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Gestion de la dette - Comment le CGCT répond à l'identification du risque

Les emprunts contractés par les collectivités ont vu ces dernières années le développement de produits de plus en plus complexes, permettant à celles-ci l'exercice d'options afin de bénéficier d'un "taux bonifié". L'exercice de cette option se traduit toutefois par une prise de risque accrue sur les années ultérieures. Or actuellement, le droit comptable applicable aux collectivités n'encadre pas précisément cette démarche.
S'agissant des entreprises, les normes IFRS prévoient notamment la valorisation des actifs à leur valeur de marché, dont les instruments financiers. Concernant les collectivités territoriales, le droit comptable n'impose pas une telle valorisation des instruments financiers souscrits par les collectivités. Il est vrai que les contrats de couverture de risque ont fait l'objet d'une réglementation par une circulaire du 15 septembre 1992, mais ce texte, tout d'abord, ne vise que les contrats "dissociés" de la souscription de l'emprunt, et ensuite, concerne surtout les modalités selon lesquelles les collectivités peuvent s'engager. Ainsi, et même si les contrats dits "structurés" faussent pendant plusieurs années l'équilibre financier de la collectivité en lui procurant un allégement artificiel et temporaire de ses charges, il n'existe pas de texte précis portant obligation d'identifier le risque encouru.

 

Provision : une question d'appréciation

Afin d'obliger les collectivités territoriales à la prise en compte de ces différés de remboursement, la loi 94-504 du 22 juin 1994 a imposé à toutes les communes une dépense obligatoire figurant à l'article L. 2321-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), à savoir "les dotations aux provisions spéciales constituées pour toute dette financière faisant l'objet d'un différé de remboursement ". Cet article, de portée générale, aurait ainsi pu s'appliquer aux conséquences des prêts à taux bonifiés. Une circulaire interministérielle du 15 janvier 1998 avait d'ailleurs précisé les conditions dans lesquelles devait être apprécié le différé de remboursement. Toutefois, l'obligation de l'alinéa 29° de l'article L. 2321-2 fut supprimée par l'ordonnance 2005-1027 du 26 août 2005 relative à la simplification et à l'amélioration des règles budgétaires et comptables, dans une démarche de responsabilisation des communes. Par conséquent, les hypothèses de constitution de provisions pour risque prévues par le CGCT ne visent pas les conséquences de l'exercice d'une option dans un prêt structuré. La partie réglementaire du Code prévoit alors une simple faculté : "En dehors de ces cas, la commune peut décider de constituer des provisions dès l'apparition d'un risque avéré."
Les provisions pour différé de remboursement de la dette semblent essentiellement soumises au principe de sincérité budgétaire de l'article L. 1612-4  du CGCT. On note par ailleurs une toute autre formulation de l'obligation de provision applicable aux départements. L'article D.3321-2  du CGCT dispose en effet : "pour l'application du 20° de  l'article L.3321-1, la constitution de provisions pour risques et charges et pour dépréciation d'éléments d'actif est obligatoire dès lors qu'il y a apparition du risque. Le département doit constituer la provision à hauteur du risque constaté ". Cette obligation, qui a été maintenue pour les départements, semble alors pouvoir s'appliquer aux situations de différé de remboursement occasionnées par l'application des contrats de prêt avec option de "taux bonifié". L'application de l'article L.3321-1 dépend toutefois d'un élément très technique, qui est celui de l'appréciation du moment où apparaît le risque.

 

Frédéric Matha, avocat à la Cour / Cabinet de Castelnau

 

Références : Article L. 2321-2 du Code général des collectivités territoriales, article D.3321-2 du Code général des collectivités territoriales, ordonnance 2005-1027 du 26 août 2005 relative à la simplification et à l'amélioration des règles budgétaires et comptables applicables aux collectivités territoriales, à leurs groupements et aux établissements publics locaux qui leur sont rattachés ; circulaire NOR/INT/B/98/00006/C du 15 janvier 1998 relative aux dotations aux provisions spéciales constituées pour toute dette financière.

 

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