Ce sera 18 heures pour tout le monde
Couvre-feu à 18 heures sur l'ensemble du territoire, limitation des déplacements transfrontaliers, suspension des pratiques sportives d'intérieur pour les mineurs, protocole renforcé pour les cantines scolaires, première étape d'un retour du présentiel dans l'enseignement supérieur, statu quo pour la culture... Retour sur la conférence de presse du gouvernement de ce jeudi 14 janvier, au cours de laquelle un élargissement des aides aux entreprises a également été annoncé.
Au regard des divers scénarios qui circulaient depuis quelques jours, c'est finalement le moins drastique qui s'est imposé. Un couvre-feu à 18 heures sur tout le territoire métropolitain. "Si nous constatons une dégradation épidémique forte, nous serions conduits à décider sans délai d'un nouveau confinement", a toutefois prévenu le Premier ministre lors de sa conférence de presse du 14 janvier, aux côtés de six membres du gouvernement.
Couvre-feu
Dans l'immédiat donc, l'application du couvre-feu à 18 heures, déjà en vigueur dans 25 départements, va être étendu à l'ensemble du territoire métropolitain à "partir de ce samedi et pour au moins 15 jours" dans une "logique de freinage". Une mesure qui "vise à réduire encore davantage les contacts sociaux sur les heures de fin de journée, tout en permettant le maintien des activités économiques, éducatives et des déplacements pendant la journée", a résumé Jean Castex. Avant même qu'elle ne soit annoncée, les réseaux sociaux avaient bruissé du hashtag #EffetApéro suite aux explications de Stanislas Guérini, le délégué général d'En Marche, sur la logique de cet horaire généralisé ("contrer l'effet apéro")...
"Les dérogations, très limitées, seront les mêmes que celles actuellement applicables pour le couvre-feu à 20 heures"… dont le fait de "revenir du travail ou d’aller chercher ses enfants à l’école ou à la crèche". En dehors de cela, à 18 heures, "chacun devra être chez soi". Conséquence logique : "Sauf les exceptions liées aux missions de service public, tous les lieux, commerces ou services recevant du public seront fermés à 18 heures."
Sur les risques de concentrations que cela pourrait engendrer à certaines heures dans les transports ou les commerces – dont avaient témoigné certains élus avec lesquels Jean Castex avait échangé plus tôt dans la journée à Metz –, seules deux petites préconisations ont été énoncées : inviter les établissements à "se saisir des possibilités d’ouverture supplémentaire sur la pause-déjeuner" ainsi que de l'ouverture dominicale dans les départements ayant prévu des dérogations. Élisabeth Borne a précisé que les heures de travail perdues pour les employés des commerces peuvent entrer dans le cadre du chômage partiel.
Frontières
À compter de lundi, tous les voyageurs souhaitant se rendre en France en provenance d'un pays extérieur à l'Union européenne devront présenter un test PCR négatif avant de partir et "s'engager sur l'honneur à s'isoler pendant sept jours une fois arrivés en France, puis à refaire un deuxième test PCR".
Des tests négatifs seront également exigés pour les vols en provenance de la Guyane, de Mayotte ou de la Réunion, du fait des variants à risque qui circulent dans ces régions. Des restrictions spécifiques à l'Outre-Mer pourront d'ailleurs être prises par les préfets.
Pour les déplacements en provenance d’un pays de l’UE, un "cadre de coordination" sera discuté lors du Conseil européen de la semaine prochaine.
Des exceptions seront prévues pour "les frontaliers, les transporteurs routiers ou encore les agents des compagnies de transport".
"L’ensemble de ces mesures a pour objectif de réduire drastiquement les flux transfrontaliers afin de nous protéger du risque de propagation des souches variantes", a souligné Jean Castex.
Interrogé par ailleurs sur les déplacements à l'intérieur de l'Hexagone et l'approche des vacances scolaires d'hiver, le chef du gouvernement a estimé qu'il était "trop tôt" pour préciser les choses sur ces vacances mais conseille aux Français concernés de "ne pas annuler pour le moment"...
Établissements scolaires
"Nous souhaitons tout faire pour éviter" la fermeture des écoles, a redit le chef du gouvernement, avec trois décisions à la clef.
