Finances locales - Cherche nouveaux traitements pour péréquation déficiente
"Si la péréquation bénéficie depuis 2003 d'une consécration constitutionnelle, son efficacité est pour le moins insuffisante." Christelle Branquart, professeur à l'université de Haute-Alsace qui intervenait le 4 décembre au palais du Luxembourg lors d'un colloque consacré à la péréquation des richesses entre collectivités locales, est formelle : "Que ce soit la péréquation verticale (de l'Etat aux collectivités) ou horizontale (entre collectivités), les moyens mis en balance sont insuffisants et les critères déterminant la réaffectation de ces enveloppes ne révèlent pas la réalité." La rencontre organisée par le sénateur Gérard Delfau et par Mairie-conseils (Caisse des Dépôts) était en partie animée par Pierre-Yves Collombat, sénateur du Var et vice-président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF). Sa position est claire : "L'article 72 de la Constitution a seulement une valeur décorative. Si les moyens consacrés à la péréquation ont crû de 40%, ils ne concernent que 9% des concours de l'Etat. Il faut réintroduire les logements sociaux dans les critères d'affectation des dotations et introduire les efforts des collectivités en faveur des services à la personne."
Prendre en compte les coûts dans l'attribution des dotations
Pour Christelle Branquart, deux axes de réforme s'imposent pour améliorer la péréquation verticale : il faut revoir les critères d'attribution (en intégrant dans le potentiel financier des communes le revenu des habitants) et mieux prendre en compte les coûts supportés par les collectivités. "Il est possible soit de définir, comme le fait le Japon, des modèles types de communes, soit de créer un indice synthétique de coût." Le sénateur François Marc a rappelé qu'il a déposé en octobre une proposition de loi refusée par le Sénat, qui prévoyait notamment des pourcentages minimum de DGF pour toutes les communes (par strate de population), les départements et les régions. "On sait ce qu'il faut faire, il manque seulement la volonté politique", a-t-il ajouté.
Edward Jossa, directeur général des collectivités locales, a tenu à atténuer ces propos défaitistes : "En 1998, la dotation de péréquation s'élevait à 1,5 milliard d'euros, en 2007, elle est de 5,9 milliards d'euros. Si nous intégrons la dotation intercommunale comme un outil de péréquation, l'augmentation de la part de péréquation de la DGF n'est pas de 9% mais de 15%.
Une question de gouvernance ?
Quant à la péréquation horizontale (dite "Robin des bois" : prendre aux plus riches pour donner aux plus pauvres), Christelle Branquart est favorable à un prélèvement sur les budgets des collectivités en fonction des bases de fiscalité tout en laissant une marge de manoeuvre aux collectivités. "Les plus riches doivent garder une partie de leurs ressources dues à leurs efforts en faveur des entreprises et des habitants." A l'inverse, Edward Jossa déclare ne pas beaucoup aimer la péréquation horizontale: "Il y a trop de fluctuations entre les richesses et puis on prend beaucoup à peu de collectivités pour donner peu à beaucoup de collectivités." Et d'ouvrir le débat : une péréquation par les recettes ou par les dépenses (soutien aux politiques locales) ? Pour Edward Jossa, se pose la question de la gouvernance : "Les conflits d'objectifs entre les différentes catégories de collectivités ne manquent pas et avec la période de vaches maigres qui s'annonce, le conflit s'accentue : nous manquons d'un mécanisme d'arbitrage." Au-delà de la problématique financière - le partage de ressources - les intervenants se sont accordés, et au premier chef Gérard Delfau, organisateur de la rencontre, sur la nécessité d'élargir la définition de la péréquation. "Si l'on s'appuie sur la Constitution allemande, la péréquation vise à donner à tout le monde les mêmes conditions de vie sur l'ensemble du territoire. Nous avons, aujourd'hui, l'opportunité de franchir cette nouvelle étape."
Clémence Villedieu