Archives

Commande publique - Contrat "in house" avec une Sem : droit français et jurisprudence communautaire sur le point d'avancer

Dans quelles circonstances un contrat "in house" peut-il être signé entre une autorité adjudicataire et une société d'économie mixte (Sem) ? Dans ses conclusions présentées le 2 juin 2009, en réponse à une demande de décision préjudicielle formée par le tribunal administratif de la région de Sicile auprès de la Cour de justice des Communautés européennes, l'avocat général Damaso Ruiz-Jarabo Colomier demande au juge communautaire d'adopter quatre conditions permettant de déterminer su un tel contrat est conforme aux exigences du droit communautaire. Ces conclusions prennent un relief particulier au moment même où le droit français est sur le point de changer sur cette question.

 

La future loi sur les sociétés publiques locales

En France, le législateur devrait en effet bientôt répondre à la problématique des contrats "in house" entre une collectivité et une société publique, dans le cadre de la proposition de loi relative au développement des sociétés publiques locales (SPL) que le Sénat a adopté à l'unanimité en première lecture le 4 juin (lire notre article du 5 juin). Ce texte offre un nouvel outil aux collectivités. Il prévoit que ces sociétés, dont la totalité du capital serait détenue par des collectivités et leurs groupements, réaliseraient exclusivement leurs activités pour le compte de leurs actionnaires. Les collectivités exerceraient ainsi un contrôle sur les SPL analogue à celui qu'elles exercent sur leurs propres services et ces sociétés accompliraient l'essentiel de leurs activités avec elles. De la sorte, l'ensemble des critères de la jurisprudence communautaire du "in house" seraient réunis et les règles communautaires relatives aux marchés publics n'auraient plus à s'appliquer - et ce, dans le respect des principes du droit communautaire.

 

Un temps d'avance du législateur français sur la jurisprudence communautaire ?

Dans ses conclusions, l'avocat général précise qu'en principe, "l'activité d'une société dont le capital n'est pas exclusivement public se situe, par définition, en dehors du champ des critères 'in house'". Dès lors, les collectivités locales ont l'obligation de procéder à une mise en concurrence en vue de l'attribution d'un service à une Sem. Il considère cependant que la directive 2004/18/CE relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics ne s'oppose pas à l'attribution directe, c'est-à-dire sans mise en concurrence, d'un service public impliquant la réalisation préalable de certains travaux à une Sem spécialement créée à cette fin, si les quatre conditions suivantes sont remplies :
- "la société garde cet objet social unique pendant toute son existence" ;
- "l'associé privé est choisi sur appel d'offres public, après vérification des conditions financières et techniques, opérationnelles et de gestion, ainsi que des caractéristiques de son offre au regard du service à prester" ;
- "l'associé privé assume, en tant que partenaire industriel, la prestation du service et l'exécution des travaux" ;
- "la procédure d'appel d'offres est conforme aux principes de libre concurrence, de transparence et d'égalité de traitement imposés par le droit communautaire pour les concessions et il respecte, le cas échéant, les règles de publicité et d'attribution propres aux marchés publics".
Les conclusions rendues par l'avocat général invitent le juge communautaire à valider ce schéma "pour des raisons élémentaires d'efficacité dans la gestion administrative".                              
Dans l'hypothèse où la Cour de justice validerait ce raisonnement, l'adoption de la proposition de loi relative aux SPL ne retirerait pas tout intérêt à cette jurisprudence. En effet, à la différence du texte français sur les SPL, les conclusions de l'avocat général offrirent aux collectivités locales la possibilité de conclure des contrats "in house" avec des Sem (qui sont des sociétés à capital mixte, majoritairement détenu par des personnes publiques), dès lors que ces dernières remplissent les conditions précitées. La Cour de justice offrirait alors une nouvelle option aux collectivités et élargirait, dans une certaine mesure, le champ d'application de la loi sur les SPL.

 

L'Apasp


 

Références : aff. C-196/08. Proposition de loi pour le développement des sociétés publiques locales, adoptée en première lecture par le Sénat le 4 juin.

 

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis