Covid-19 : les 27 approuvent une réponse coordonnée
Le Conseil européen extraordinaire réuni mardi 17 mars a approuvé les propositions de la Commission européenne visant à lutter contre la propagation du coronavirus SARS-CoV-2. Au-delà des mesures économiques et budgétaires, ils ont validé les lignes directrices visant à restreindre les contrôles aux frontières intérieures et les entraves au marché unique. Le contrôle aux frontières extérieures est, lui, renforcé.
"Enfin, nous faisons preuve d’un réel sens de la solidarité !" : c'est en ces termes qu'a accueilli le président du Parlement européen, David Sassoli, le feu vert donné par le Conseil européen extraordinaire d'hier aux propositions de la Commission visant à lutter contre la propagation du virus et à aider les pays qui en ont besoin. "L’Europe contrebalance l’individualisme et le manque de coordination entre les gouvernements nationaux face à la crise du Covid-19", s'est-il félicité.
Théorie des dominos
Dans le viseur, les décisions de plusieurs États membres de restreindre aux autres la vente de matériels médicaux ou plus encore de rétablir les contrôles aux frontières intérieures, y compris pour les travailleurs transfrontaliers. Après que la Pologne, l'Autriche et la Slovénie ont commencé à introduire certains contrôles, le coup de grâce avait été porté par la République tchèque, interdisant l'entrée sur son territoire aux ressortissants de quinze pays, suivie de près par la Slovaquie. Depuis, les dominos tombaient les uns après les autres, comme le redoutait Ursula von der Leyen. La présidente de la Commission eut beau souligner "que ces interdictions ne sont pas considérées comme les plus efficaces par l'Organisation mondiale de la santé", même l'Allemagne d'Angela Merkel, dont elle a été l'une des ministres, finit par succomber à la tentation.
La France était l'un des derniers à y résister, avant de se rallier à l'Allemagne. Depuis, la crise était telle que la présidente de la Commission européenne jugea nécessaire de publier en urgence, au Journal officiel de l'Union de lundi, des "lignes directrices relatives aux mesures de gestion des frontières visant à protéger la santé publique et à garantir la disponibilité des biens et des services essentiels". Que viennent donc d'approuver les 27.
Sauver le marché unique
Ce document rappelle solennellement que "pour éviter à la fois les pénuries et l’aggravation des difficultés sociales et économiques que connaissent déjà tous les pays européens, il est essentiel de préserver le fonctionnement du marché unique. Il convient donc que les États membres n’appliquent aucune mesure mettant en péril l’intégrité du marché unique des biens, notamment en ce qui concerne les chaînes d’approvisionnement, et s’abstiennent de toute pratique déloyale".
Si des restrictions touchant le transport de marchandises et de voyageurs au sein de l'Union restent en théorie possibles – pour des raisons de santé publique uniquement –, c'est à la condition qu'elles soient à la fois transparentes, dûment motivées (à savoir "fondées sur des données scientifiques et étayées par des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé et du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies"), proportionnées, pertinentes et spécifiques aux différents modes de transport, non discriminatoires et enfin notifiées préalablement tant à la Commission qu'à tous les États membres.
Le texte dispose en outre que les États membres doivent en particulier n’imposer aucune restriction à la circulation des biens de première nécessité, des biens sanitaires et des biens périssables, notamment les denrées alimentaires, "sauf dans des cas dûment justifiés". Plus encore, ils doivent assigner des voies prioritaires au transport de marchandises (par exemple des "voies réservées") et envisager de lever les éventuelles interdictions de circuler le week-end. L'enjeu étant notamment d’éviter "les achats sous l’effet de la panique et le risque d’affluence dangereuse dans les magasins".
Non-discrimination des citoyens européens
De même, si les lignes directrices rappellent que des contrôles aux frontières intérieures peuvent être réintroduits au sein de l’espace Schengen, pour une période limitée en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure (jusqu'à six mois en cas d’événements prévisibles et deux mois en cas d’événements nécessitant une action immédiate), elles soulignent néanmoins "qu'il y a lieu de ne pas refuser l'entrée aux personnes qui sont manifestement malades", mais au contraire de leur donner "accès à des soins de santé appropriés". Et si les États membres peuvent contraindre les citoyens de l’Union (ou les ressortissants de pays tiers résidant sur son territoire) entrant sur leur territoire à se soumettre à l’auto-isolement ou à des mesures similaires lors de leur retour d’une zone affectée par la Covid-19, c'est à la condition qu’ils imposent les mêmes exigences à leurs propres ressortissants. Les éventuels contrôles doivent en outre être organisés de manière à empêcher l’apparition de grands rassemblements (par exemple les files d’attente), qui risquent d’accroître la propagation du virus.
Une attention particulière est également accordée aux travailleurs transfrontaliers, notamment ceux travaillant dans les secteurs de la santé et de l'alimentaire, dont le passage doit être non seulement autorisé, mais facilité. Lors de la conférence de presse, Ursula von der Leyen a relevé le cas du Luxembourg, où "la majorité des agents de santé des hôpitaux vivent soit en France, soit en Allemagne et doivent faire la navette rapidement". De même, les États membres doivent se coordonner pour que les dépistages portant sur la santé soient réalisés d’un seul côté de la frontière afin d’éviter les chevauchements et les délais d’attente.
Renforcement des frontières extérieures
Au-delà de l'Union, les contrôles se font au contraire plus stricts. Les lignes directrices prévoient ainsi que toutes les personnes, ressortissants de pays tiers comme de l’UE, entrant dans l’espace Schengen font l’objet de vérifications systématiques, visant à évaluer la présence de symptômes et/ou l'exposition au virus. Les États membres ont cette fois la possibilité de refuser l'entrée sur leur territoire (ou le cas échéant de les isoler ou mettre en quarantaine) de ressortissants de pays tiers non-résidents lorsqu'ils présentent des symptômes ou "ont été particulièrement exposés à un risque d'infection". Les 27 ont en outre franchi depuis une étape supplémentaire en approuvant la proposition de la Commission de restreindre de manière coordonnée, pendant une durée initiale de 30 jours, qui peut être prolongée, les "voyages non essentiels" (ce qui exclut le retour à la maison des ressortissants des États membres et des États associés à Schengen) à destination de l'Union européenne. Des dérogations seront possibles notamment pour les résidents de longue durée dans l'UE, les travailleurs frontaliers, les médecins et chercheurs dans le domaine de la santé, les diplomates, militaires ou travailleurs humanitaires dans le cadre de leurs missions, etc.
Référence : Covid-19 - Les lignes directrices relatives aux mesures de gestion des frontières visant à protéger la santé publique et à garantir la disponibilité des biens et des services essentiels |