Grippe A - Centres de vaccination : comment les communes épaulent l'Etat
Au 17 décembre, un peu plus de 4 millions de personnes avaient été vaccinées contre le virus de la grippe A dans un des quelque 1.000 centres ouverts sur le territoire français. "La campagne de vaccination contre la grippe est la plus grande opération de santé publique menée dans notre pays", déclarait la ministre de la Santé, deux jours plus tôt.
Si Roselyne Bachelot ne le précisait pas, son plan repose largement sur les communes, qui mettent à disposition des salles et environ 3.000 de leurs agents, selon les informations communiquées par le ministère de l'Intérieur.
En effet, après une phase de concertation, les préfets ont fait connaître aux communes concernées le nom des lieux choisis pour vacciner la population à compter de la mi-novembre. Les lieux, généralement des gymnases ou des salles de spectacle, répondent à des critères d'hygiène, de sécurité et d'accessibilité. Les communes ont dû aménager les locaux afin de les rendre opérationnels : déménagement des installations sportives, mise à disposition de chaises et de tables, mise en place de paravents, d'une rampe d'accès pour les personnes handicapées, installation d'un ordinateur et d'une connexion internet, parfois aussi achat de réfrigérateurs... Tout a dû être fait dans les meilleurs délais. Il a ensuite fallu trouver des solutions pour les usagers - sportifs, musiciens, amateurs de concerts... - qui fréquentaient les lieux.
A Haguenau (Bas-Rhin), Michel Wendling, directeur général adjoint, n'a pas, heureusement, à déplorer trop de bouleversements. "Le service des manifestations culturelles a pris le soin d'accompagner les associations afin de les aider à trouver d'autres lieux dans notre commune ou à proximité", explique-t-il. A Gourdon (Lot), les choses se sont apparemment passées moins sereinement. Philippe Martegoute, premier adjoint au maire, témoignait le 12 novembre, dans la Dépêche du Midi, que ce serait "très compliqué" pour les usagers des clubs sportifs de la ville.
L'Etat remboursera
Autre conséquence de la réquisition des salles communales : l'explosion des frais de fonctionnement des communes. Qu'il s'agisse des frais d'entretien, de chauffage ou d'éclairage, ou que les frais soient liés à la sécurisation des salles ou à la collecte des ordures ménagères, la facture est alourdie du fait d'une occupation permanente ou quasi-permanente des locaux. Parfois aussi, les communes devront renoncer aux recettes liées à la location de leur salle.
Ici ou là, le mécontentement monte dans les rangs des élus ou des décideurs locaux. Philippe Laporte, directeur général de services de la mairie de Périgueux, assure que sa collectivité obtiendra des "compensations financières". Mais l'incertitude est grande concernant le montant qui sera versé au final. Au terme de la campagne de vaccination, les communes pourront, en effet, demander à l'Etat le remboursement des frais qu'elles auront engagés.
Une circulaire ministérielle du 22 octobre précise que leur sera versée une "indemnité périodique d'occupation" correspondant aux dépenses de chauffage, d'eau, de ménage, d'entretien et d'aménagement des locaux et, "le cas échéant, aux frais de transfert et de réinstallation des services évincés lorsque leur maintien en fonctionnement est justifié par l'intérêt public". L'indemnité périodique pourra également "couvrir la privation de jouissance imposée et la perte effective résultant de l'empêchement d'exploiter".
Interpellée par les communes à de nombreuses reprises sur cette question sensible, l'Association des maires de France (AMF) a obtenu du ministère de l'Intérieur la confirmation que leurs dépenses supplémentaires seraient bien remboursées.
L'Etat aux commandes
La circulaire du 22 octobre indique que les rémunérations des personnels donneront lieu, elles aussi, à remboursement. Sur ce point, les villes se trouveront en ordre dispersé, car toutes ne sont pas investies de la même façon dans le fonctionnement des centres de vaccination.
La mairie d'Albertville, par exemple, n'a eu aucun agent à mettre à disposition de l'Etat pour faire fonctionner le centre de vaccination situé dans la commune. Les agents chargés de l'entretien et de la sécurité de la salle sont juste mis à contribution un peu plus que d'ordinaire. Placé sous la responsabilité de l'Etat, le centre de vaccination fonctionne en effet entièrement grâce à des bénévoles de la Croix rouge. A Haguenau, le schéma est différent, puisque "quatre à cinq" agents municipaux se relaient toute la semaine, y compris le samedi, pour assurer l'ouverture et la fermeture de la salle, veiller au respect des consignes de sécurité... Mais "aucun agent municipal n'intervient au niveau de la campagne".
Ailleurs, les agents municipaux peuvent participer à des tâches administratives ou d'accueil. C'est le cas à Dunkerque, où il a fallu avoir recours à huit agents municipaux, lesquels sont répartis entre les deux sites réquisitionnés. Leurs missions : vérifier les bons de vaccination et aider les gens à remplir un questionnaire. A Périgueux, les cinq agents municipaux qui se relaient au centre de vaccination ont tous demandé à être affectés à cette mission. "On a diffusé une note dans les services pour faire appel aux volontaires", précise Philippe Laporte.
Ces agents viennent compléter les effectifs présents, constitués prioritairement d'agents de l'Etat. Au total, les équipes des centres, formées de cinq à sept personnes, sont sous la responsabilité directe d'un agent de l'Etat. La circulaire du 22 octobre, tout comme une autre circulaire du 19 octobre, sont très claires là-dessus. Les textes "ont permis un recadrage important", se réjouit-on à l'AMF. Auparavant, "les administrations de l'Etat ont eu parfois la tentation de laisser les collectivités locales prendre en charge la totalité des responsabilités administratives nécessaires au fonctionnement des centres de vaccination".
Même s'il n'est pas aussi central que celui de l'Etat, le rôle des collectivités demeure déterminant dans le bon fonctionnement de la campagne de vaccination. Et, comme souvent, les élus n'ont pu discuter leur participation à cette opération obligée. Cela, en dépit des critiques récurrentes que suscite cette opération, sur son sur- ou sous-dimensionnement supposé ou sur l'absence des médecins généralistes dans le circuit de vaccination.
Thomas Beurey / Projets publics