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Conseil national de la refondation : un collège de la Marne se jette à l'eau

Le collège Pierre-Souverville de Pontfaverger-Moronvilliers, dans la Marne, a été invité par l'Éducation nationale à participer au volet "éducation" du Conseil national de la refondation. En quelques semaines à peine, il a ébauché un projet et a commencé à mobiliser la communauté éducative, dont les collectivités locales.

Les acteurs de l'éducation se sont lancés dans le Conseil national de la refondation (CNR)… à petits pas. Présente, aux côtés de la santé parmi les "thématiques locales", l'école a été hissée par les promoteurs du CNR au rang de "cœur de notre contrat républicain". Depuis le 8 septembre 2022 et l'annonce par le président de la République d'"une méthode nouvelle de consultation et de concertation" pour permettre aux Français d’être des acteurs de l’action publique, écoles, collèges et lycées sont invités à imaginer de nouvelles façons d'assurer la réussite des élèves, réduire les inégalités ou encore assurer le bien-être des jeunes au sein des établissements.

De son côté, Pap Ndiaye, ministre de l'Éducation nationale, traque la moindre initiative. Début octobre, il participait à une concertation à l’école primaire de Gasville-Oisème (Eure-et-Loir). Le 17 octobre, c'était au tour du collège Pierre-Souverville de Pontfaverger-Moronvilliers (Marne) de recevoir sa visite.

Si le corps enseignant figure parmi les acteurs attendus de cette réflexion censée émerger du terrain et se répandre comme une traînée de poudre au sein de la communauté éducative, les choses ne se sont pourtant pas passées comme cela à Pontfaverger-Moronvilliers.

Une équipe "partante pour tout"

Principal nouvellement arrivé au collège Pierre-Souverville, Hervé Humbert raconte : "Fin septembre, peu après ma prise de fonctions, j'ai fait remonter aux autorités académiques un rapport d'étonnement. J'ai alors été contacté par l'inspecteur académique adjoint qui m'a demandé si j'avais pris connaissance de la lettre du président de la République concernant le CNR, et si cela intéressait notre collège d'entrer dans cette démarche." Le 13 octobre, une réunion du conseil pédagogique du collège est l'occasion de débattre du sujet.

Pour Hervé Humbert, la participation à la démarche du CNR est tentante : "Le projet qui nous est proposé vise à changer totalement l'organisation du système très vertical qui a toujours prévalu en s'adressant aux équipes et en leur demandant d'inventer ce qu'elles veulent, sans tabou. L'aide n'est pas forcément financière, il peut s'agir de changements de rythmes. Le sacro-saint cours d'une heure peut être autre chose. De même, l'accompagnement aux devoirs peut être fait sur des modèles plus souples et on pourrait organiser différemment le parcours Avenir."

Dans cet établissement dont l'historique de projets culturels, artistiques ou scientifiques est connu des autorités académiques et dont l'équipe pédagogique est "un peu partante pour tout", selon son principal, la décision de participer au CNR est vite prise. Mais pour faire quoi ? Un premier travail est mené afin de dresser un "constat partagé" du fonctionnement de l'établissement.

Phénomène d'accélération

Avec 60 à 65% des élèves qui tentent la seconde générale et technologique et une orientation professionnelle "plutôt réussie", le premier diagnostic est positif. "Si je pars de ce constat, on n'a plus rien à faire", s'amuse Hervé Humbert. En analysant les chiffres de plus près, le principal et son équipe mettent le doigt sur un point d'amélioration : mieux s'outiller pour prendre en charge les quelques élèves qui n'y arrivent pas.

L'ébauche du projet du collège Pierre-Souverville de Pontfaverger-Moronvilliers s'attarde alors sur deux axes : "changer les organisations pour obtenir l'amélioration des résultats des élèves" et "éclairer et développer le parcours Avenir". Mais il ne s'agit là que de la réflexion des enseignants. Or la démarche du CNR vise à associer les élèves, les représentants des parents d'élèves, les partenaires de projet ou encore les collectivités territoriales.

