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Education / Décentralisation - Cinq scénarios audacieux pour une décentralisation de l'éducation

La Revue de l'Association française des acteurs de l'éducation (Afae) consacre sa quatrième édition à la décentralisation. L'ancien recteur Alain Bouvier y détaille cinq scénarios pour la décentralisation et la gouvernance académique dont celui de créer un établissement public régional d'enseignement, sur le modèle des agences régionales de santé (ARS).

Convaincu que l'arrivée des métropoles nécessitera un "inévitable acte IV" de décentralisation parce qu'elles seront "sans doute un sujet de tensions avec les régions et les départements concernés", l'ancien recteur Alain Bouvier a identifié cinq scénarios de décentralisation et de gouvernance académique pour l'éducation. Cinq scénarios qui "concourent, mais de façon différente, à mettre plus de liens effectifs entre les diverses parties prenantes au niveau local".

Premier scénario : la poursuite d'un pilotage étatique centralisé. Dans ce cas de figure - actuel - , Alain Bouvier soulève "l'absence d'entité adéquate de collaboration du recteur avec le président de région et ses services, ainsi qu'avec les autres responsables des collectivités territoriales". Ainsi, "tout se joue dans des relations bilatérales, dans le bureau de l'un ou de l'autre […] lorsque ce n'est pas lors de rencontres informelles". Une situation qui "conduit parfois à des conflits ouverts".

Deuxième scénario : vers une décentralisation fonctionnelle. L'ancien recteur cite l'exemple de l'Association des régions de France, qui "imagine des conférences régionales de l'éducation". Elles rassembleraient les représentants des collectivités autour du président de région, "chef de file", des représentants de l'Etat autour du préfet de région assisté du recteur et des chefs des services régionaux concernés (directeur régional de l'agriculture, etc.), du président du Pres (pôle de recherche et d'enseignement supérieur), et celui du Ceser (conseil économique, social et environnemental régional). Cette conférence viserait à "construire une politique coordonnée de formation". C'est "un dispositif de concertation et de coordination" qui "ne modifie ni la distribution des institutions administratives et politiques, ni leurs compétences".

Troisième scénario : la déconcentration au niveau régional. Dans cette optique, les services académiques seraient "rapprochés des autres services de l'Etat". Le recteur serait placé sous l'autorité du préfet de région, "comme les autres chefs de services régionaux de l'Etat". Ceci "faciliterait une politique unique de l'Etat dans la circonscription régionale", ainsi que les relations entre services académiques, établissements et tous les autres acteurs participant à l'éducation (agriculture, affaires sociales, sport, police, justice, culture…) "ce qui est particulièrement nécessaire dans le cadre de l'éducation prioritaire et la majorité des projets éducatifs territoriaux".
Ce schéma "modifierait peu la nature des relations du rectorat avec la région et les autres collectivités", mais le recteur verrait son rôle "cantonné" à l'enseignement scolaire, prévient Alain Bouvier. Deux "problèmes" seraient alors à régler : les classes post-bac des lycées et la formation des enseignants.

Quatrième scénario : la décentralisation politique au niveau régional. Elle se matérialiserait par "le transfert de l'essentiel des compétences des services académiques à la région", décrit Alain Bouvier. La région disposerait d'un directeur des services "chargé de l'enseignement" : lycées, collèges et écoles. Le transfert de compétences porterait sur le fonctionnement matériel et la gestion des personnels. Les horaires et programmes resteraient définis au niveau national, tout comme la délivrance des diplômes.
Ce système supprimerait "des doublons" entre Etat et collectivités et " impliquerait une quasi-disparition du recteur d'académie au profit d'un fonctionnaire territorial nommé pour une durée précise par la région". La région deviendrait sur le registre de l'éducation "chef de file des autres collectivités", lesquelles sont "peu favorables à une telle subordination", a bien conscience Alain Bouvier.

Cinquième scénario : la décentralisation fonctionnelle au niveau régional. "Une nouvelle gouvernance territoriale pourrait reposer sur la création d'un établissement public régional d'enseignement" (Epre), affirme le recteur. Pour Alain Bouvier, les ARS (agences régionales de santé) "indiquent une voie possible". Cette idée "avait été avancée en 2002 et proposée en 2003 par le Premier ministre au ministère de l'Education nationale qui avait refusé" par crainte de "perdre son pouvoir centralisateur". Alain Bouvier envisage deux cas de figure pour ces Epre : "soit la même structure" dans toutes les académies ; "soit des structures adaptées aux régions", "après négociations, avec une géométrie variable en fonction du nombre de départements et tenant compte d'une volonté plus ou moins décentralisatrice de la région". "N'excédant pas 30 personnes", son conseil d'administration (CA) comprendrait des représentants des collectivités territoriales, de l'Etat et de ses différents services régionaux, de la communauté éducative et du Ceser. Les présidents d'université "désigneraient l'un d'entre eux". La présidence de ce CA pourrait être assurée alternativement par le préfet de région et le président de région. Le recteur serait le directeur de cet Epre et le chef des services académiques, nommé par l'Etat ou après un accord entre le président de région et le préfet. Son mandat serait de cinq ans, renouvelable une fois. Le CA compterait parmi ses compétences "le projet éducatif régional, la répartition générale des moyens, l'aménagement du territoire éducatif, la carte des formations, etc.". Le recteur et les services académiques "seraient chargés d'appliquer les orientations données par le CA et de lui rendre compte".
Alain Bouvier évoque également la nécessité de créer une nouvelle instance : un "Sénat" ou un "conseil académique" présidé par le recteur, où participeraient les représentants des syndicats de personnels et des syndicats étudiants, les associations de spécialistes, de parents d'élèves, de représentants des élèves, les services sociaux et médicaux, etc. Il "serait consulté en amont des décisions soumises au vote du CA" ainsi que "sur l'appréciation du fonctionnement de l'Epre, ainsi que sur l'évaluation des résultats du système éducatif à l'échelle régionale".

 

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