Comment les agences de l’Etat accompagnent la transition numérique des territoires
Moyens limités, manque de compétences, difficulté à se repérer dans le foisonnement des solutions… les petits territoires sont peu armés pour mener à bien leur transformation numérique. Les journées sur l'ingénierie territoriale de l’ANCT ont été l’occasion de découvrir l’offre d’accompagnement mise en place par l’agence et le Cerema.
Face à des petites collectivités souvent désarçonnées par le numérique, les structures d’ingénierie de l’Etat, ANCT et Cerema en tête, musclent leur offre d’accompagnement. Les assises de l’ingénierie ont été l’occasion de présenter un dispositif basé sur trois principes : répondre à des besoins exprimés par les territoires, favoriser toutes les formes de mutualisation et pousser des solutions "soutenables" d’un point de vue environnemental.
Partir d’une commande politique
Mais avant de parler "solutions" il faut une commande politique. A Rennes les élus viennent d’adopter une stratégie bâtie sur six grands principes pour un "numérique responsable, réfléchi et construit ensemble". Faut-il pour autant que chaque territoire délibère sur une stratégie numérique ; rien n’est moins sûr. A l’agence d’urbanisme de l’Artois, implantée sur un territoire très rural, son directeur Vincent Froger avoue que "le numérique n’est pas son sujet" étant plus sensible à des concepts comme "la ville du quart d’heure" que l’agence voudrait décliner en "territoire de la demi-heure". Un projet éminemment politique et où le numérique aura certainement sa place… mais en temps voulu. Il convient ensuite de revoir la manière dont le numérique est présenté à des élus parfois réfractaires. L’échange d’expériences entre pairs, sur des problématiques politiques partagées, serait ainsi plus efficace que d’hypothétiques formations.
Réaliser un smart diagnostic
Avant de se lancer les territoires doivent établir un diagnostic. Le Cerema et la Banque des Territoires proposent à cette fin un outil de "smart diagnostic" qui permet aux collectivités d’autoévaluer leur maturité numérique sur la base de critères précis. "Ce diagnostic doit aussi passer par l’identification des acteurs et ressources locales existantes", souligne Sophie Houzet, responsable de la mission Villes et Territoires Intelligents au Cerema. Les collectivités supra-communales, les structures de mutualisation et autres "hubs de territoires" sont en effet autant d’entités susceptibles de fournir un accompagnement numérique, de proposer des solutions voire des financements ad’hoc. Des aides qui font partie de celles recensées dans l’annuaire "aides-territoires" où la catégorie Technologies numériques et numérisation liste plus de 180 dispositifs d’appui. Et si les collectivités ne trouvent pas chaussure à leur pied, elles peuvent désormais se tourner vers le Cerema – auquel les collectivités ont désormais la possibilité d’adhérer (notre article du 17 juin 2022) - pour bénéficier de son appui sur la transition numérique (et écologique).
Le sur-mesure, c’est possible
Le succès des projets repose ensuite sur le fait qu’ils répondent à un réel besoin. "Il ne s’agit pas de mettre du numérique partout mais de contribuer à une amélioration du service profitable aux usagers comme aux agents", explique Thibault Chambert-Loir chargé des déploiements à l’incubateur des territoires de l’ANCT. Parfois les collectivités buttent cependant sur l’absence de solutions adaptées ou abordables. Dans ce cas, l’ANCT peut financer une "investigation" pour déterminer s’il y a matière à développer une solution profitable à l’ensemble des territoires. Un programme dont la communauté de communes du Grand Autunois Morvan a profité. "Nous souhaitions un outil pour améliorer la coordination des huit agents intervenant dans le domaine social et améliorer le suivi des bénéficiaires", relate Vanessa Barbosa en chargée du projet à la ComCom. En trois mois, après avoir vérifié le besoin et l’appétence d’autres CCAS, il a été décidé de lancer une plateforme ad’hoc. Développée en "mode agile" et dans le strict respect des règles du RGPD l’application "Monsuivisocial" est entrée récemment en phase de test. 10 CCAS y participent en plus de celui d’Autun. Une fois opérationnelle l'application a vocation à rejoindre les quelque 50 solutions incubées par l’ANCT. Certaines, comme la Base adresse locale ou Aidants connect peuvent du reste être utilisées sans plus attendre par les territoires.
Difficile évaluation de l’impact environnemental
La transformation numérique et le "smart territoire" doivent enfin être compatibles avec la transition écologique, sujet sur lequel planchent les experts du Cerema. L’agence a ainsi travaillé à une méthodologie coûts/ bénéfices pour analyser le cas de quelques projets "smart". Ainsi, la ville de Draguignan a remplacé les vieilles ampoules incandescentes de ses lampadaires par des LED. L’éclairage public a par ailleurs été équipé d’un système de régulation pour n’éclairer que ce qui est nécessaire. Verdict : "les LED ont généré des économies substantielles, l’apport de l’éclairage intelligent relevant plus du confort sans traduction nette dans la facture", relève Sophie Houzet. L’affaire a cependant vite fait de se complexifier quand on tient compte des "externalités" comme l’illustre un autre cas étudié, à Châlons-en-Champagne. La collectivité a souhaité équiper ses élus d’une tablette pour réduire les coûts d’impression des documents transmis avant chaque assemblée (environ 750 pages par an et par élu). "Les gains environnementaux ont pu être mesurés dès la première année avec la réduction des impressions. Mais ce coût est compensé par celui des tablettes qu’il faudra renouveler dans cinq ans… Ces tablettes ne se limitent cependant pas à la consultation des délibérations, elles peuvent aussi limiter des déplacements, par exemple pour signer des documents…". Autant dire que les réponses sont loin d’être binaires.