Covid-19 et déplacements : ce qui est de nouveau possible, ce qui ne l'est pas encore
La nouvelle loi relative à l'état d'urgence sanitaire adoptée le 9 mai n'ayant pas été promulguée comme il l'espérait, le gouvernement a été contraint de prendre en urgence un décret "transitoire" organisant la première étape de la sortie du confinement. Publié ce 11 mai, ce décret devrait rapidement être remplacé et complété par un nouveau décret. Dans l'immédiat, il traduit et précise une partie des dispositions énoncées jeudi par l'exécutif. Ainsi, il assouplit – tout en les encadrant – les mesures de restriction des déplacements et de rassemblement. Le préfet voit en outre ses pouvoirs renforcés, ce qui lui permet notamment, comme le recommande le rapport Castex, de revenir si nécessaire aux mesures de confinement.
Le Parlement a adopté définitivement le 9 mai la loi prorogeant jusqu'au 10 juillet 2020 – et non plus le 23 juillet comme prévu initialement par le gouvernement – l'état d'urgence sanitaire. La loi vient notamment préciser les pouvoirs du Premier ministre dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclarée en lui permettant* dorénavant, d'une part, de réglementer "l’accès aux moyens de transport et les conditions de leur usage" et, d'autre part, de réglementer "l'ouverture, y compris les conditions d'accès et de présence" des établissements recevant du public (ERP). Ce qui devait permettre la mise en route de la première étape de la sortie du confinement (voir notre article du 10 mai sur la version définitive du texte de loi).
La loi n'ayant pu être promulguée pour le 11 mai – le Conseil constitutionnel a finalement rendu sa décision, espérée la veille, ce 11 mai au soir (en validant l'essentiel : voir notre article de ce jour) – le gouvernement a été contraint d'adopter en urgence un décret régissant la très brève (11 et 12 mai) période transitoire afin de commencer à mettre en œuvre ce qui peut l'être. Une fois publiée au journal officiel, la loi permettra au gouvernement de prendre de nouvelles mesures d'ores et déjà annoncées – annonces réitérées par le président de la République et le Premier ministre dans un communiqué commun du 11 mai –, à savoir des dispositions limitant les déplacements à 100 km sauf motif impérieux et l'accès aux transports aux personnes justifiant de la nécessité de se rendre à leur travail.
Pour l'heure en tout cas, le volumineux décret précise les précisions nécessaires à l'application d'une partie des autres mesures de déconfinement énoncées le 7 mai par Edouard Philippe et donc pour la plupart connues (voir notre article du 7 mai), également présentes dans le rapport de Jean Castex publié ce 11 mai sur le site du gouvernement.
Distanciation, et à défaut port du masque
Ainsi, et compte tenu de l'entrée en vigueur immédiate du décret, doivent d'ores et déjà être observées "en tout lieu et en toute circonstance" :
- les mesures de "distanciation sociale, incluant la distanciation physique d'au moins un mètre entre deux personnes, dites 'barrières', définies au niveau national" ;
- les mesures d'hygiène : lavage régulier des mains ; tousser ou éternuer dans son coude ; se moucher dans un mouchoir à usage unique à éliminer immédiatement dans une poubelle ; éviter de se toucher le visage, en particulier le nez, la bouche et les yeux ainsi que le port systématique du masque "dès lors que les règles de distanciation physique ne peuvent être garanties".
Transports : port du masque obligatoire
Dans les transports publics collectifs de voyageurs lato sensu (y compris aires d'accès et stations), le port du masque est obligatoire pour toute personne de 11 ans et plus (il peut en revanche être demandé de le retirer "pour la stricte nécessité" du contrôle de l'identité). À défaut, l'accès est interdit.
Le port du masque peut également être exigé à la demande du conducteur (qui à défaut peut refuser l'accès au véhicule) dans les services de transport public particulier de personnes, dans les services privés ou publics de transport collectif réalisés avec des véhicules de moins de neuf places ainsi que dans les véhicules utilisés pour le covoiturage et les services de transport d'utilité sociale. Pour l'ensemble de ces services, aucun passager n'est autorisé à s'asseoir à côté du conducteur et un seul passager est admis (si le conducteur est séparé des passagers par une paroi transparente, plusieurs passagers sont admis s'ils appartiennent au même foyer ou dans le cas de transport d'élève en situation de handicap).
• Transport aérien : tout passager présente au transporteur aérien, avant son embarquement, une déclaration sur l'honneur attestant qu'il ne présente pas de symptôme d'infection au Covid-19. Faute de déclaration, l'embarquement est refusé. Le transporteur aérien peut également refuser l'embarquement aux passagers qui ont refusé de se soumettre à un contrôle de température. Restent interdits, sauf motif impérieux d'ordre personnel ou familial, motif de santé relevant de l'urgence ou motif professionnel ne pouvant être différé, les déplacements entre la métropole et la collectivité de Corse ou les collectivités d'outre-mer, ainsi qu'entre ces collectivités.
