Couvre-feu pour 20 millions d'habitants
Emmanuel Macron a annoncé ce mercredi soir la mise en place dès samedi d'un couvre-feu entre 21h et 06h, pour au moins quatre semaines voire jusqu'au 1er décembre, en Ile-de-France et dans huit autres métropoles : Lille, Grenoble, Lyon, Aix-Marseille, Montpellier, Rouen, Toulouse et Saint-Etienne. Des précisions sont attendues ce jeudi.
Tout le monde aura retenu une chose de l'interview télévisée d'une quarantaine de minutes d'Emmanuel Macron ce mercredi soir : la mise en place dès samedi à 00h00 d'un couvre-feu entre 21h et 6h, pour au moins quatre semaines, en Ile-de-France et dans huit autres métropoles. Outre la région Ile-de-France, les métropoles de Lille, Grenoble, Lyon, Aix-Marseille, Montpellier, Rouen, Toulouse et Saint-Etienne sont concernées par cette mesure que le chef de l'Etat entend étendre jusqu'au 1er décembre – donc dans ce cas sur six semaines – si le Parlement l'autorise. Soit environ 20 millions d'habitants.
Des amendes de 135 euros (1.500 euros en cas de récidive) seront dressées en cas de non-respect de ce couvre-feu. Des dérogations seront accordées, par exemple pour ceux qui "rentrent du travail après 21h, ou qui travaillent de nuit", ou pour des motifs "d'urgence sanitaire", a-t-il indiqué. Les forces de l'ordre seront mobilisées pour les contrôles. Des précisions devraient être apportées dès ce jeudi par le Premier ministre lors d'une conférence de presse. Reste en effet par exemple à savoir quels types d'attestations seront mis en place (incluant un système d'auto-déclaration comme lors du confinement ?) et quels motifs seront jugés légitimes pour être dans l'espace public durant les heures de couvre-feu.
Fermetures d'établissements en vue
L'objectif est d'"attraper" les rendez-vous privés, parties, anniversaires, soirées festives…", a expliqué Emmanuel Macron – de "réduire nos contacts un peu inutiles, les plus festifs", les "moments de convivialité". Sauf que cet horaire de 21h ne touchera évidemment pas que la sphère privée. Cela impliquera la fermeture à cette heure-là des restaurants, cinémas, théâtres… Si le chef de l'Etat entend inciter les lieux culturels à "avoir des reprogrammations" pour proposer des spectacles ou séances à de nouveaux horaires, il s'est dit conscient qu'il "y aura des conséquences". Que des restaurants, par exemple, décideront de garder totalement porte close du fait de charges fixes trop importantes.
Les fédérations professionnelles du secteur hôtellerie-cafés-restauration (HCR) ont d'ailleurs immédiatement considéré que "cette nouvelle contrainte horaire, qui condamne le service du soir" équivaut à "une refermeture" de leurs établissements.
"Nous aurons des dispositifs de soutien supplémentaires", a assuré le président de la République, mentionnant le chômage partiel, "réactivé pour tous ces secteurs", et le fonds de solidarité, récemment élargi. Il a en outre indiqué qu'une "concertation locale" sera engagée "dès vendredi" avec "tous ces métiers". "Pour certains, il faudra faire plus que ce que nous avons déjà fait", a-t-il reconnu.
Pas de limitation des déplacements
En revanche, il n'y aura ni restrictions de transports – l'offre de transports en commun devrait rester inchangée –, ni restrictions de déplacements entre les régions, Emmanuel Macron ajoutant que la nouvelle mesure n'empêchera pas de partir en vacances de la Toussaint qui débutent vendredi soir.
Il a toutefois exhorté les Français, tous territoires confondus, à multiplier les précautions y compris lors de rencontres familiales : masque, distances, aération… et à respecter "la règle des six" – soit "six personnes maximum" lors de repas par exemple.
Il compte par ailleurs "demander à nos maires de proposer des plans de préventions", soulignant que "ce sont eux qui savent le mieux" ce qui peut être opportun en direction de leurs administrés.
De même, l'objectif est clairement de "continuer à avoir une vie économique". Et donc de travailler. En télétravail systématique dès que possible ? Non. Emmanuel Macron a simplement préconisé "deux à trois jours de télétravail par semaine" dans les entreprises où cela est possible, pour "réduire un peu la pression collective". "Il faut que ce soit aussi négocié dans les branches et au plus près dans l'entreprise", a-t-il souligné, insistant notamment sur le fait que le télétravail "isole". Même chose dans le secteur public. "Nous avons besoin d'avoir des services publics qui sont ouverts". Et pas de mesure nouvelle concernant l'école ou l'enseignement supérieur. Autrement dit, en journée, pas de changement.
