Marchés publics - Clause Molière : la version musclée sanctionnée par les juges
Dans ce jugement du 13 décembre 2017, le tribunal administratif (TA) de Lyon a annulé la délibération du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes mettant en place un dispositif de lutte contre le travail détaché. Si le Conseil d’Etat a validé en début de mois le recours à la clause d’interprétariat, les juges ont ici considéré que le dispositif mis en place, une clause " Molière " très renforcée, devait être sanctionné.
En l’espèce, le conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes avait adopté le 9 février 2017 une délibération mettant en place une clause "Molière". En plus d’imposer le français à tous les salariés travaillant sur l’un de ses chantiers, la région avait également modifié d’autres points de son cahier des clauses administratives particulières (CCAP) pour ses marchés de travaux. En effet, le nouveau CCAP impose également aux entreprises titulaires de "fournir une attestation sur l’honneur de non-recours au travail détaché". Des contrôles sur site et des sanctions financières étaient également prévus en cas de non-respect de ce dispositif. Alors même qu’un travailleur détaché serait bien en règle vis-à-vis de l’inspection du travail, le CCAP de la région prévoit notamment "une pénalité de 5% du montant du marché en cas de non-respect de la clause de la langue française".
Estimant que la délibération du conseil régional était illégale, le préfet l’a déférée au TA de Lyon.
Oui à la lutte contre le travail détaché illégal, non à la lutte contre le travail détaché
Ce dernier a annulé la délibération litigieuse, estimant que ces mesures avaient pour objectif non pas de lutter contre le travail détaché illégal mais contre le recours même au travail détaché. Les juges rappellent à ce titre que l’article L. 1262-1 du code du travail autorise bel et bien un employeur étranger à détacher temporairement des salariés sur le territoire national.
Si le Conseil d’Etat a, dans une décision du 4 décembre 2017, autorisé le recours aux clauses d’interprétariat dans les marchés publics, les clauses examinées par le TA dans cette affaire allaient beaucoup plus loin.
L’annexe de la délibération précisait que la volonté de la région était de combattre le travail détaché sur ses chantiers. En outre, la collectivité n’apporte "aucun élément de nature à établir que ces mesures [...] contribueraient à l’amélioration de la sécurité des salariés ou même à la lutte contre le travail détaché illégal". Dès lors, le TA a considéré que ces clauses avaient pour seul objectif d’"exclure les travailleurs détachés des marchés publics régionaux et favoriser les entreprises régionales". Entachée de détournement de pouvoir, les juges ont donc annulé cette délibération. Reste à savoir si la région contestera ce jugement, et si l’affaire parviendra entre les mains du Conseil d’Etat...
Référence : TA Lyon, 13 décembre 2017, n°
1704697