Premièrement, "toutes les pratiques sportives d'intérieur sont suspendues", que ce soit en milieu scolaire ou extrascolaire, "pour quelques semaines probablement", a indiqué le ministre de l'Éducation. Les mineurs avaient repris le sport à l'extérieur fin novembre et en intérieur le 15 décembre. Et les cours d'EPS et périscolaires n'avaient pas été arrêtés.
Deuxième axe : la cantine. Alors qu'il se disait depuis quelques jours que les cantines scolaires pourraient devoir fermer, le choix est finalement moins radical. Le protocole sanitaire sera "renforcé". Ainsi, au primaire, "il n'y aura pas de brassage possible" : les élèves d'une même classe mangeront tous les jours ensemble. Si ce n'est pas possible, le temps de restauration sera "allongé" et "en dernier recours, on pourra avoir des solutions de repas à emporter", a dit Jean-Michel Blanquer. Même schéma dans les collèges : si la pression est trop forte, le temps de service pourra être allongé ou des repas à emporter proposés. Le ministre n'a pas exclu que dans certains cas, une fermeture puisse s'imposer. Tout cela sera envisagé "dans un dialogue quotidien avec les collectivités", a-t-il assuré. Dans tous les cas, il est clair que cette réorganisation de la pause méridienne aura un impact - et un possible coût supplémentaire - pour les collectivités.
Au lycée, l'enseignement hybride mis en place en novembre, qui devait prendre fin le 20 janvier, sera prolongé. Le ministre plaide toutefois pour une "vigilance accrue" pour les terminales qui passent le bac et doivent donc être privilégiées pour les cours en présentiel. Au collège, il a expliqué qu'à "titre exceptionnel", en cas de contraintes très fortes, le mode hybride pourrait être autorisé, pour les élèves de 4e et 3e.
Enfin, le "traçage des cas contacts va continuer", a-t-il assuré. Des équipes de dépistage de tous les personnels et élèves pourront être mobilisées, a-t-il dit, évoquant 1 million de tests antigéniques. "Lorsque trois cas seront avérés dans un établissement, tous les personnels, collégiens et lycéens se verront proposer un test dans les 48 heures."
Enseignement supérieur
"Le passage à 100% des enseignements à distance a été très difficile à vivre pour nombre d’étudiants", a convenu Jean Castex. Et les dispositions prises fin 2020 (tutorat, prise en charge psychologique) risquent de s'avérer insuffisantes.
Il a donc été décidé que les étudiants de première année à l'université pourront reprendre par demi-groupes les travaux dirigés en présentiel à partir du 25 janvier. Cette mesure s'étendra ensuite, "si la situation sanitaire le permet, aux étudiants des autres niveaux", a ajouté le Premier ministre. "Il est impératif que nous puissions progressivement tracer ensemble ce chemin qui nous permettra de passer d'une majorité d'enseignements en distanciel à une majorité d'enseignement en présentiel", a poursuivi la ministre de l'Enseignement supérieur, Frédérique Vidal.
Jean Castex doit recevoir ce vendredi la Conférence des présidents d'université et les organisations syndicales étudiantes pour "préciser les conditions et les modalités" de cette "reprise échelonnée". "Des protocoles d'accord devront prévenir le brassage des étudiants, garantir les règles de distanciation, ils devront éviter que les étudiants restent sur site pour les pauses méridiennes", a souligné Frédérique Vidal.
Vaccination
Outre les plus de 75 ans, les personnes de tout âge présentant des pathologies à "haut risque" pourront se faire vacciner à partir de lundi dans l'un des "700 centres" de vaccination ouverts dès cette date sur le territoire, a indiqué jeudi Jean Castex. Cela concerne près de 800.000 personnes "atteintes de maladies particulièrement graves" - "personnes souffrant d'insuffisance rénale sévère, celles ayant eu une transplantation d'organe, les personnes sous traitement pour un cancer ou encore celles atteintes de trisomie 21" ou de certaines maladies rares, a détaillé Olivier Véran (le ministère a ensuite publié la liste des pathologies concernées, qui n'inclut par exemple pas le diabète). Ces personnes auront besoin au préalable d'une ordonnance de leur médecin traitant.
Pour elles comme pour les personnes de plus de 75 ans, la prise de rendez-vous débute ce vendredi par téléphone (0800 009 110), par internet via le site sante.fr (qui était encore en maintenance jeudi) ou, mieux, en prenant directement contact avec "le centre de vaccination le plus proche". "Chaque centre sait de combien de doses il dispose et peut donc programmer les rendez-vous pour les quatre prochaines semaines", a ajouté le ministre. Interrogé sur le possible transport de certaines personnes vers les centres de vaccination, Jean Castex a invité les "acteurs locaux" à mettre en place "des solutions adaptées".
