Cités éducatives : des alliances incomplètes, des actions trop timides
La seconde évaluation des cités éducatives, réalisée par l'Injep, pointe des territoires trop laissés à eux-mêmes, des alliances éducatives à parfaire et des actions dont la portée pose question.
Plus de quatre ans après leur mise en place et deux ans après une première évaluation, les cités éducatives présentent toujours de nombreuses lacunes, tant dans leur fonctionnement que dans les actions mises en place. C'est ce qui ressort de la deuxième évaluation nationale publiée fin mars 2024 par l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep).
Créées en 2019 dans certains quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), les cités éducatives visent à intensifier les prises en charge éducatives des 0-25 ans, avant, pendant, autour et après le cadre scolaire. Pour assurer des parcours sociaux et éducatifs cohérents, elles favorisent la continuité entre les espaces et les temps scolaire et périscolaire. Elles impliquent tous les acteurs de la communauté éducative : enseignants, éducateurs, parents, services de l'État, collectivités, travailleurs sociaux, associations, etc.
Manque de cap national
L'évaluation de l'Injep porte sur un échantillon de 15 cités, proche des 80 cités éducatives de la première vague, les plus en difficulté parmi les 208 cités aujourd'hui labellisées. Elle est complétée par une analyse des projets des cités de la première vague.
Le premier grief porte sur une méthode de travail "du bas vers le haut". En effet, pour favoriser la construction de politiques locales adaptées au territoire, les orientations nationales sont "restées volontairement assez larges". Mais cette absence de priorisation "a pu déstabiliser une partie des territoires". Non seulement les acteurs "craignent de ne pas répondre à toutes les attentes nationales" mais de surcroît, ils "ne s'autorisent pas toujours à prioriser les actions en fonction des ressources et du contexte local".
Les grandes collectivités absentes
La deuxième critique relève les carences de l'"alliance éducative" mise en place. Si l'Éducation nationale a fait preuve d'une "mobilisation renforcée", l'Injep estime que "des acteurs institutionnels centraux ne sont pas toujours présents dans les instances de pilotage ou leur implication a pu rester secondaire". Parmi eux : les conseils départementaux et régionaux et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). La mobilisation des acteurs de l'emploi et des acteurs économiques est jugée "relativement limitée", tandis que celle des parents, associations ou acteurs de terrain "reste très partielle" dans la gouvernance.
Il en résulte que "les territoires peinent à construire des approches territoriales de dimensions-clés comme la continuité éducative, la place des parents ou l'insertion". Par ailleurs, certaines institutions "peuvent avoir tendance à faire valoir leurs priorités". Plus largement, les carences de l'"alliance éducative" peuvent "entraîner un manque de cohérence de l'offre et une dilution des actions et des objectifs". Et si les partenariats existants "se renforcent indéniablement", ils ne sont pas "exempts de rapports de force".
Des actions trop restreintes
L'analyse de la revue de projets 2022 met enfin en lumière "des actions nombreuses mais pouvant manquer d'ampleur". En moyenne, près de 35 actions ont été menées par chacune des 80 cités éducatives de la première vague. Mais quand certaines en ont mené 70, d'autres se sont contentées de 10. En outre, une part non négligeable cible un nombre de participants "assez restreint" – en grande majorité des collégiens – et de nombreuses actions restent assez ponctuelles, à raison d'une à trois séances par an. Quant aux thématiques abordées, elles apparaissent si variées qu'elles pourraient "affaiblir la cohérence de l'offre". L'Injep se demande alors si cela peut "induire des effets à long terme" et conclut que l'offre des cités éducatives "peut parfois manquer de cohérence et de lisibilité".
Pour améliorer le déploiement du programme, l'Injep suggère notamment une priorisation resserrée autour de quelques axes fondamentaux ainsi que des actions de plus grande ampleur, le cas échéant après être passé par une étape d'expérimentation à plus petite échelle.
Les cités éducatives se déploient actuellement autour de 3.165 écoles, 509 collèges et 422 lycées qui regroupent 1,2 million d'élèves. Les cités de la première vague ont bénéficié en moyenne d'un financement de l'État d'environ 1,4 million d'euros sur quatre ans. Dans plus de la moitié des cas, les collectivités territoriales apportent un cofinancement inférieur à 20%.
Contrairement aux précédentes phases de labellisation, aucune date limite de dépôt n’est fixée pour l'appel à candidature ouvert sur les années 2024 et 2025, "laissant ainsi aux territoires candidats et à leurs partenaires le choix de déposer leur dossier au fil de l’eau" d'ici 2027, est-il précisé dans le dossier de presse publié par le gouvernement le 4 avril.