Développement durable - Comment mieux éduquer petits et grands à l'environnement
"Il n'y aura pas de transition écologique possible sans éducation au changement", estiment Antoine Dulin, délégué national aux scouts et guides de France, et Allain Bougrain Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), co-rapporteurs de l'avis du Conseil économique, social et environnemental (Cese) sur l'éducation à l'environnement et au développement durable (EEDD) adopté à la quasi-unanimité par l'assemblée plénière le 26 novembre.
Publié deux mois après la conférence environnementale qui a consacré une table ronde à ce thème, les 20 et 21 septembre 2013, cet avis résulte d'une saisine du Premier ministre. "La conférence environnementale a produit des recommandations mais qui malheureusement ne portaient que sur le public jeune et l'éducation", a regretté Antoine Dulin. "Nous attendons que le ministère de l'Éducation nationale se saisisse de notre rapport, et qu'il y ait un travail en interministériel. Le CNTE (Conseil national sur la transition écologique) doit également réfléchir à la question. Il faut voir notre avis comme une boîte à outils. C'est la première qu'un rapport sur ce sujet sort au niveau institutionnel", a-t-il rappelé. "Nous sommes déçus de la conférence environnementale car elle aurait pu apporter davantage mais il s'agit de la première fois que le ministère de l'Éducation nationale passe du temps autour de la table - il était absent du Grenelle. Le fait qu'il y ait eu une table ronde est une preuve d'attention", a ajouté Allain Bougrain Dubourg.
Après trois mois de travaux et une vingtaine d'auditions d'acteurs divers, le Cese estime que l'EEDD doit se concevoir au sens large et concerner tout citoyen, tout au long de la vie. La réussite d'une telle politique tournée vers tous les publics implique selon lui de "mener dans la durée, de façon itérative, cohérente et convergente, une double démarche : une action volontariste de l'Etat et des collectivités locales, inscrite explicitement dans les politiques publiques d'éducation et de formation, d'information, de jeunesse comme dans celles de l'environnement, du développement durable, de l'aménagement du territoire, etc. ; un développement plus concerté, suivi et valorisé, de projets multi-partenariaux impliquant ensemble tous les acteurs publics (Etat, collectivités, établissements publics) et la diversité des acteurs de la société civile (associations, entreprises, organisations syndicales, familles, jeunes, etc.), les enseignants, les éducateurs, les formateurs et le monde de la recherche".
Systématiser sorties de terrain et classes de découverte
Concrètement, le Cese avance plus de 200 propositions dans quatre directions : "diffuser l'EEDD dans la formation initiale" ; "développer l'EEDD dans le cadre professionnel et les cursus de formation continue" ; "faire des citoyens et des consommateurs des acteurs avertis tout au long de la vie" ; "mobiliser l'ensemble des acteurs publics, privés, associatifs pour faire de l'EEDD un projet collectif fédérateur et porteur d'exemplarité".
Concernant la formation initiale, le Cese estime que "les sorties scolaires et classes découvertes" doivent être "systématisées pour que chaque élève fasse l'expérience du contact avec la nature, sans que les financements ne constituent une barrière". Pour cela, "toutes les voies de mutualisation de moyens, notamment entre collectivités, pour réduire les coûts, méritent d'être explorées". Dans le primaire notamment, l'EEDD pourrait aussi se développer sur le temps périscolaire, jugent les rapporteurs. "Les collectivités pourraient être sollicitées afin d'étudier, dans ce cadre, comment développer des activités pédagogiques mutualisées sur le thème de la nature ou de la biodiversité". Le Cese propose que les projets éducatifs territoriaux prévus par le Code de l'éducation fassent explicitement référence à l'EEDD et que les activités retenues s'inscrivent "chaque fois que possible dans ses enjeux". Il recommande aussi "une réflexion autour d'un examen sur un sujet de développement durable au brevet et au baccalauréat". Ces évolutions impliquent d'intégrer l'EEDD dans la formation initiale et continue du corps enseignant. Le projet d'avis souligne également la nécessité d'"intégrer l'EEDD dans l'enseignement supérieur, en lien avec les secteurs professionnels, en mettant l'accent sur les formations d'ingénieurs, de management et de la haute fonction publique".
Dans le monde du travail, le Cese plaide pour des modules de formation continue intégrant les enjeux de l'EEDD et des formations assurées par des organismes agréés, dans le cadre de chartes de qualité. La thématique EEDD doit aussi "trouver sa place au sein des commissions éducation-formation des comités d'entreprises ou des CHSCT (comité d'hygiène, de sécurité, des conditions de travail)", remarque le projet d'avis. "La sensibilisation et la formation continue des représentants de l'Etat et des collectivités doivent être poursuivies", souligne-t-il encore.
Dans la vie quotidienne, "la responsabilisation et le choix du consommateur doivent être développés au travers d'informations claires et fiables relatives à la traçabilité sociale et environnementale des produits", préconise le Cese. Il estime aussi que "des partenariats entre acteurs publics et privés et médias audiovisuels publics doivent permettre de populariser la démarche grâce à des émissions dédiées" et propose "l'élargissement des missions de suivi des programmes du CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) à l'EEDD". Il appelle également à prendre en compte le patrimoine naturel dans les Journées du patrimoine, organisées chaque année.
Un volet éducation à l'environnement dans les CPER
Pour mobiliser l'ensemble des acteurs autour de l'EEDD, le Cese propose d'insérer un volet EEDD "dans tous les plans et schémas nationaux, régionaux et départementaux de politiques publiques (politiques éducatives et politiques de développement durable) et dans les contrats signés entre l'État et les régions et entre les entités territoriales elles-mêmes". Le Conseil national de la transition écologique (CNTE) pourrait créer en son sein une commission dédiée à l'EEDD, estime le Cese. Il insiste enfin sur la question des financements. "Les actions de sensibilisation et d'éducation à l'EEDD devraient pour leur part faire l'objet de financements pluriannuels, passant notamment par la création d'un fonds régional dédié."
Invité à s'exprimer lors de la présentation de l'avis, le ministre de l'Ecologie, Philippe Martin, a indiqué qu'il s'en servira "comme base pour une politique interministérielle". Il a souligné l'importance de la problématique de l'EEDD et souhaité qu'elle soit effectivement prise en compte dans la formation initiale et tout au long de la vie. Par ailleurs, Philippe Martin a proposé que l'EEDD soit inscrit dans les contrats de plan État régions (CPER) ainsi que dans la future Stratégie nationale de transition écologique (SNTE). Il a également annoncé la création d'une "Journée nationale, puis je l'espère européenne, du patrimoine naturel".
Dans le cadre de l'organisation de la conférence internationale sur le climat que la France organisera en 2015, il a aussi indiqué que des actions éducatives "vont être mises en oeuvre, notamment dans le cadre scolaire", note le ministre. "Je souhaite qu'en Seine-Saint-Denis en particulier, puisque la conférence se tiendra au Bourget, et sur tout le territoire national, sa préparation soit l'occasion d'ouvrir l'horizon de l'éducation à l'environnement et au développement durable", a-t-il conclu.