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Social - Contrat de responsabilité parentale : les départements en première ligne

Dans le cadre de l'examen du projet de loi sur l'égalité des chances, les sénateurs doivent se pencher cette semaine sur le contrat de responsabilité parentale destiné à lutter contre l'absentéisme scolaire. Placés au coeur du dispositif, les départements demandent des garanties financières.

En cas d'absentéisme scolaire ou de carence de l'autorité parentale, le président du conseil général pourra proposer aux parents de signer un contrat de responsabilité parentale (CRP). Cette mesure phare du projet de loi sur l'égalité des chances doit être examinée cette semaine par les sénateurs. Dans le cadre de ce contrat prévu à l'article 24 du projet, les parents se verront rappeler leurs obligations et pourront bénéficier d'une aide des services sociaux. S'ils ne remplissent toujours pas leur rôle, les allocations familiales seront suspendues en tout ou partie ou mises sous tutelle et placées sur un compte bloqué.
Cette possibilité, vivement critiquée par l'opposition, était encore en vigueur avant la loi du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance. Elle est présentée aujourd'hui comme une alternative aux sanctions pénales. A l'heure actuelle, les parents encourent une amende de 750 euros en cas d'absentéisme, mais pour les manquements les plus graves à l'éducation des enfants, les sanctions peuvent aller jusqu'à deux ans de prison et 30.000 euros d'amende (article 227-17). Une mesure si sévère qu'elle n'est que très exceptionnellement appliquée.

Marathon parlementaire

Placés au coeur du nouveau dispositif, les départements restent dubitatifs quant à son contenu. A l'issue de la rencontre organisée à Matignon le 9 février dernier entre une délégation de l'Assemblée des départements de France (ADF) et plusieurs ministres, Claudy Lebreton, le président de l'ADF, regrettait que le recours du gouvernement au 49-3 ait supprimé une occasion de discuter du détail de la réforme et craignait que le contrat ne soit de ce fait adopté "dans sa version la plus dure".
Depuis le 23 février, le Sénat examine à son tour le projet de loi. L'article 3 bis relatif au contrat de première embauche a fait l'objet, le 27 février, d'un vote bloqué qui limite les discussions des élus du palais du Luxembourg au seuls amendements adoptés par le gouvernement. Pour autant, les autres articles devraient être examinés "normalement". Le gouvernement ayant déclaré l'urgence sur le texte, suite à cette première lecture, une commission mixte paritaire devrait se réunir pour trouver un compromis entre les textes des deux assemblées. Le Sénat et l'Assemblée nationale voteront alors chacun à leur tour le texte définitif.

Une compensation financière pour les départements

Avec l'examen du texte par le Sénat, l'ADF a voulu resserrer ses rangs en définissant une position commune. S'il n'est plus question de condamner en bloc le CRP,  l'ADF a demandé aux sénateurs de reconnaître dans le texte le principe d'une compensation financière dans la mesure où ce contrat conduira à "de nouvelles charges, en particulier la rémunération des travailleurs sociaux référents mobilisés et leur indispensable formation. Les actions de formation proposées aux parents risquent d'avoir des incidences sur les budgets départementaux". L'ADF s'attache surtout à éviter une "compétence liée" des présidents de conseils généraux. Le 9 février, Claudy Breton voyait dans le CRP "un risque d'instrumentalisation du président du conseil général".
L'Assemblée nationale a pu assouplir la procédure du CRP en donnant la possibilité à  l'inspecteur d'académie, au chef d'établissement d'enseignement, au maire de la commune de résidence du mineur, au directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales ou encore au préfet de saisir le président du conseil général. Quant au Sénat, les amendements devraient laisser une liberté d'appréciation au président du conseil général qui "pourra proposer" et non "proposera" aux familles un contrat de responsabilité parentale.

Des modalités d'application encore floues

Plusieurs communes ont déjà mis en place des dispositifs comparables. A Colmar, on expérimente ainsi depuis trois ans des stages parentaux. A Mulhouse, le maire socialiste, Jean-Marie Bockel, a créé une maison des parents qui s'apprête à lancer sa première "session de responsabilité parentale" mi-mars. Pour Paul Quin, adjoint à la sécurité de Mulhouse, la suspension des allocations peut être une solution. "Il y a des parents rétifs à toute forme d'intervention. On a affaire à des enfants en danger, c'est à la société de les protéger. Il faut donc être très pragmatiques et voir ce qui peut marcher", estime-t-il. Les possibilités ouvertes par le projet de loi sont accueillies avec un mélange d'intérêt et de prudence. "Ces mesures vont dans le sens de ce que l'on a souhaité mettre en place à Mulhouse, explique Paul Quin, mais on attend des précisions sur les conditions d'application." Il faudra, pour en savoir plus, attendre le décret d'application. Le projet de loi a en effet prévu que le  contenu, la durée et les modalités du CRP selon lesquelles il est procédé à la saisine du président du conseil général et à la conclusion du contrat sont fixés par décret en Conseil d'Etat. L'Assemblée nationale a déjà limité le dispositif à la suspension des allocations familiales et du complément familial et a précisé que cette suspension ne pourra excéder trois mois renouvelables dans la limite de douze mois.

 

Clémence Villedieu et Michel Tendil

 

 

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