"Je veux que nous tournions la page des comportements abusifs, même s’ils sont parfois isolés, de certains fournisseurs", gronde Bruno Le Maire en cette matinée du 5 octobre. Constatant que "trop de cas inacceptables nous sont remontés : des factures avec des prix exorbitants, des conditions de contrat révisées de manière unilatérale, une visibilité insuffisante sur les contrats", le ministre de l’Economie – avec d’autres collègues – avait convoqué ce jour les fournisseurs d’énergie pour leur demander de signer une charte de bonne conduite. Un document que "les principaux fournisseurs (Total, EDF, Engie, le syndicat des entreprises locales d’énergie…) ont tous accepté de signer", s’est félicité le ministre à l’issue de la réunion. "Cette charte comporte des engagements forts qui doivent rassurer" nos entrepreneurs, clame Bruno Le Maire. À ces derniers, qui "voient des efforts d’une vie menacés par cette crise énergétique majeure", qualifiée de "choc encore plus brutal pour nos économies" que le choc pétrolier de 1973, le ministre l’assure : "Nous ne vous laisserons pas tomber."

25 engagements

Par cette charte, qui comprend 25 engagements jusqu’au 30 avril 2024 – et dont les dispositions s’appliquent aux collectivités, comme l’a souligné Agnès Pannier-Runacher –, les signataires s’engagent notamment :

  • à proposer, en fournisseur de dernier recours, "sous certaines conditions", au moins un contrat à toutes les entreprises et collectivités qui le demandent. Une offre "crédible", précise le ministre de l'Economie, qui ajoute : "Aucune entreprise ne doit se retrouver sans une solution concrète pour sa fourniture d’énergie, même des entreprises qui sont dans des difficultés passagères" ;
  • à prévenir leurs clients deux mois avant le renouvellement du contrat ;
  • à proposer une offre à une date et à une heure convenue à l’avance, "ce qui permettra de comparer les prix et de faire jouer la concurrence", explique Bruno Le Maire. De même, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) devrait par ailleurs publier prochainement "un prix de référence" de l’électricité pour plusieurs profils de consommateurs professionnels, qui permettra aux entreprises et aux collectivités de mettre en perspective l’offre reçue d’un fournisseur avant de s’engager ;
  • à favoriser la mise en place de facilités de paiement pour les entreprises ou collectivités qui le demandent et qui connaissent des difficultés.

Et le ministre d’avertir les fournisseurs qui ne joueraient pas le jeu : "Les comportements abusifs seront sanctionnés sur la base d’enquête que nous demanderons à la DGCCRF et à la CRE, qui seront toutes deux dotées des pouvoirs nécessaires". Et ce, via un amendement au projet de loi de finances (PLF) pour 2023, précise la ministre de la Transition énergétique.

Des aides spécifiques "ciblées"

D’autres amendements au PLF 2023 ont été annoncés par Bruno Le Maire : d’une part, la mise en place d’une garantie de l’État pour réduire le risque de défaut de l’entreprise cliente d’un fournisseur – "un risque important pour l’État, mais c’est le prix à payer", avoue-t-il ; d’autre part, l’introduction du mécanisme de "captation de la rente" arrêté par Bruxelles la semaine dernière (voir notre article du 3 octobre). Ce dispositif "de péréquation" – et non une "taxe", assure Bruno Le Maire – devrait rapporter selon lui "de l’ordre de 5 à 7 milliards d’euros". Ces montants permettront de financer les différents "boucliers énergétiques – tarifs réglementés, chèque énergie – qui permettent aux Français d’être les mieux protégés en Europe", ajoute Agnès Pannier-Runacher. Une ministre qui a tenu à rappeler que ces tarifs réglementés s’appliquent aussi "à toutes les collectivités locales de moins de 10 salariés (sic), qui représentent des dizaines de milliers de collectivités concernées".

Des collectivités qui, néanmoins, "aujourd’hui n’arrivent plus à joindre les deux bouts", note Bruno Le Maire. Elles ne relèvent pour autant pas des aides spécifiques, "ciblées", que le ministre enjoint aux entreprises énergivores de solliciter (en sachant toutefois que le gouvernement a par ailleurs indiqué ce 5 octobre après-midi que de "nouveaux dispositifs" étaient à l'étude pour certaines collectivités - voir notre article de ce jour). Le dispositif, doté de 3 milliards d’euros, "qui a été simplifié et le sera encore" et qui vient d’être prolongé (voir notre article du 4 octobre), "n’est pas encore suffisamment connu", déplore le ministre, qui invite à consulter le site de la DGFiP (qui ne le met guère en avant). Bruno Le Maire plaide en outre auprès de Bruxelles pour que les différents plafonds d’aides ouvertes à ces entreprises (2, 25 et 50 millions d’euros) puissent être doublés. Autre dossier à l’étude, l’augmentation des volumes d’Arenh (Accès régulé à l'électricité nucléaire historique) : "une décision sera prise dans les jours qui viennent", indique le ministre.

À crise structurelle, réponses structurelles

Compte tenu du caractère "structurel" de la crise, Bruno Le Maire insiste par ailleurs sur la nécessité de "modifier nos habitudes de consommation, nos modes de production et de redéfinir notre stratégie énergétique". Les ministres ont rappelé les actions à engager et à poursuivre :

  • la sobriété énergétique (le plan prévu par Elisabeth Borne sera présenté ce 6 octobre – voir notre dossier), à court terme pour faire baisser les prix – le marché anticipant un risque de rupture d’approvisionnement "qui n’est pas réel", juge Agnès Pannier-Runacher –, et à long terme ;
  • l’efficacité énergétique ;
  • l’accélération du déploiement des énergies renouvelables (voir notre article du 26 septembre) ;
  • la relance du nucléaire, la ministre précisant que le projet de loi en la matière (voir notre article du 27 septembre) sera présenté en conseil des ministres avant la fin du mois.

Les ministres rappellent également les combats menés sur le plan européen pour faire baisser les prix du gaz et de l’électricité et dénouer les liens tissés entre les prix de ces deux sources d’énergie. "Ne faisons pas croire à nos compatriotes qu’en un claquement de doigts on change un marché de l’énergie qui a plusieurs années d’existence derrière lui", avertit toutefois Bruno Le Maire. Le ministre se félicite néanmoins des progrès enregistrés : "Il y a 14 mois, on nous a dit que ce combat était perdu d’avance, que la porte était fermée. Désormais, la porte est ouverte, car la France a donné les coups d’épaule nécessaires". Mais pour que la réforme voit le jour, le ministre prévient : "il faudra des compensations financières pour l’Allemagne". Ce qui n’est pas le moindre des paradoxes.

 

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