Réforme des collectivités - Conseiller territorial : un nouveau mode de scrutin... et un amendement d'Alain Marleix rejeté à l'unanimité
"Les conseillers territoriaux sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours selon les modalités prévues au titre III de livre Ier du Code électoral. Ils sont renouvelés intégralement tous les six ans." C'est ce que prévoit désormais l'article 1er A du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, après l'adoption ce mercredi 12 mai en commission des lois de l'Assemblée nationale, au terme d'un long débat, d'un amendement déposé par le gouvernement (amendement à télécharger ci-contre). Alors que le gouvernement avait initialement prévu un scrutin mixte à un tour (et d'attendre le projet de loi "relatif à l'élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale" pour déterminer ce mode de scrutin), ce changement de cap gouvernemental n'est certes pas une totale surprise, dans la mesure, entre autres, où l'UMP s'était prononcé il y a quelques jours en faveur d'un scrutin majoritaire à deux tours et où le gouvernement s'est exprimé sur ce point à plusieurs reprises ces derniers temps. Le texte de l'amendement n'inclut en revanche pas d'interdiction des triangulaires, alors que le bureau politique de l'UMP avait évoqué "deux tours secs". Mais l'on sait aussi que Dominique Perben, le rapporteur de la commission des lois, est personnellement plutôt hostile à la suppression des triangulaires (voir ci-contre notre article du 10 mai " La réforme des collectivités entre les mains des députés"). En se référant au "titre III de livre Ier du Code électoral", l'amendement prévoit une élection sur le même mode que les actuels conseillers généraux, par conséquent un seuil de maintien au second tour fixé à 10% des inscrits.
"Ce sujet [des triangulaires] n'a pas été abordé en commission", a simplement indiqué le secrétaire d'Etat aux Collectivités Alain Marleix, qui préfèrerait pour sa part relever le seuil pour le maintien au second tour à 15% des inscrits. La suppression des triangulaires pourrait toutefois faire l'objet d'un amendement UMP. Elle est soutenue par "au moins 240 députés", selon une source parlementaire UMP citée par l'AFP.
En commission, le patron des députés Nouveau Centre (NC), François Sauvadet, a dénoncé un mode de scrutin "proprement inacceptable". "Nous en tirerons toutes les conséquences en séance", a prévenu le porte-parole du groupe NC, Maurice Leroy. En notant que les sénateurs centristes menacent eux aussi de ne pas voter la réforme des collectivités si le mode d'élection du conseiller territorial ne comporte pas une dose de proportionnelle. Et que le président du MoDem, François Bayrou, a accusé le gouvernement de "renier ses engagements" et évoqué un mode de scrutin "anti-constitutionnel" car remettant en cause le respect de la parité et du pluralisme. "Et ce sera pire encore si, comme on nous l'annonce, un amendement vient supprimer la possibilité de triangulaires", a ajouté le député des Pyrénées-Atlantiques.
Quand les députés font bloc contre le scénario Marleix
Alain Marleix a par ailleurs subi un camouflet sur un autre amendement, qui portait sur la fixation des effectifs des conseils généraux et conseils régionaux et sur la délimitation des futurs cantons – une double question qu'il avait longuement développée la semaine dernière lors de son audition par la commission des lois (voir également notre article du 10 mai). Verdict de la commission : l'amendement du secrétaire d'Etat a été rejeté… à l'unanimité !
Il faut dire que le texte (à télécharger ci-contre) prévoyait d'autoriser le gouvernement à arrêter "le tableau des effectifs de chaque conseil régional et de chaque conseil général" par voie d'ordonnance. Avec pour seul encadrement inscrit dans la loi le fait qu'aucun conseil général ne puisse compter moins de 15 conseillers territoriaux (soit l'effectif actuel du conseil général du Territoire de Belfort, le plus petit département français) et qu'aucun conseil régional ne puisse en rassembler plus de 300 (le conseil régional d'Ile-de-France réunit actuellement 209 élus). Et une simple phrase prévoyant qu'il serait tenu compte "notamment de la population, de la carte cantonale actuelle, du nombre de communes et de l'étendue des départements".
S'agissant de la délimitation des cantons, Alain Marleix prévoyait de la faire intervenir par décret en Conseil d'Etat après avis d'une "commission nationale calquée sur la consultation de contrôle du redécoupage électoral mise en place pour la délimitation des circonscriptions législatives"… et, était-il écrit noir sur blanc dans l'article additionnel, "par dérogation aux dispositions du Code général des collectivités territoriales", elle aurait été établie "sans consultation des conseils généraux intéressés".
Les députés de droite comme de gauche ont refusé tout net. "Au gouvernement de mettre carte sur table dès le projet de loi", fait-on valoir à l'UMP. Alain Marleix a pris acte…
Avec un total de 700 amendements déposés – et un démarrage aussi fracassant… - la réunion de la commission des lois devrait se poursuivre tard dans la soirée ce 12 mai. L'examen du projet de loi en séance publique à l'Assemblée démarre le 25 mai.
Claire Mallet