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Social - Compensations de service public : Bruxelles clarifie les règles du jeu

Une récente décision de la Commission européenne précise désormais les critères permettant de juger si une compensation de service public constitue ou non une aide d'Etat. Elle crée aussi un régime d'exception pour les hôpitaux, le logement social et les services publics locaux.

Pour clarifier les conditions de financement des missions de service public, deux textes ont été publiés au JOUE du 29 novembre 2005. Le premier texte est une décision de la Commission qui définit un régime d'exception pour les compensations inférieures à 30 millions d'euros (protégeant ainsi la majeure partie des services publics locaux) et pour les compensations destinées au secteur hospitalier et au logement social. Le second est un "encadrement communautaire des aides d'Etat sous forme de compensation de service public". Cet encadrement précise les règles que la Commission compte appliquer pendant les six prochaines années pour autoriser les aides publiques supérieures à 30 millions d'euros versées aux entreprises et destinées à compenser les surcoûts induits par leurs obligations de service public.
Les compensations versées aux hôpitaux et aux entreprises de logement social qui exercent effectivement un service public, ainsi que celles d'un montant inférieur à 30 millions d'euros par an (*), ne sont pas considérées comme des aides d'Etat. Elles sont d'office déclarées compatibles avec le Marché unique et exemptées de notification. Tel est aussi le cas des compensations accordées aux entreprises qui gèrent des liaisons aériennes ou maritimes avec des îles et dont le trafic annuel de passagers est inférieur à 300.000 pour les ports et à un million de passagers pour les aéroports dans les deux années précédents l'octroi du service public.


Sécuriser l'environnement juridique

La publication officielle de ces deux textes est passée quasiment inaperçue. En partie parce que leur adoption par le collège bruxellois le 13 juillet 2005 a conclu pas moins de six mois de consultation sur les projets de texte. Ceux-ci ont semble-t-il fait l'objet d'un relatif consensus. En tout cas, il était certain qu'une clarification des règles du jeu s'imposait. Les seuls critères d'interprétation dans ce domaine étaient en effet jusque-là édictées par la jurisprudence et plaçaient les pouvoirs publics comme les entreprises concernées dans une relative insécurité juridique.
Dans leur arrêt Altmark du 24 juillet 2003, les juges européens avaient identifié quatre critères pour qu'une aide publique versée à une entreprise en compensation d'une mission service public ne soit pas considérée comme une aide d'Etat. Mais sans, toutefois, faire référence au montant de la compensation, ni à son objet.
Par principe (article 87 du traité sur l'UE), les aides publiques aux entreprises sont prohibées par Bruxelles. A ce titre la Commission européenne a, seule, le pouvoir d'autoriser un Etat membre à verser une aide à une entreprise, lorsqu'elle estime qu'une telle aide n'affecte pas trop la concurrence de manière défavorable. En appliquant ce principe à la lettre, les compensations de service public versées aux entreprises sont elles aussi considérées comme une aide d'Etat devant être soumise au régime de droit commun, et donc notifiée puis autorisée par Bruxelles.


Quatre critères cumulatifs à respecter

Les quatre critères de la jurisprudence permettant de juger si une compensation de service public constitue ou non une aide d'Etat ont été repris et complétés dans le texte de la Commission de fin novembre. Ces critères sont cumulatifs.
Première condition à respecter : l?entreprise est effectivement chargée d?exécuter une obligation de service public et ses obligations sont clairement définies. Deuxième condition : "les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis, de façon objective et transparente, afin d?éviter qu?elle ne comporte un avantage économique susceptible de favoriser l?entreprise bénéficiaire par rapport à des entreprise concurrentes". Troisième condition, la compensation ne doit pas être surévaluée et doit s?ajuster aux "coûts nécessaires à l?exécution de l?obligation de service public". Enfin, dernier critère, lorsque l?entreprise chargée d'exécuter un service public n?a pas été choisie via une procédure de marché public, le niveau de la compensation doit être évalué à son juste prix et déterminée "sur la base d?une analyse des coûts qu?une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée en moyens de transport aurait encouru".
Même si ces conditions ne sont pas réunies, tout financement des services publics n'est pas pour autant impossible. Toutefois, la mesure de financement constitue alors une aide d?Etat et doit être notifiée à la Commission, laquelle est alors seule compétente pour autoriser l'Etat membre à la mettre en œuvre.


Calcul du montant de la compensation

"Le montant de la compensation n?excède pas ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par l?exécution des obligations de service public", est-il précisé à l?article 5 de la décision. Le calcul de la compensation prend en compte tous les avantages accordés par l?Etat ou les collectivités "sous quelque forme que ce soit". L?entreprise qui perçoit la compensation peut engranger un bénéfice. Celui-ci devra toutefois rester un "bénéfice raisonnable" ne venant pas altérer la qualité du service public. La Commission veille dans son texte à définir ce qu?elle entend par "coûts à prendre en considération ", "recettes à prendre en considération" et "bénéfice raisonnable".
Les obligations de service public doivent être consignées dans un acte officiel "dont la forme est à déterminer par chaque Etat membre" et dont le contenu doit préciser toute une série d'éléments : "la nature et la durée des obligations de service public ; les entreprises et le territoire concernés ; la nature des droits exclusifs ou spéciaux éventuels octroyés à l?entreprise ; le paramètre de calcul et de contrôle de la compensation ; les modalités de remboursement des surcompensations".
Ces nouvelles règles s?appliquent pendant une période de six ans. Les Etats membre disposent d?un délai de 18 mois (qui court depuis 29 novembre 2005) pour adapter et rendre compatibles leurs régimes de compensation.

(*) Les entreprises concernées devront en outre avoir réalisé un chiffre d?affaires inférieur à 100 millions d?euros les deux années précédant l?octroi du service public.


Laurence Maillart

 

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