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Fiscalité - Collectif budgétaire : ce qu'il faut retenir

La loi de finances rectificative pour 2010 publiée le 30 décembre restera sans doute dans les annales des collectivités, à en juger par le nombre des réformes ou évolutions qu'elle engage : révision des valeurs locatives des locaux professionnels, fiscalité de l'urbanisme et versement transport des agglomérations moyennes ou encore financement du Grand Paris. Ainsi que de nombreuses autres mesures fiscales, sans oublier l'aide d'urgence pour certains départements.

C'est lors de la discussion à l'Assemblée nationale en décembre 2009 du dernier collectif budgétaire annuel que le ministre du Budget de l'époque, Eric Woerth, avait annoncé le lancement de la révision des valeurs locatives des locaux commerciaux. Clin d'oeil, c'est un an plus tard le quatrième et dernier collectif budgétaire de l'année 2010 qui met en place la réforme, laquelle s'appliquera réellement en 2014.
Fondées sur des références datant de 1970, les valeurs cadastrales des trois millions de locaux commerciaux vont être calées sur les valeurs du marché locatif. Suite à une concertation durant l'été dernier avec les associations d‘élus locaux et les représentants des entreprises, Bercy a choisi globalement de ne pas bouleverser les méthodes de révision des valeurs locatives. Quelques innovations ont quand même été introduites. Les valeurs cadastrales seront calculées en fonction d'une grille tarifaire et de secteurs homogènes, ainsi que selon une classification en sous-groupes et catégories de locaux. En outre, les élus locaux disposeront d'un pouvoir décisionnel accru pour fixer les évaluations. La réforme se fera "à produit constant pour les collectivités territoriales", a confirmé le ministère du Budget avant la discussion parlementaire. Les premiers travaux, qui seront réalisés en 2011 dans cinq "départements-tests" (Hérault, Bas-Rhin, Pas-de-Calais, Paris et Haute-Vienne), permettront de mieux cerner l'impact de la révision. Ces principes font l'objet d'un consensus chez les élus locaux et les parlementaires, ces derniers les ayant validés sans difficultés.
L'autre grande réforme engagée par ce collectif budgétaire crée une taxe locale d'aménagement à la place de la taxe locale d'équipement et de la kyrielle de taxes et participations connexes. Le but : simplifier et rendre plus lisible la fiscalité de l'urbanisme. L'autre objectif de cette réforme issue des travaux du Grenelle de l'environnement est de renforcer les outils de lutte contre l'étalement urbain en créant le versement pour sous-densité (VSD). Les communes ou les groupements détermineront ainsi un seuil minimal de densité pour certains secteurs de leurs territoires. Si celui-ci n'est pas atteint, le constructeur devra payer.
Approuvant les grands principes de cette réforme qui s'appliquera à compter du 1er mars 2012, les parlementaires ont apporté des correctifs peu nombreux, mais importants. Le VSD sera créé seulement si le conseil municipal ou communautaire le décide – la première version du projet de loi rendait sa création obligatoire dans certains cas. Et le produit qu’il générera reviendra en totalité aux communes et à leurs groupements, alors qu'initialement le projet de loi prévoyait que les départements seraient bénéficiaires d'un quart de ce produit. De plus, la taxe d’aménagement ne pourra financer que des opérations d'investissement, la commission mixte paritaire ayant annulé la possibilité votée par le Sénat d'utiliser cette ressource pour des dépenses de fonctionnement.

Taxe sur les caravanes

Pour la Haute Assemblée, il s'agit d'un bien petit recul en comparaison des nombreuses dispositions qu'elle a introduites et qui aujourd'hui trouvent leur place dans la loi. Des mesures qui concernent au premier chef la fiscalité locale. Avec ainsi l'obligation pour les gens du voyage d'acheter chaque année, à partir de 2014, une vignette de 150 euros qu'ils devront apposer sur leur caravane ou le véhicule qui la tire et dont les recettes bénéficieront aux communes et à leurs groupements "au prorata de leurs dépenses en faveur de l'accueil des gens du voyage". La vignette est censée simplifier le recouvrement d'une taxe dont le principe figurait déjà dans la loi de finances pour 2006 mais dont les modalités, trop complexes, avait empêché l'entrée en vigueur. La mise en oeuvre d'une autre taxe communale, la taxe de balayage, est en outre précisée par la loi.
Texte "fourre-tout", la quatrième loi de finances rectificative pour 2010 comporte aussi des mesures visant entre autres à permettre aux collectivités qui le décident d'assujettir les parcs d'attractions et de loisirs à la cotisation foncière des entreprises au prorata de leur période d'activité ;  à prolonger jusqu'en 2014 le bénéfice du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) pour les collectivités ou les groupements qui réalisent des investissements en vue de la construction d'infrastructures en matière de téléphonie mobile ou d'accès à internet ; à autoriser les départements à utiliser la taxe sur les espaces naturels sensibles pour financer les travaux de protection de la ressource en eau ; à "repréciser" pour le calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises les règles de répartition de la valeur ajoutée applicables aux entreprises de transport établies sur plusieurs communes.
On notera aussi que la loi assouplit les modalités donnant droit à l'attribution pérenne du versement anticipé du FCTVA aux collectivités qui ont signé en 2010 une convention avec l'Etat dans le cadre du plan de relance. Comme celles qui avaient signé une convention en 2009, ces collectivités pourront prendre en compte les "reste-à-réaliser" pour parvenir au respect de leurs engagements en matière d'investissements.