Pour réunir tout le monde autour de la table, un "phénomène d'accélération" va alors se produire. Hervé Humbert apprend que sa démarche intéresse le rectorat, puis on lui annonce la visite du recteur. "Deux jours après, confie-t-il, on me rappelle pour me dire que le projet tel qu'il est ébauché intéresse le ministère et que nous allons avoir la visite de Mr le ministre."

Éviter l'autocensure

Le temps est alors compté. Trois réunions avec les élèves se tiennent avec un leitmotiv : éviter l'autocensure. "Le risque d'une concertation en présence du ministre est qu'on aboutisse à quelque chose d'extrêmement lisse, sans projet derrière", craint Hervé Humbert.

Arrive le grand jour. Lundi 17 octobre, en plus de Pap Ndiaye et des représentants de l'État, sont présents la présidente du Grand Reims, le président du conseil départemental et tous les maires des communes rurales qui envoient des élèves dans cet établissement situé à environ trente minutes de Reims. Si le protocole est imposant, il s'agit bien d'une séance de travail d'où surgit un troisième thème "grâce aux élèves qui ont eu le cran d'intervenir" : le bien-être de l'élève au quotidien.

Ce dernier point s'avère crucial pour faire vivre l'ambition du CNR et entraîner la participation de toute la communauté éducative. Les élèves suggèrent en effet de modifier les transports scolaires pour assouplir différents dispositifs d'aides, tel Devoirs faits, dont le cadre "assez rigide est difficile à mettre en place dans le monde rural où l'on est tributaires des transports scolaires". Sans le savoir, les élèves touchent ainsi à la responsabilité du ministère de l'Éducation nationale, mais aussi à la compétence du conseil départemental et à celle du Grand Reims. "Cela va loin, commente Hervé Humbert. Une proposition de changements d'horaires de transports scolaires, c'est une démarche de longue haleine qui aboutit une ou deux années scolaires plus tard. Et si on n'est pas tous autour de la table, ça ne marche pas."

"Battre le fer tant qu'il est chaud"

En moins d'un mois, la machine s'est mise en marche au collège Pierre-Souverville de Pontfaverger-Moronvilliers. Les projets sont bel et bien conçus par les premiers concernés, au plus près du terrain. Pour le principal, il s'agit maintenant de les faire remonter tout en assumant que tout ne pourra pas être validé dans un délai rapide. "Dans l'ancien système, pointe-t-il, quand on remontait des idées originales qui se heurtaient à des limites réglementaires ou budgétaires, on nous disait qu'on ne pourrait pas. Cette fois, les autorités académiques m'ont expliqué que, même si elles ne pourront pas dire oui à tout, il y aura des possibilités dérogatoires." Surtout, un fonds de 500 millions d'euros est garanti jusqu'à la fin du quinquennat. 

Pour l'heure, Hervé Humbert entend "battre le fer tant qu'il est chaud". Dès novembre, il va constituer un comité de pilotage d'une quinzaine de personnes, dont le maire de Pontfaverger, des conseillers départementaux voire des fonctionnaires territoriaux. Ce comité sera dans un premier temps chargé d'adapter les questionnaires de l'Éducation nationale portant sur l'auto-évaluation des établissements dont beaucoup de points recoupent les centres d'intérêt et projets du collège. Une fois ce travail effectué, les questionnaires seront diffusés auprès des parents, enseignants et autres partenaires. Puis le comité de pilotage en tirera les enseignements. En janvier, comme le prévoit le CNR, le principal aura l'autorisation de mettre en place une journée banalisée afin de permettre aux personnels de participer à la réflexion sans la présence des élèves.

Durant l'année, Hervé Humbert souhaite encore mettre en place un groupe de travail et de repérage d'élèves risquant de décrocher pour pouvoir leur donner des modalités de travail différentes et les mener à une découverte plus approfondie des métiers. Pour y parvenir, il compte développer les relations avec le monde professionnel. Le préfet de la Marne a déjà annoncé son aide, tout comme le maire de Pontfaverger-Moronvilliers, qui a promis de réaliser un catalogue des entreprises et artisans de la commune. Si la démarche a été initialement soufflée par l'inspection académique, elle a déjà eu pour effet de créer un dialogue parmi les parties prenantes du collège. Les bases sont posées…