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Chaleur renouvelable : la future réglementation environnementale refroidit l'optimisme

Du 10 au 11 décembre, dans le cadre des 16es rencontres nationales des réseaux de chaleur et de froid, des élus et experts font le point sur les avancées et les meilleures pratiques pour décarboner la chaleur collective. Ils partagent leur vision politique sur les perspectives de développement de la filière et leurs craintes que les futures normes de construction ne favorisent la place donnée au chauffage électrique.

Pour Aurélie Lehericy, présidente du Syndicat national du chauffage urbain et de la climatisation (SNCU), "tous les astres sont alignés pour que se développent les réseaux de chaleurs mis en place par les collectivités sur leurs territoires". C'est dans un vent d'optimisme qu’ont ainsi débuté, ce 10 décembre, les 16es rencontres nationales consacrées à cette solution de chauffage urbain qui alimente plus de 40.000 logements et deux millions d’habitants, "sans parfois qu’ils en aient d’ailleurs conscience". 

Organisées jusqu’au 11 décembre par l’association d’élus et d’entreprises Amorce, en partenariat notamment avec l’Ademe, ces rencontres mettent en avant des témoignages d’élus et constituent l’occasion de souffler les dix bougies d'anniversaire du fonds Chaleur. Piloté par l’Ademe, le principal mécanisme de subvention de l'Etat en faveur de la chaleur renouvelable s’avère "efficace et peu coûteux pour les finances publiques", selon son directeur général délégué Fabrice Boissier : "C’est un formidable outil pour passer au "monde d'après" et faire basculer très rapidement des usagers vers un mode de chauffage vertueux". En dix ans, le fonds Chaleur a financé 5.350 installations d’énergies renouvelables et de récupération (EnR&R). "C’est aussi de l’investissement dans les territoires", poursuit-il : ce fonds a injecté plus de 2 milliards d’euros d’aides qui ont déclenché 8 milliards d’euros d’investissement total. 

 

Verdissement et montages innovants 

Sur le terrain, le linéaire de réseaux a quasiment doublé, passant à près de 6.000 kilomètres de conduits livrant 25,6 térawatt-heure (TW) de chaleur nette. Le niveau de verdissement de l'énergie livrée atteint presque la barre des 60%, contre 31% il y a dix ans. "Une cadence de verdissement imbattable, en comparaison l’électricité renouvelable ne se développe pas à un tel rythme", observe Nicolas Garnier, délégué général d’Amorce. C’est en fin de contrat, lors de sa négociation, que la bascule s’opère. Le SNCU milite pour qu’un cadre réglementaire permette de verdir ces réseaux en cours de contrat. 

Car 20% du parc, soit 150 réseaux, reste dépendant des énergies fossiles. Et si le groupe de travail national piloté l’an dernier par Emmanuelle Wargon (voir notre article du 8 octobre 2019) a tranché en faveur de l’arrêt du charbon, qui concerne actuellement entre sept à dix réseaux, "cela prend du temps comme en prend aussi l’éclosion de nouveaux réseaux dans des petites et moyennes villes", observe Aurélie Lehericy. Or plus le réseau est vertueux (75% d'EnR&R), plus il est compétitif et soutenu par des fonds publics. "Il faut donc continuer de faire émerger plus de projets", insiste Fabrice Boissier. Le 11 décembre, un atelier portant sur ces nouveaux projets et leurs montages innovants verra intervenir les communautés d'agglomération du Pays basque, de Paris-Vallée de la Marne, ainsi que la ville de Lorient.

 

La RE2020 jette une pomme de discorde

Une ombre au tableau se profile toutefois avec la future réglementation environnementale (dite RE2020), dont la consultation débute (voir notre article du 27 novembre dernier) et qui inquiète les promoteurs et acteurs de la chaleur renouvelable, demandeurs d’ajustements techniques. Cette réforme réglementaire remet en effet sur la table un sujet de discorde récurrent, le fameux coefficient de conversion de l’électricité en énergie primaire qui a tendance à sous-estimer le poids carbone de l'énergie électrique. "Il est inimaginable que la RE2020, réforme absolument essentielle et qui vise à diminuer l’impact carbone des bâtiments, mette en difficulté les réseaux de chaleur et pénalise le droit de raccorder des bâtiments neufs", redoute Nicolas Garnier. Amorce déplore que les méthodes de calcul actuelles puissent faire apparaître le chauffage électrique comme plus vert que les réseaux renouvelables et qu’in fine, les solutions de chaleur électrique de type pompe à chaleur soient favorisées.

 

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