• Transport maritime et fluvial : il est toujours interdit, sauf dérogation du préfet, à tout navire de croisière, de faire escale, de s'arrêter ou de mouiller dans les eaux intérieures et la mer territoriale françaises. La circulation des autres navires à passagers (i.e. autre qu'un navire de plaisance à utilisation commerciale, qui transporte plus de douze passagers) est possible, mais reste interdite pour ceux avec hébergement (sauf dérogation préfectorale). Le transporteur maritime ou fluvial peut demander au passager de présenter, avant son embarquement, une déclaration sur l'honneur attestant qu'il ne présente pas de symptôme d'infection au Covid-19. À défaut, l'embarquement peut être refusé.
NB : toute entreprise proposant des services de transport de personnes ferroviaire ou routier (à l'exception des services organisés par une autorité organisatrice de la mobilité ou de ceux d'Île-de-France Mobilités – ex-Stif ) dépassant le périmètre d'une région rend obligatoire, sauf impossibilité technique, la réservation dans les trains et cars utilisés pour le transport au-delà de ce périmètre. Les réservations sont limitées à 60% de la capacité maximale des véhicules
• Contrôle : de manière générale, la loi élargit le périmètre des personnes habilitées à dresser procès-verbal en cas de violation des mesures de restriction des déplacements aux fonctionnaires des services actifs de police nationale, aux volontaires servant en qualité de militaire dans la gendarmerie et aux militaires servant au titre de la réserve opérationnelle de la gendarmerie et aux adjoints de sécurité. En outre, pourront sanctionner l'absence de port du masque dans les transports collectifs les agents assermentés des exploitants du service de transports, les agents de sécurité de la SNCF et de la RATP ainsi que les capitaines des navires.
Rassemblements : dix personnes maximum
De manière uniforme, tout rassemblement, réunion ou activité à un titre autre que professionnel sur la voie publique ou dans un lieu public, mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes, reste interdit (sauf dans les services de transport de voyageurs).
Ceux "indispensables à la continuité de la vie de la Nation" peuvent toutefois être maintenus à titre dérogatoire par le préfet, sauf lorsque les circonstances locales s'y opposent. À l'inverse, le préfet est habilité à interdire ou à restreindre les rassemblements, réunions ou activités, notamment professionnelles, lorsque les circonstances locales l'exigent.
Marchés autorisés sauf exception, parcs et jardins sous conditions, plages et plans d'eau en principe toujours interdits
• L'accès du public aux parcs, jardins et autres espaces verts aménagés dans les zones urbaines est interdit dans les territoires classés en zone rouge**. Dans les autres territoires, ils sont ouverts par l'autorité compétente dans des conditions de nature à permettre le respect et le contrôle des interdictions précédemment rappelées (distanciation, nombre).
• L'accès aux plages, aux plans d'eau et aux lacs ainsi que les activités nautiques et de plaisance restent en principe interdits, et ce quelle que soit la zone. Le représentant de l'État peut toutefois, sur proposition du maire/président de la collectivité, y déroger.
• Les marchés couverts ou non sont autorisés mais le préfet de département peut, après avis du maire, en interdire l'ouverture si les conditions de leur organisation ainsi que les contrôles mis en place ne sont pas de nature à garantir le respect des mesures d'hygiène et de distanciation sociale.
Établissements recevant du public, établissements d'accueil des enfants, établissements d'enseignement scolaire et supérieur ainsi que la tenue des concours et examens
• Dans les établissements recevant du public autorisés, l'accueil est organisé dans des conditions de nature à prévenir tout regroupement de plus de dix personnes.
• Restent fermés (sauf le cas échéant pour accueillir pour l'organisation d'épreuves de concours ou d'examens ou les enfants scolarisés) :
- salles d'auditions, de conférences, de réunions, de spectacles ou à usage multiple sauf pour les salles d'audience des juridictions, les salles de ventes et pour les accueils de jour de personnes en situation de précarité et les centres sociaux ;
- restaurants et débits de boissons, sauf pour leurs activités de livraison et de vente à emporter, le room service des restaurants et bars d'hôtels et la restauration collective sous contrat ;
- salles de danse et salles de jeux ;
- expositions, foires-expositions ou salons ayant un caractère temporaire ;
- refuges de montagne sauf pour leurs parties faisant fonction d'abri de secours ;
- établissements sportifs couverts ;
- musées ;
- chapiteaux, tentes et structures ;
- établissements de plein air, sauf pour organiser la pratique d'activités physiques et sportives de plein air (à l'exception des sports collectifs, des sports de combat et des activités aquatiques dans les piscines – les piscines thermales ou d'établissement de santé n'étant pas concernées), ainsi que la pêche en eau douce ;
- établissements d'enseignement, sauf les établissements et services d'accueil du jeune enfant, les maisons d'assistants maternels, les écoles maternelles et élémentaires, collèges et lycées et à l'exception des centres de formation des apprentis, centres de vacances.
