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Concessions hydrauliques : plus le gouvernement rassure, plus les députés s'inquiètent

Lors d'un débat à l'Assemblée nationale sur l'avenir du secteur hydro-électrique, le gouvernement a cherché à rassurer les députés en rappelant son attachement au caractère public des aménagements hydrauliques. Mais depuis la relance des discussions avec la Commission européenne sur les conditions d'ouverture à la concurrence des concessions arrivant à échéance, un statu-quo s'installe avec Bruxelles dont le gouvernement peine à sortir, ravivant de fait les inquiétudes des représentants des élus locaux.

Les mois passent… et rien ne se passe. Il y a près d'un an (voir notre article), des entreprises, syndicats et élus locaux attachés au caractère public des aménagements hydrauliques haussaient le ton contre la proposition faite par le gouvernement d'ouvrir par lots à la concurrence les concessions arrivant à échéance. Que s'est-il passé depuis ? Pas grand-chose. Sous l'impulsion du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, un débat plutôt bienvenu en séance le 6 mars à l'Assemblée nationale a donc remis le sujet sur le devant de la scène et souligné les inquiétudes que suscitent les négociations en cours avec la Commission européenne. "Discrètes, elles font craindre le pire pour un secteur amené à jouer un rôle croissant dans la production d'énergies renouvelables et qui touche par ailleurs au service public de l'eau, à ses usages et impacts associés, et donc à la gestion d'un bien commun", alerte Hubert Wulfranc. Ce sénateur communiste de la Seine-Maritime appelle à co-construire une initiative parlementaire sur le sujet.

L'outil de production hydraulique, fort d'un rang à part dans notre mix énergétique, fournit la première énergie renouvelable du pays. "Le biais, dans ce dossier des concessions, est de l'aborder sous le seul angle de la production d'énergie", éclaire l'une des parlementaires qui le connaît le mieux, la députée socialiste de l'Isère Marie-Noëlle Battistel. En effet, du soutien d'étiage à l'irrigation, à la pêche en passant par le tourisme, le refroidissement des réacteurs nucléaires et la prévention des risques d'inondation, les 400 barrages exploités à 80% environ par EDF jouent un rôle dépassant ce cadre. "Ils constituent un enjeu majeur pour les territoires et leur développement durable. Loin d'être anecdotique, le sujet appelle à un débat politique interrogeant notre vision de l'avenir et de l'action publique", poursuit la députée. Suivant cette logique, elle conseille de garder ces concessions dans le giron public "puisqu'elles relèvent davantage de ce secteur que du secteur marchand".

"Quoiqu'il advienne, les barrages resteront la priorité de l’État. Nous sommes attachés à cette énergie capitale dans notre mix électrique et voulons augmenter la puissance installée dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) en passant de 26,4 à 26,7 GW. Il faudra optimiser pour cela les installations existantes. Et il y aura des appels d'offres", défend de son côté la secrétaire d'Etat à la Transition écologique Brune Poirson. La filière a trouvé cet objectif de développement fixé à 2028 bien timide au regard du potentiel hexagonal. "Il l'est, c'est bien dommage", estime Marie-Noëlle Battistel. Un autre député, Martial Saddier (Haute-Savoie), redoute qu'une fois lancée l'ouverture par lots à la concurrence des concessions arrivant à échéance, le paysage s'affaiblisse et se morcelle : "Cela va conduire à une démultiplication d'acteurs tournés vers la seule recherche de rentabilité. Prenons garde à ne pas brader notre potentiel hydroélectrique". "Et quid des concessions déficitaires actuellement exploitées dans un système fondé sur la péréquation ?", interroge Marie-Noëlle Battistel. "Pour elles, un complément de rémunération serait envisageable", répond le gouvernement.

Enfin, les débats se crispent autour des futurs cahiers des charges qui encadreront les pratiques des entrants sur le marché : "Il faut qu'ils intègrent l'ensemble des enjeux évoqués sur la ressource en eau", insiste Martial Saddier. "C'est prévu" selon Brune Poirson, qui ajoute que l'objectif est d'y tenir compte d'enjeux d'intérêt général tels que le soutien d'étiage. Le gouvernement promet aux députés de les informer régulièrement des discussions engagées avec la Commission. "Nous lui avons soumis des options, aucune n'a été validée. En retour elle n'a pas fait de propositions alternatives. Les discussions continuent, le but est de sortir d'un statu-quo qui, on en a conscience, nuit à l'investissement dans le secteur et génère des incertitudes chez les acteurs concernés dont les collectivités", conclut Brune Poirson.

La Commission européenne presse huit États membres dont la France

Dans un communiqué diffusé le 7 mars, la Commission indique avoir adressé des lettres de mise en demeure à plusieurs États membres (Autriche, Allemagne, France, Pologne, Portugal, Suède, Royaume-Uni, Italie), "pour faire en sorte que les marchés publics dans le secteur de l'énergie hydroélectrique soient attribués et renouvelés dans le respect du droit de l'Union". Selon la commissaire pour le marché intérieur, l'industrie, l'entrepreneuriat et les PME, El?bieta Bie?kowska, il revient à l'Europe qui "construit une Union de l'énergie" d'assurer "des conditions de concurrence équitables dans le marché unique et de garantir que les entreprises peuvent fournir de l'énergie hydroélectrique dans l'ensemble de l'UE". La procédure d'infraction pour la France concerne la législation et la pratique des autorités françaises, que la Commission juge contraires en l'état au droit de l'UE car elles "autorisent le renouvellement ou la prolongation de certaines concessions hydroélectriques sans recourir à des procédures d'appel d'offres".

 

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