Conservant des marges de manœuvre, les collectivités maintiennent leurs investissements
Sur le plan financier, les collectivités et leurs établissements publics ont globalement bien résisté à la crise du Covid-19. Certaines d'entre elles sont cependant sous pression, du fait d'une dégradation plus accentuée de leur situation budgétaire. Mais les mesures de soutien de l'État limiteront leurs pertes. Plusieurs enquêtes révèlent que, dans ce contexte, une large majorité des acteurs publics locaux comptent maintenir, voire accélérer leurs investissements.
Le secteur public local dans son ensemble a bien résisté à la crise du Covid-19, si l'on examine ses finances. Dès le mois de janvier, le ministre délégué chargé des Comptes publics avait dressé ce constat rassurant. Depuis, la photographie des finances locales en 2020 s'est précisée. La facture de la pandémie et de ses effets pour les collectivités locales a finalement atteint l'an dernier un montant de 5,1 milliards d'euros (avant prise en compte des aides de l’État), selon le dernier rapport de l'Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), rendu public le 22 juin. Ce montant représente l’équivalent de 12% de l’épargne brute – c'est-à-dire l'excédent des recettes de fonctionnement sur les dépenses de fonctionnement – que les collectivités locales ont dégagé en 2019.
Le chiffre résulte d'une baisse de recettes qui s'élève à 4,2 milliards d'euros en 2020 et de dépenses exceptionnelles liées à la crise, qui sont estimées "de manière partielle" à environ 900 millions d'euros. Ce montant inclut la prise en compte de certaines économies réalisées par les collectivités.
Des grandes collectivités davantage affaiblies
Signe que celles-ci traversent jusqu'à présent la crise sans trop de dommages : les dispositifs mis en place pour soutenir leurs finances (filet de sécurité des finances du bloc communal, avances remboursables de droits de mutation à titre onéreux au profit des départements…) ont été beaucoup moins sollicités que prévu.
Mais ce tableau d'ensemble masque des situations moins roses. Les villes de plus de 100.000 habitants ont cumulé les difficultés : elles ont dû engager des dépenses plus élevées dans la lutte contre l'épidémie et, côté recettes, elles ont souffert. Comme l'a mis en évidence la Cour des comptes - dans le premier fascicule de son rapport sur les finances publiques locales en 2021, paru fin juin - certaines de leurs ressources (versement mobilité, taxe de séjour, ou celles liées à l'occupation du domaine public) ont été fortement affectées par la crise sanitaire. De plus, alors qu'elles mettent en œuvre de nombreux services publics, elles ont été touchées de plein fouet par la réduction des recettes tarifaires. Rappelons que ces pertes n'ont fait l'objet d'aucun dispositif de compensation.
Les départements de plus de 1 million d'habitants apparaissent eux aussi en général davantage affectés que les autres départements, du fait d'une baisse des DMTO plus marquée, conjuguée parfois à une nette accélération des dépenses sociales. Des collectivités ou des intercommunalités sont aussi soumises à une pression budgétaire importante du fait de la prédominance de l'activité touristique sur leur sol, et donc de leur dépendance vis-à-vis de certaines recettes spécifiques (taxe de séjour, taxe sur les remontées mécaniques ou sur les casinos).
Rebond des recettes locales
Qu'en est-il en 2021 ? Les informations les plus récentes "confirment un rebond significatif pour les finances des collectivités territoriales", indique le député (LREM) Jean-René Cazeneuve dans un nouveau "baromètre de l'impact de la crise du Covid-19 sur les finances locales", qu'il a publié le 22 juillet (voir la note). Le président de la délégation aux collectivités territoriales au sein de l'Assemblée nationale s'attend à une croissance "significative" des dépenses de fonctionnement locales, "notamment en raison de la réouverture des services". Du côté des dépenses des départements en matière de revenu de solidarité active (RSA), il se veut rassurant : après une hausse de 7,5% l'an dernier, elles ont enregistré un recul d'1,3% au premier semestre de cette année. Il note en outre que "les dépenses d’intervention (aides aux entreprises, achats liés à la crise sanitaire) devraient diminuer, bien que de nouvelles dépenses ne sont pas à exclure".
S'agissant des recettes locales, l'élu s'attend à une progression de 2,3 % cette année. Il anticipe notamment une forte croissance du versement mobilité (+ 9,1%), des DMTO (+ 11%), de la taxe de séjour (+ 15%) et de la taxe d'aménagement (+ 7%). Les régions bénéficieraient d'une augmentation de 5% de la fraction de TVA qui leur a été attribuée en 2018 (en remplacement de leur dotation globale de fonctionnement). En outre, certaines régies locales, qui n'avaient reçu aucun soutien en 2020, bénéficieront d'une bouffée d'oxygène cette année. La première loi de finances rectificative pour 2021, qui a été publiée le 20 juillet, leur consacre plus de 200 millions d'euros (voir ci-dessous les mesures de ce texte concernant les finances locales).
Nuages
Seule ombre au tableau financier cette année : le recul du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) perçue par le bloc communal et les départements (- 1,1 %). Les versements effectués par les entreprises étant fondés sur les résultats des années antérieures, le produit de la taxe reculerait davantage encore (entre - 2 % et - 6 %) en 2022.
Cela inquiète la Cour des comptes. Pointant un risque de fragilisation des intercommunalités - lesquelles ont parfois des niveaux élevés de recettes de CVAE –, "tout le bloc communal" pourrait être affecté, "en raison notamment des règles de solidarité financière mises en place dans les groupements", a-t-elle alerté dans son rapport. Par ailleurs, la Rue Cambon n'écarte pas le risque d'une nouvelle dégradation des comptes des départements. Le remplacement cette année de leurs recettes de taxe sur le foncier bâti par une part de TVA accroît la dépendance de leurs ressources à la conjoncture économique, soulignent les magistrats. Ils pointent également le risque d'une progression des dépenses sociales dans les mois prochains.
Accélération des dépenses d'investissement
Ces incertitudes n'entament cependant pas la volonté des acteurs publics locaux de maintenir, voire d'accélérer cette année leurs investissements. Un net rebond de la commande publique (c'est-à-dire les achats au sens large et pas seulement les investissements) a déjà été perceptible au second semestre 2020 et le mouvement s'est poursuivi au cours des deux premiers mois de 2021, d'après l'observatoire de la commande publique mis en place par l'Assemblée des communautés de France (ADCF) et la Banque des territoires. Début mai, une étude de l'Association des maires de France (AMF) et de la Banque des Territoires concluait qu'après la très forte baisse de l'investissement local en 2020 (- 6,2% au total, mais - 14,5% pour le seul bloc communal), on pouvait escompter une reprise cette année. Début juillet, une enquête de la Banque postale et de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) mettait en avant la même tendance. Les deux tiers des collectivités et intercommunalités que les partenaires ont interrogées au premier semestre 2021 ont indiqué vouloir augmenter leurs dépenses d’investissement cette année.
Enfin, une enquête, publiée tout récemment par l'ADCF, confirme que les intercommunalités comptent bien être au rendez-vous de la relance. Sur les 195 groupements à fiscalité propre ayant répondu, 58% comptent mettre en œuvre le programme d'investissement "tel qu'il avait été prévu avant la crise" et un tiers envisagent même "une ambition renforcée" (voir cette étude).
Parue le 20 juillet, la loi de finances rectificative pour 2021 comprend plusieurs dispositions visant directement les finances locales. Dont un dispositif très attendu, destiné à venir en aide aux régies publiques. |