Congrès des maires - Insécurité : le cri de détresse des élus de Mayotte

A l'issue d'un débat sur la sécurité du quotidien, lors du Congrès des maires, des élus de Mayotte ont tiré la sonnette d'alarme, mardi 22 novembre, sur la situation que vit le département français de l'océan Indien. Des bandes de mineurs armés de machettes y sèment le chaos depuis une dizaine de jours.

"J’ai fait douze heures de vol avec beaucoup de mes collègues pour partager avec vous - j’allais dire un sentiment mais ce n’est plus un sentiment -, vous dire le désespoir des Mahorais." Après 2h30 de discussion autour de la "sécurité du quotidien", dans le cadre du Congrès des maires de France, Soula Saïd Souffou, élu de Sada et conseiller de Mayotte, a donné au sujet une autre dimension, en rappelant la très dure réalité que vit cette île de l’océan Indien. Depuis une dizaine de jours, la plus grande ville de Mayotte, Mamoudzou, est en proie à une flambée de violences entre jeunes de quartiers rivaux, suite au meurtre de l’un d’entre eux à la machette le 12 novembre. Trois jours plus tard, un jeune a sectionné la main d’une victime dans un bus scolaire, avant qu’un autre bus scolaire ne soit lui aussi attaqué à la machette, le lendemain. Ce qui, depuis, provoque des scènes de chaos : barrages, incendies, commerces dégradés, forces de l’ordre caillassées, automobiliste poignardé… Les autorités "sont complètement dépassées", s’est alarmé le conseiller municipal, rappelant que la situation ne date pas d’hier.  "L’île aux parfums" avait choisi d’appartenir à la France en 1841 "pour sa sécurité", mais "tout a basculé il y a quelques années", sur fond d’immigration incontrôlée. "Nous voyons des jeunes jouer, non pas au rodéo, mais à la machette", a-t-il développé, évoquant la présence de "plus de 4.000 mineurs isolés" livrés à eux-mêmes. "On ne sait plus que faire (…) Nous attendons beaucoup de la République, je voulais que vous entendiez notre détresse."

Alors que l’envoi d’une unité du raid était attendue ce mardi, "c’est une implantation permanente qu’il nous faudrait, toutes les communes connaissent" cette situation, a plaidé l’élu, se demandant pourquoi un détachement de la légion étrangère intervient dans les îles voisines et ne le peut pas à Mayotte.

Barbares en culotte courte

En amont du Congrès des maires, lundi, le sujet a marqué les discussions de la traditionnelle journée dédiée à l’outre-mer qui, pour la première fois, se déroulait au palais des congrès d’Issy-les-Moulineaux. Madi Madi Souf, président de l'Association des maires de Mayotte a décrit à cette occasion un département devenu en quelques années une "terre de traumatismes, de peur et de deuil" (voir notre article du 21 novembre 2022). La députée du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires, Estelle Youssouffa, est aussi montée au créneau, mardi, lors des questions au gouvernement, à l’Assemblée. "Ces barbares en culotte courte, de 12 à 13 ans, armés de machettes, de barres de fer ou de cailloux, tuent, pillent, agressent, détruisent et sèment le chaos. Ce sont des mineurs et de jeunes adultes, la plupart étrangers en situation irrégulière, que nous appelons terroristes (…) Qu’entendez-vous faire pour éviter la guerre civile à Mayotte ?", a-t-elle demandé au ministre de l’Intérieur et de l’Outre-mer Gérald Darmanin. Face à ce climat, ce dernier a répondu que "le président de la République lui-même se penche sur la question des moyens destinés à ce territoire". "Les moyens de la justice vont connaître un renforcement très important : le garde des Sceaux a eu l’occasion d’évoquer les centres éducatifs fermés ; le nombre de magistrats, donc le nombre de décisions, va augmenter, afin d’assurer la suite des interpellations qui sont nombreuses", a-t-il ajouté.

Le ministre a aussi annoncé "une opération de grande envergure pour mettre fin aux 'bangas' (bidonvilles, ndlr) sur une partie du territoire mahorais" avec l’envoi de "très nombreux gendarmes mobiles pour inverser la courbe de la violence". Sur le plan militaire, Gérald Darmanin a annoncé à l’Assemblée travailler avec le ministre des Armées "à l’intégration, dans la future loi de programmation militaire, d’un chapitre particulier consacré à la Guyane et à Mayotte, afin de renforcer les moyens militaires dans ces territoires".

Doter toutes les communes d'une police municipale

Lors du congrès, Soula Saïd Souffou a dit "beaucoup attendre" de la Lopmi (loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur) en cours de discussion "pour sortir Mayotte de la barbarie". Il a été relayé quelques minutes plus tard par Maymounati Moussa Ahamadi conseillère municipale et départementale du canton de Dzaoudzi-Labattoir qui a elle-aussi insisté sur la part de mineurs dans la délinquance. "La plupart des délinquants à Mayotte ont aujourd’hui entre 13 et 18 ans, certains d’entre eux ne sont pas incarcérés mais sont relâchés", a-t-elle fustigé. Elle a suggéré notamment de mettre en place beaucoup plus de TIG (travaux d’intérêt général) "pour que les enfants apprennent à aimer la terre qui les accueille et les nourrit tous les jours". Elle a en outre demandé l’électrification de toutes les routes nationales et souhaité que l’AMF fasse pression auprès du gouvernement pour aider toutes les communes à se doter d’une police municipale afin de travailler en lien avec les forces de l’ordre. "Toutes les villes de Mayotte ont plus de 5.000 habitants et nous n’avons que cinq communes qui ont une police municipale, sachant que la violence a atteint son paroxysme", a-t-elle argué.

A l'issue du débat, Frédéric Masquelier, maire de Saint-Raphaël (83) et co-président de la commission sécurité de l'AMF, a assuré que celle-ci jouerait son rôle de "courroie de transmission" auprès du gouvernement.

Interpellé par des élus mahorais lors de sa visite du Salon des maires, mercredi, le président de la République Emmanuel Macron a promis "
une réponse sécuritaire au plus vite" mais aussi un travail "beaucoup plus vigoureux avec les Comores pour stopper les départs" de migrants. "On va mettre plus de moyens militaires aussi en mer pour pouvoir éviter les arrivées", a-t-il précisé, selon des propos rapportés par l'AFP.