Congrès des maires – Entre héritage du passé et nouveaux enjeux d'exploitation, les communes minières font leur retour
Les communes minières ont fait leur retour dans le cadre du Congrès des maires en animant le 20 novembre un point info consacré pour l'essentiel à l'après-mines mais aussi aux nouvelles perspectives d'extraction, qui peuvent susciter des inquiétudes au niveau local. Pour l'association qui porte la voix des communes minières, une réforme globale du code minier s'impose de plus en plus, de même qu'une remise à plat de la fiscalité jugée à la fois obsolète et injuste pour les communes dont le sous-sol est exploité.
Après plus de 30 ans d'absence, les communes minières ont eu de nouveau voix au chapitre lors du Congrès des maires. Elles ont animé le 20 novembre un point info qui leur a donné l'occasion d'exposer leurs revendications, au moment où de nouvelles formes d'exploitation se dessinent, comme en témoigne, par exemple, le projet de mine de lithium dans l'Allier (lire notre article), sans que les comptes du passé aient été soldés dans les anciens sites miniers – 10% des communes métropolitaines et plus de 4,5 millions de personnes sont concernées par une activité minière passée.
"Nous avons noté qu'à la fin des concessions, l'Etat, qui réglemente la délivrance des titres miniers, se fait en permanence tirer l'oreille pour assumer ses responsabilités en matière de gestion des risques et des pollutions, a souligné Jean-Pierre Kucheida, président de l'association des communes minières (Acom France) et ancien député du Pas-de-Calais. Nous avons beaucoup de difficulté à faire bouger les choses sur le taux de contribution de l'Etat qui a pourtant beaucoup engrangé dans le passé".
Fiscalité "obsolète" et "injuste"
L'association milite en particulier pour une refonte de la fiscalité jugée tout à la fois "obsolète" et "injuste". Celle-ci trouve son origine dans la loi du 21 avril 1810 qui a créé les redevances minières, l'une fixe et l'autre proportionnelle, modifiée un siècle plus tard par la loi du 8 avril 1910 qui a modifié l'assiette de ces redevances et fait des communes les bénéficiaires d'une partie de la redevance proportionnelle. En contrepartie d'une exonération de la cotisation foncière des entreprises pour certaines activités, les exploitations minières sont soumises à une taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties.
Mais cette fiscalité issue de l'histoire et des spécificités de l'exploitation antérieure des grandes mines de charbon et de fer, notamment, est jugée par les communes minières inadaptée à la situation actuelle. Selon elles, elle avait un sens "dans le cadre d'exploitations minières avec une main d'œuvre importante et des compagnies minières qui 'participaient à l'aménagement urbain' (logement, santé, infrastructures, voirie, etc.)". Mais, "alors que ces mêmes services et prestations sont désormais assurés par les collectivités locales, il convient de compenser ce transfert de charges en augmentant significativement le montant de la redevance des mines", estiment-elles.
Un "fonds commun" jugé mal réparti
Le symbole de l'"obsolescence fiscale" dénoncé par Acom France est le "fonds commun" – soit la troisième fraction (55%) de la redevance communale des mines – réparti annuellement entre les communes où sont domiciliés les ouvriers ou employés occupés à l'exploitation des mines et aux industries annexes, au prorata du nombre de ces salariés. Pour en bénéficier, les communes doivent compter au moins 10 mineurs/employés domiciliés sur leur territoire et le nombre de ces salariés représenter a minima 1/1000 de la population totale communale. Or, la mécanisation a rendu obsolètes ces quotas, soutiennent les communes, et avec l'évolution de la mobilité, les ouvriers employés ne vivent plus forcément dans les villes d'exploitation.
Résultat : "la répartition actuelle désavantage les communes dont le sous-sol est exploité alors qu'elles sont les plus impactées par les nuisances de l'exploitation et les risques miniers résiduels, ainsi que par des conséquences sur le développement urbain et l'attractivité, poursuit ACOM France. De plus, des communes de domiciliation perçoivent une redevance alors qu'elles ne sont pas concernées par les conséquences minières et que la population ne représente pas une charge significative pour la commune, et même, au contraire, un acteur d'un dynamisme démographique, économique et fiscal".
Une réforme du code minier inadaptée ?
Autre sujet de préoccupation d'Acom France : la réforme du code minier initiée par la loi Climat et Résilience, suivie d'un recours aux ordonnances pour sa mise en oeuvre (lire nos articles des 14 avril et 14 novembre 2022). "Elle a été réalisée sans concertation avec les territoires concernés et en faisant fi des anciennes exploitations", pointe son président. L'association d'élus, qui a élaboré une proposition de motion de soutien aux communes minières, signée par 57 collectivités au 21 octobre, estime que "l’évolution du modèle minier nécessite un projet de loi distinct pour une véritable réforme à la hauteur des enjeux".
"Cette réforme partielle ne répond pas aux multiples enjeux miniers d’hier et de demain, notamment sur les sujets liés à 'l’après-mine' et la 'fiscalité minière'", regrettent les communes minières. D'autant que s'annonce une "nouvelle ère minière pour répondre aux défis géostratégiques sur les matières premières et aux besoins de la transition écologique, énergétique et numérique", soulignent-elles. Tandis que le gaz de mine continue à alimenter en énergie 400.000 habitants dans le Pas-de-Calais, a illustré Jean-Pierre Kucheida, plusieurs programmes de recherche tels que Regalor, financé par la région Grand Est, ont permis de mener des essais sur l'exploitation de gaz de charbon. Dans le bassin lorrain, de l'hydrogène natif en quantités très importantes a aussi été découvert à 3.000 mètres de profondeur. "Cela peut être un avantage considérable pour le pays d'exploiter ce qui est exploitable, il faut accentuer la recherche dans ces domaines", souligne le président d'Acom France. A condition de rester vigilants.
L'association estime que dans le projet de loi de simplification de la vie économique présenté le 24 avril dernier et voté par le Sénat le 22 octobre, le gouvernement a présenté de "nouvelles évolutions incomplètes du Code minier pour faciliter les nouvelles exploitations, mais sans traiter des sujets de fond. Or, le manque d’ambition et l’absence de débat national porteront des conséquences graves, tant sur une opposition croissante faute de confiance dans un modèle minier écoresponsable, que pour les collectivités et la population qui seront les premières victimes", note sa proposition de motion.