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Commande publique - Code des marchés 2006 : remise à plat partielle ou enterrement de première classe ?

Prête depuis janvier, la dernière version du projet de Code des marchés publics est actuellement examinée par le Conseil d'Etat qui ne semble pas, pour le moins, apprécier ce texte. Le nouveau code va-t-il disparaître avant d'avoir vécu ? Il devrait en tout cas être largement remanié.

Est-ce un bras de fer sans issue qui s'engage entre le ministère de l'Economie et des Finances et le Conseil d'Etat ? La dernière version du projet de décret du Code des marchés publics date de janvier et n'a pas été mise en ligne sur le site du Minéfi contrairement aux deux versions précédentes. Elle est sur le bureau de la Haute Juridiction administrative qui, pour le moment, n'aurait examiné que le premier article d'un texte qui en compte 137 ! Le projet de décret qui était attendu fin décembre 2005, pourrait devenir réalité avant l'été, d'ici fin 2006... ou jamais. Des mois de travail, plusieurs versions suivies de consultations des acheteurs et aujourd'hui, une réforme compromise... il est légitime de se demander pour quelles raisons. Le principal objet de la nouvelle mouture du code était de transcrire les directives européennes. Le résultat ne semble pas satisfaisant. Après 2001 et 2004, 2006 sera-t-elle l'année d'un nouveau cru ? On peut s'interroger. De nombreuses raisons semblent plaider pour un rendez-vous manqué et par exemple, certaines dispositions visant à favoriser l'accès des marchés publics aux petites entreprises ne seraient pas du goût du Conseil d'Etat .

 

Les acheteurs doivent privilégier les directives

Face à de telles incertitudes, que doivent faire les acheteurs ? "Les praticiens doivent s'appuyer sur les directives et le Code 2004. Passés les délais de transposition, et même si elles n'ont pas fait l'objet de textes nationaux, les directives sont applicables", assurait Jean-Marc Peyrical, président de l'Association pour l'achat dans les services publics (Apasp) à l'occasion d'une session d'études organisée le 2 mars. "La jurisprudence du Conseil d'Etat est sur ce point très claire : si le texte national est contradictoire, les directives s'imposent." Il reste à déterminer quelles sont les dispositions européennes contraignantes et quelles sont les mesures incitatives. Les accords cadres, par exemple, sont des outils européens que les acheteurs peuvent librement utiliser. Mais les acheteurs qui lancent actuellement des concours de maîtrise d'ouvrage s'interrogent : faut-il sélectionner cinq candidats comme l'exigent les directives ou seulement trois comme le prévoit le futur code dans son article 70 ? "Cinq candidats doivent aller jusqu'en bout de course", précise le président de l'Apasp. Les praticiens savent que le débat n'est pas anodin : il faut ensuite indemniser les candidats non-retenus.

 

Assouplir le code pour conforter la liberté des acheteurs

Entre le projet de code et les directives, d'autres différences subsistent. L'article 30 du projet de code relatif aux marchés de service devrait être étudié à la loupe par le Conseil d'Etat car, contrairement aux directives, il permet à certains types de marchés de services de ne pas être soumis au code (services juridiques, services sociaux et sanitaires, services récréatifs?). Il existe, par exemple, des restrictions aux enchères électroniques (article 54 du projet) alors que les directives ouvrent cette opportunité à tous les marchés.
Le Conseil d'Etat devrait aussi s'attacher à examiner certaines mesures restrictives à la liberté des acheteurs. Malgré les évolutions récentes de sa jurisprudence, la Haute Juridiction pourrait estimer que l'article 28 du projet de code limiterait de manière excessive la liberté de publicité pour les marchés à procédure adaptée (Mapa).  Ce sont cependant surtout les dispositions favorables aux petites entreprises qui font "grincer les dents" des magistrats : le Code 2004 prévoyait que tout allotissement d'un marché (division en plusieurs marchés) devait être justifié, la version 2006 impose l'inverse. L'allotissement est la règle et l'acheteur devra par conséquent se justifier s'il n'y a pas recours (inconvénient technique, économique ou financier). "Le choix de l'allotissement doit rester lié à la définition du besoin de l'acheteur", analyse Jean-Marc Peyrical.

 

Quand droit national et droit européen croisent le fer

Autre disposition politique et difficilement défendable, la question du référencement. La dernière version du projet du code prévoit dans son article 52 que "l'absence de référence à des précédents marchés de même nature ne peut constituer un critère éliminatoire". Or,  les acheteurs savent que ce critère est essentiel pour évaluer la qualité d'un candidat. Le Conseil d'Etat ira-t-il jusqu'au bout de sa logique condamnant de fait la réforme et obligeant le gouvernement  à transposer par un simple décret modifiant le code actuel la législation européenne ? Il est trop tôt pour conclure en ce sens. En attendant et quelle que soit la suite des événements,  la leçon donnée par le Conseil d'Etat devrait être sévère : le législateur n'a pas su répondre aux avancées du droit européen qui est globalement plus souple et plus proche des pratiques des acheteurs.

 

Clémence Villedieu

 

 

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