Financement du Grand Paris

Autres dispositions à retenir, celles concernant la fiscalité en Ile-de-France. En effet, la loi crée ou adapte plusieurs mesures de financement pour la Société du Grand Paris, chargée de développer les transports en commun dans la capitale et sa banlieue. Elle crée une taxe spéciale d'équipement dont le produit annuel de 117 millions d'euros sera acquitté à partir de 2011 par les entreprises et les ménages franciliens. A l'inverse, la loi abroge la taxe sur les plus-values immobilières mise en place en 2010, qui visait les plus-values réalisées consécutivement à la réalisation des nouvelles infrastructures de transports en Ile-de-France. En outre, le texte modernise la taxe locale sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux et les locaux de stockage perçue en Ile-de-France. Enfin, il réforme la redevance sur la création de bureaux perçue par la région Ile-de-France, en permettant ainsi quasiment le doublement de son produit (actuellement entre 70 et 90 millions d'euros par an). Toujours au chapitre des taxes dans la région capitale, on notera que le zonage déterminant le taux du versement transport dans cette région a été profondément redéfini pour cause d'obsolescence.
Au terme de l'examen par les deux assemblées, la commission mixte paritaire (CMP) réunie le 20 décembre a réservé son lot de petites et grandes surprises. La principale décision des quatorze députés et sénateurs chargés de trouver un compromis sur le texte concerne le versement transport. En effet, la possibilité pour les agglomérations dont la population est comprise entre 50.000 et 100.000 habitants d'augmenter le taux-plafond de la taxe (de 0,55 % à 0,85 % de la masse salariale des entreprises de plus de neuf salariés) a finalement été retenue. L'obstination des députés a donc payé. Ils avaient adopté à l'unanimité cette disposition dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011 mais avaient dû s'incliner face au gouvernement au cours d'une seconde délibération. Qu'à cela ne tienne : ils ont réintroduit la mesure dans le collectif budgétaire… avant que les sénateurs ne la fassent disparaître. La commission mixte paritaire a finalement arbitré en faveur de l'Assemblée, mais à la suite d'un compromis. L'augmentation du versement transport sera conditionnée à la mise en place effective d'un transport en commun en site propre et sera lissée sur trois ans. Un décret devrait préciser les modalités de mise en oeuvre du dispositif.
La CMP a aussi tiré un trait sur quelques-unes des dispositions votées plus tôt dans le texte. Elle a supprimé la possibilité pour les collectivités de mettre en oeuvre des astreintes administratives lorsque des personnes exercent sans autorisation une activité commerciale sur la voie publique. Le même sort a été réservé aux modalités de répartition entre les communes des charges d'état civil liées aux naissances et décès dans un établissement public de santé lorsque celui-ci, situé dans une petite commune, attire une clientèle venant de communes voisines. La CMP a aussi confirmé la décision du Sénat de supprimer le fonds d'accompagnement "vers et dans le logement" dont la création était voulue par le gouvernement. La réduction de la taxe locale sur la publicité extérieure pour certains établissements, qui avait été adoptée par l'Assemblée, ne verra pas le jour non plus.

Une aide de 150 millions d'euros pour les départements

D'ordinaire, le vote final d'une loi se déroule sans grand suspens. Pour ce collectif budgétaire, dont le vote par les deux assemblées est intervenu le 21 décembre, on a tout de même assisté à deux petits rebondissements. Le gouvernement a obtenu par amendement l'annulation de deux décisions prises par la CMP.
D'abord, celle-ci avait voulu alléger la cotisation foncière de 170.000 petites entreprises amenées à payer dans 800 communes plus d'impôts après qu'avant la suppression de la taxe professionnelle. Il revenait à l'Etat d'assumer le coût de la mesure, de l'ordre de 20 millions d'euros. Soit beaucoup trop de l'avis du ministre du Budget.
Par ailleurs, les parlementaires de la CMP avaient souhaité que la répartition du concours de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) aux départements pour l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), soit près de 1,5 milliard d'euros, soit réalisée en fonction non plus du potentiel fiscal mais du potentiel financier. Parce qu'il inclut les dotations de l'Etat, cet indicateur de richesse potentielle d'une collectivité leur semblait plus juste. Mais, selon les estimations de Bercy, la modification pourrait avoir un impact financier conséquent sur certains départements. François Baroin en a conclu que "ce sujet nécessite un débat approfondi au sein du conseil de la CNSA et dans le cadre de la réforme de la dépendance". Le ministre s'est engagé à "en discuter à nouveau dans le courant du premier semestre et, quoi qu'il en soit, avant la loi de finances de l'an prochain".
En revanche, le potentiel financier – et non le potentiel fiscal – sera l'un des trois critères servant à la répartition aux départements en difficulté des 75 millions d'euros prélevés exceptionnellement en 2010 sur les ressources de la CNSA. Une somme à laquelle s'ajouteront 75 autres millions d'euros versés sous la forme de subventions exceptionnelles, après signature d'une convention entre les départements et l'Etat. Doté par conséquent de 150 millions d'euros, le fonds de soutien aux départements en difficulté "n'est pas à la hauteur des problèmes rencontrés", a critiqué en séance, le 21 décembre, le député et président du conseil général du Tarn, Thierry Carcenac. En 2010, a-t-il souligné, ce sont 5,4 milliards d'euros de dépenses au titre des trois allocations sociales allouées par les départements qui ne seront pas compensés financièrement par l'Etat.
Dans sa décision du 28 décembre, le Conseil constitutionnel a validé l'ensemble du projet de loi de finances rectificative à l'exception de l'article 92 qui précisait les modalités de liquidation d'un office public de l'habitat. Les sages du Palais royal ont considéré qu'il s'agissait d'un cavalier législatif.

Pour plus de détails sur cette loi de finances rectificative pour 2010, retrouvez dans notre dossier spécial ci-contre tous nos articles parus au fil de l'examen parlementaire.

 

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