• Toutefois, le préfet peut, après avis du maire, autoriser, l'ouverture des musées, monuments et parcs zoologiques dont la fréquentation habituelle est essentiellement locale et dont la réouverture "n'est pas susceptible de provoquer des déplacements significatifs de population".
À l'inverse, il peut, après avis du maire, interdire l'ouverture d'un commerce de détail ou d'un centre commercial dont la surface commerciale utile est supérieure ou égale à 40 000 m2 et qui, "du fait notamment de la taille du bassin de population où il est implanté et de la proximité de moyens de transport, favorise des déplacements significatifs de population". Cette interdiction ne fait pas obstacle à l'ouverture, au sein de ces centres commerciaux, des commerces de détail pour certaines activités (celles qui étaient autorisées pendant le confinement)
• Les établissements de culte sont autorisés à rester ouverts. Tout rassemblement ou réunion en leur sein est interdit. Les cérémonies funéraires sont autorisées dans la limite de vingt personnes.
• Dans les ERP "qui ne sont pas fermés", l'exploitant peut subordonner l'accès au port d'un masque de protection.
Incontournable préfet
Le préfet de département est également habilité à interdire, à restreindre ou à réglementer, par des mesures réglementaires ou individuelles, les activités ci-dessus. Il peut en outre, par arrêté pris après mise en demeure restée sans suite, ordonner la fermeture des établissements recevant du public qui ne mettent pas en œuvre les obligations qui leur sont applicables.
Surtout, il peut, lorsque l'évolution de la situation sanitaire le justifie et aux seules fins de lutter contre la propagation du virus, rétablir les mesures restrictives initialement prescrites par le décret du 23 mars dernier (par ailleurs abrogé intégralement). Et notamment l'interdiction des déplacements hors du lieu de résidence. Sauf pour se rendre au travail ou pour les déplacements professionnels insusceptibles d'être différés, pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l'activité professionnelle et des achats de première nécessité dans des établissements autorisés, pour motifs de santé, pour motif familial impérieux, pour l'assistance des personnes vulnérables et pour la garde d'enfants, dans la limite d'une heure quotidienne et dans un rayon maximal d'un kilomètre autour du domicile, etc. – le nouveau texte ajoutant seulement à ces exceptions la possibilité de se rendre à des examens ou des concours, le tout à la condition de se munir d'un justificatif. Ainsi que, la fermeture des écoles, etc. Autrement dit un quasi retour à la situation d'avant le 11 mai. "La possibilité d’une réversibilité des mesures doit ainsi toujours pouvoir être offerte et l’éventualité d’un reconfinement en urgence doit rester dans les esprits et être anticipé par les pouvoirs publics", peut-on lire dans le rapport Castex.
* Parmi les modifications introduites par la loi, relevons qu'alors que le Premier ministre pouvait jusqu'ici ordonner la fermeture provisoire des établissements recevant du public "à l'exception des établissements fournissant des biens ou des services de première nécessité", il pourra dorénavant le faire "en garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité". Un changement qui est tout sauf anodin. De même, on notera que son pouvoir de réquisition est lui aussi étendu, désormais à " toute personne […] nécessaire[s] à la lutte contre la catastrophe sanitaire" – alors qu'il se "limitait" jusqu'ici à toute personne nécessaire au fonctionnement des services ou à l'usage des biens nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire).
**Zone verte : Ain, Allier, Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes, Ardèche, Ariège, Aude, Aveyron, Bouches-du-Rhône, Calvados, Cantal, Charente, Charente-Maritime, Cher, Corrèze, Corse-du-Sud, Haute-Corse, Côtes d'Armor, Creuse, Dordogne, Drôme, Eure, Eure-et-Loir, Finistère, Gard, Haute-Garonne, Gers, Gironde, Hérault, Ille-et-Vilaine, Indre, Indre-et-Loire, Isère, Landes, Loir-et-Cher, Loire, Haute-Loire, Loire-Atlantique, Loiret, Lot, Lot-et-Garonne, Lozère, Maine-et-Loire, Manche, Mayenne, Morbihan, Orne, Puy-de-Dôme, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Orientales, Rhône, Sarthe, Savoie, Haute-Savoie, Seine-Maritime, Deux-Sèvres, Tarn, Tarn-et-Garonne, Var, Vaucluse, Vendée, Vienne, Haute-Vienne, Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion.
Zone rouge : Aisne, Ardennes, Aube, Côte-d'Or, Doubs, Jura, Marne, Haute-Marne, Meurthe-et-Moselle, Meuse, Moselle, Nièvre, Nord, Oise, Pas-de-Calais, Bas-Rhin, Haut-Rhin, Haute-Saône, Saône-et-Loire, Paris, Seine-et-Marne, Yvelines, Somme, Vosges, Yonne, Territoire de Belfort, Essonne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Val-D'Oise, Mayotte.
Référence : décret n° 2020-545 du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, JO du 11 mai 2020. |