Tests : réduire les délais
S'agissant des tests, Emmanuel Macron a promis une nouvelle "stratégie" afin de "pouvoir réduire drastiquement les délais", en reconnaissant qu'"on a rencontré de vraies difficultés sur le sujet". Il a indiqué que cela passerait par de nouvelles techniques, comme les tests antigéniques, qui promettent des résultats "en 15 à 30 minutes", ou d'autres techniques en cours d'innovation "pour analyser beaucoup plus vite plus de tests avec le mode PCR", ou la possibilité de s'auto-tester.
"Tous anti-Covid"
La nouvelle version de l'application StopCovid, sera lancée le 22 octobre, a-t-il par ailleurs confirmé. Et sera rebaptisée "Tous anti-Covid". Parce qu'on "n'a pas réussi à faire de l'application un outil pour les gens (…), j'ai demandé aux équipes de complètement reconfigurer les choses". "Ce sera une application (...) où il y aura des informations générales, des informations plus particulières et locales", a détaillé le président de la République. Le gouvernement veut également en faire "avec nos restaurateurs, avec l'ensemble des cafetiers (...) tous les professionnels, un outil pour mieux alerter, tracer".
Aide exceptionnelle pour les bénéficiaires du RSA et des APL
Enfin, interrogé sur les mesures devant être prises en matière de lutte contre la pauvreté, Emmanuel Macron a convenu que pour "les plus précaires qui tombent dans la pauvreté, on doit avoir une réponse", sachant que des annonces doivent être faites samedi sur le sujet par le Premier ministre. "Le virus frappe davantage les milieux modestes" du fait de logements plus petits et d'une cohabitation intergénérationnelle plus importante. En sachant par ailleurs que "les emplois détruits" par la crise sont en premier lieu des emplois "en CDD, en intérim".
"Ce que nous allons faire, parce que c'est le dispositif le plus large et le plus efficace, c'est pour les bénéficiaires du RSA et des APL - ce qui touche du coup tous les jeunes très largement, les 18/25 ans - d'avoir une aide exceptionnelle, pendant ces six semaines qui viennent, de 150 euros, plus 100 euros par enfant, la même chose que ce qu'on a fait au printemps", a-t-il annoncé. "Ce qui permettra d'aller entre 100 et 450 euros, ce qui est plus qu'une revalorisation".
Il a en revanche écarté, comme l'a déjà fait Jean Castex, une augmentation pérenne du RSA, rappelant qu'il tenait à ce qu'on "ne perde pas nos fondamentaux, la lutte contre la pauvreté par l'activité et le travail". "Je préfère cette aide exceptionnelle massive plutôt qu'une augmentation des minima sociaux", a-t-il souligné.
L'état d'urgence sanitaire rétabli à partir de samedi
Le communiqué du conseil des ministres est tombé plus tard que d'habitude ce mercredi. A 19h05 précisément, soit moins d'une heure avant l'interview du chef de l'Etat. Où l'on apprenait que le gouvernement avait adopté un décret déclarant l'état d'urgence sanitaire à partir de samedi 0h sur l'ensemble du territoire. On comprenait ainsi pourquoi le projet de loi "Régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire", dont l'examen au Sénat devait se poursuivre ce mercredi en fin d'après-midi, avait été retiré de l'ordre du jour à la dernière minute à la demande du gouvernement...
L'état d'urgence sanitaire avait été déclaré le 23 mars sur l'ensemble du territoire pour deux mois avant d'être prolongé le 11 mai, jour du déconfinement. Il avait pris fin le 10 juillet, sauf en Guyane et à Mayotte, où il a été maintenu jusqu'au 17 septembre.
"Eu égard à sa propagation sur le territoire national, l'épidémie de Covid-19 constitue une catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population. Elle justifie que l'état d'urgence sanitaire soit déclaré afin que les mesures strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu puissent être prises", indique le compte-rendu du Conseil des ministres.
Cette disposition juridique exceptionnelle autorise le préfet, "lorsque l'évolution de la situation sanitaire le justifie et aux seules fins de lutter contre la propagation du virus", d'instaurer un confinement local et donc "interdire les déplacements de personnes hors de leur lieu de résidence". Au-delà d'un mois, sa prorogation doit être autorisée par la loi.
Emmanuel Macron n'y a pas fait allusion dans son intervention. Cela pourrait en revanche expliquer pourquoi le couvre-feu ne peut d'emblée être décidé aujourd'hui pour plus d'un mois, alors que le chef de l'Etat aurait préféré l'appliquer d'emblée durant six semaines.
Passé le délai d'un mois, l'état d'urgence n'est prorogé qu'avec l'accord de l'Assemblée nationale et du Sénat qui fixent sa durée, éclairés par un avis du Conseil scientifique sur la situation épidémique.