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Christian Métairie : face à la crise de l’énergie, "sans aides de l’État, je ne sais pas faire face"

Christian Métairie, maire écologiste d’Arcueil, commune de 20.000 habitants à la lisière sud du périphérique parisien, n’a pas attendu la crise pour économiser sa ressource et s’engager résolument dans la transition énergétique. Pour autant, il réclame de l’État l’extension aux communes du bouclier tarifaire et l’indexation de la DGF sur l’inflation. Nous l'avons interrogé dans le cadre d'une série d'interviews réalisées à l'approche du congrès des maires.

 

Localtis - La crise énergétique impacte sévèrement le budget des particuliers, des entreprises, mais aussi des collectivités locales. La commune d’Arcueil est-elle particulièrement touchée par cette augmentation des dépenses ?

Christian Métairie - Nous sommes attentifs depuis des années à cette problématique énergétique et de façon générale à la question climatique. Elles sont naturellement devenues des priorités majeures depuis l’embrasement estival des forêts aquitaines et la crise russo-ukrainienne. À Arcueil, nous avions déjà engagé des politiques d’économie de la ressource. Nous sommes, aussi, au fur et à mesure des renouvellements de la flotte municipale, en train de bifurquer vers l’utilisation de véhicules propres et de sortir du diesel, ce qui n’est d’ailleurs pas sans poser de problèmes lorsqu’il s’agit de matériels roulants lourds.
Mais aujourd’hui, la préoccupation a indéniablement changé d’échelle et elle vient déjouer tous nos pronostics et toutes nos anticipations. Sans tenir compte des mesures d’aides qui doivent être précisées par le gouvernement - des précisions très attendues parce qu’aujourd’hui, les élus sont dans le brouillard le plus complet ! - , le surcoût provoqué par la multiplication par cinq des prix du gaz et par deux des prix de l’électricité va induire pour la municipalité d’Arcueil, sur la seule année 2023, une dépense supplémentaire de 2,5 millions d'euros sur un budget de fonctionnement de 40 millions d'euros.

Comment caractériser cet impact sur les comptes communaux ?

C’est très simple, sans soutien important de l’État et à l’instar, je pense, de bien des responsables de collectivités locales frappées par la crise, je ne sais pas comment faire face ! Ces dépenses supplémentaires vont réduire à zéro notre capacité d’autofinancement et donc mécaniquement compromettre nos projets d’investissement. Heureusement, nous avions prudemment anticipé en priorisant des projets qui pouvaient susciter des recettes ou alléger à long terme les dépenses, comme par exemple un programme de rénovation énergétique des onze écoles de la commune. Mais nous devons déjà faire preuve de la plus grande sobriété en proscrivant les investissements à dépense nette.

Quelles mesures avez-vous déjà prises ? Et quelle est votre stratégie à plus long terme ?

Nous n’allons pas réinventer la poudre ! À court terme, nous allons profiter des conditions météorologiques pour retarder la saison de chauffe. Nous allons aussi baisser la température dans les bâtiments publics en tenant compte de leur destination. On n’applique pas cette consigne de la même manière dans une école et dans un gymnase. Nous allons aussi réduire au maximum l’utilisation de l’eau chaude, sauf dans les écoles maternelles. L’éclairage public, ainsi d’ailleurs que la gestion des piscines, n’est pas de notre ressort, mais du ressort de l’intercommunalité, en l’occurrence l’établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre. Je sais que l’EPT va préparer des mesures spécifiques dans le cadre de ses responsabilités, notamment de réduction de l’éclairage public. Pour notre part, nous gérons nos illuminations de Noël qui sont déjà à 100% en mode LED et nous avons prévu de réduire un peu la voilure dans ce domaine. Mais il ne faut pas s’attendre à des miracles. Les économies générées par ce plan de sobriété ne représenteront que 10% du montant de la facture.

Il n’y a donc pas d’autre levier pour faire face à cette crise ?

À plus long terme et en cas de persistance et même d’aggravation de la crise, nous fondons beaucoup d’espoirs sur l’augmentation des capacités de notre réseau de chaleur fondé sur la géothermie. C’est un équipement exploité depuis une dizaine d’années, qui a été développé en "bi-communalité" avec la ville de Gentilly. À l’issue d’un investissement de 30 millions d'euros, ce réseau de 25 km procure de la chaleur à près de 6.000 logements et à une bonne part des bâtiments communaux. Il permet déjà de réduire notre exposition aux hausses de prix du gaz puisque seulement 30% de la chaleur produite nécessite l’appoint d’énergies fossiles.

Jusqu’à présent, l’extension des raccordements à l’ensemble des bâtiments publics et des bailleurs du parc privé ne présentait pas un intérêt économique évident. Il en est tout autrement aujourd’hui, compte tenu de l’évolution des prix de l’énergie. Seulement, cette extension demande réflexion. Elle nécessitera d’importants travaux, un nouveau forage, sans doute la construction d’une centrale de production. Les investissements liés au projet sont très importants et doivent être soigneusement dimensionnés. Le sujet est sur la table.

Qu’attendez-vous du gouvernement et de l’État ?

Tout d’abord une mesure de justice. En 2023, le gouvernement semble vouloir limiter à 15% la hausse du coût de l’énergie pour les particuliers et les entreprises. C’est très bien. Pour autant, nous souhaitons que ce bouclier tarifaire soit au moins aussi protecteur pour les communes. Il faut un dispositif simple qui permette aux élus de faire face à la crise avec le maximum de sérénité.
La seconde demande, tout aussi forte, est que la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui n’est pas un cadeau de l’État mais une compensation de la prise en charge par les collectivités d’une partie de ses fonctions régaliennes, soit bien indexée sur le taux de l’inflation.
Enfin, je me joins à la requête de l’Association des maires de France pour demander que le gouvernement revienne sur la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Pour l’État, l’addition pourrait s’élever à 32 milliards d'euros si l’on prend en compte ce qu’il devra reverser aux collectivités locales. Dans le contexte actuel, cela me paraît totalement inapproprié.