Commerce spécialisé : 3.200 magasins fermés en trois ans
Dans un marché atone du fait de l'inflation et des arbitrages opérés par les consommateurs, la fédération du commerce spécialisé appréhende la période des fêtes. 3.200 magasins ont fermé ces trois dernières années et de nombreuses procédures de rachats sont en cours.
L'enseigne de prêt à porter Naf Naf, actuellement placée en redressement judiciaire, vient d'annoncer qu'elle allait fermer 17 magasins dans le cadre d'un plan social. Nouvelle illustration des difficultés que traverse la filière "habillement". Entre 2020-2023, un peu plus de 100 procédures ont été dénombrées en France, concernant un total de 80 enseignes dont 44% appartiennent au secteur du textile et de la chaussure, a indiqué la fédération du commerce spécialisé, Procos, jeudi 19 octobre, lors d'une conférence de presse. Sur les 8.800 magasins que comptent ces enseignes, 3.200 ont été amenés à fermer. L'habillement n'est pas le seul touché. Et dans le climat actuel, beaucoup d'enseignes se font racheter : c'est le cas de Go Sport repris par Intersport ou de La Grande Récré par Jouet Club, "deux réseaux coopératifs", ou encore la Maison de la Literie par le groupe de linge de maison Fremaux-Delorme. Les "grandes manoeuvres"' affectent aussi la grande distribution alimentaire avec le rachat de magasins Casino par Intermarché ou de Cora par Carrefour.
"Le contexte actuel reste très compliqué et à même tendance à se dégrader", estime la fédération qui alerte sur le fait que le commerce spécialisé est aujourd'hui pris "en étau", entre des charges qui augmentent plus vite que les chiffres d'affaires, sous l'effet de l'inflation et des hausses de loyers, et une consommation en berne, les consommateurs étant amenés à faire des arbitrages pour privilégier l'alimentaire et freiner sur toutes les dépenses liées à l'équipement de la maison et au bricolage. A ces difficultés s'ajoutent des tendances plus structurelles comme l'essor du e-commerce (dont les ventes sont passées de 3% à plus de 15% pour le prêt-à-porter féminin en moins d'une décennie), l'arrivée de la seconde main, avec notamment Vinted, ce qui obère d'autant les capacités d'investissement. "Il faut impérativement faire en sorte de stopper la contagion à un moment où la consommation flanche alors que les coûts poursuivent leur marche à la hausse, en particulier les loyers", alerte Procos.
Les loyers pourraient augmenter de 13 à 14% en deux ans
Entre janvier et septembre, les magasins ont vu leur chiffre d'affaires augmenter de 3,3% par rapport à 2022, mais le mois de septembre a été "mauvais" avec -4,2%, et octobre pourrait être pire, avec une baisse de fréquentation de l'ordre de 11%, indique la fédération qui appréhende la période des fêtes. A noter aussi que sur la période, les sites webs ont réalisé de moins bons résultats que les magasins avec une hausse très faible du chiffre (+1,1%).
"Les enseignes ne peuvent pas agir sur le coût de l’énergie, la masse salariale a augmenté, reste le sujet des loyers de plus en plus sous tension", souligne la fédération qui rappelle que le gouvernement et le Parlement n'ont pas voulu élargir le plafonnement à 3,5% de l'indice national des loyers commerciaux (ILC) à tous les acteurs commerciaux, quelle que soit leur taille. "Selon les tendances actuelles, l’indice des loyers commerciaux ferait augmenter les loyers des magasins d’enseignes de 13 à 14% en deux ans. C’est objectivement insupportable et ne peut qu’accélérer la fermeture de magasins de nombreux réseaux", estime Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos.
Plusieurs dossiers "lourds et impactants" vont s'ouvrir dans les prochains mois, relève encore la fédération. Le débat sur la loi de finances qui pourrait être l'occasion, espère-t-elle, de permettre le suramortissement des investissements réalisés par les commerces dans les économies d'énergie et la décarbonation. Autre rendez-vous : la mise en oeuvre du plan gouvernemental de 24 millions d'euros sur la transformation des zones commerciales qui, au-delà des enjeux de logements et de renaturation, ne doit pas mettre de côté "l'intérêt du commerce".