Ce jeudi, quelque 70.000 nouvelles personnes avaient reçu la première injection du vaccin, portant à 318.000 le nombre de personnes vaccinées en France.
Aides aux entreprises
"Nous maintiendrons nos dispositifs de soutien, aussi longtemps que cela sera nécessaire. Nous devons entendre le besoin de sécurité et de stabilité que nous expriment les acteurs économiques et sociaux", a assuré Jean Castex, laissant le soin à Bruno Le Maire de présenter plusieurs nouveautés ou élargissements.
♦ Fonds de solidarité
Le fonds de solidarité va connaître "trois changements majeurs" :
- l'activité de vente à emporter et de livraison des restaurants ne sera plus intégrée au chiffre d'affaires de référence pour le bénéfice du fonds de solidarité (avec rétroactivité sur décembre 2020) ;
- le fonds de solidarité pour les entreprises frappées indirectement par les fermetures administratives (Bruno Le Maire a cité le cas des hôtels ou de certains commerces de gros), jusqu'ici limité à 10.000 euros par mois, est porté à partir de décembre dernier à une compensation de 20% du chiffre d'affaires, dans la limite de 200.000 euros, si ces entreprises ont perdu 70% de leur chiffre d'affaires. Et ce, quel que soit le nombre de salariés ;
- les entreprises fermées et des secteurs qui en dépendent réalisant plus d'un million d'euros de chiffre d'affaires mensuel vont bénéficier d'une prise en charge de leurs coûts fixes allant jusqu'à 70%, dans la limite de 3 millions d'euros pour l'ensemble du premier semestre 2021. Le ministre de l'Économie a expliqué que cette mesure s'adresse aux "structures importantes" comme les chaînes d'hôtels, les "restaurateurs qui ont plusieurs restaurants dans une même ville", ou les "activités indoor" telles que les salles de sport. Le plafond de 3 millions d'euros est issu d'une négociation avec la Commission européenne qui se poursuit et pourrait encore être augmenté à l'avenir. Cette nouvelle aide s'ajoutera à celles déjà perçues au titre du fonds de solidarité. Le gouvernement travaille aussi avec les parlementaires à abaisser le seuil d'éligibilité.
♦ Prêts garantis par l'État
Les entreprises pourront bénéficier auprès de leur banque d'une année supplémentaire pour commencer à rembourser les prêts garantis par l'État (PGE) souscrits pour faire face à la crise. En mettant en place le PGE au début de la crise sanitaire, l'État avait instauré un délai d'un an avant que les banques puissent exiger le remboursement des crédits. Ce délai devait donc arriver à échéance fin mars pour certaines entreprises. Bruno Le Maire a indiqué avoir obtenu de la Fédération bancaire française que "toutes les entreprises, quelle que soit leur secteur d'activité, et quelle que soit leur taille", puissent bénéficier, "de droit", de ce "différé de remboursement d'un an supplémentaire". Plus de 638.000 PGE ont été accordés, pour un montant d'environ 130 milliards d'euros.
Et s'agissant des autres prêts, le ministre a assuré que "les banques se sont engagées à examiner favorablement toute demande de moratoire".
♦ Charges sociales
Les exonérations de cotisations sociales mises en place en décembre sont maintenues en janvier, sur le principe d'un "zéro charge sociale pour les entreprises fermées ou lourdement pénalisées dans les secteurs liés à l'hôtellerie, le café, la restauration, la culture, le sport ou l'événementiel".
♦ Différés d'amortissement
Les hôteliers et restaurateurs, résidences de tourisme, remontées mécaniques... pourront "différer l'amortissement comptable des biens sous-utilisés en 2020".
L'ensemble de ces dispositions représente un coût de 4 milliards d'euros par mois pour l'État, un chiffre qui ne comprend pas les dépenses liées au chômage partiel, a souligné Bruno Le Maire. Celui-ci a en outre fait savoir qu'afin de renforcer les fonds propres des entreprises, est envisagée "la mise à disposition de prêts participatifs soutenus par l'État", dont les modalités seront précisées le 28 janvier.
Activité partielle
Élisabeth Borne a rappelé qu’en novembre 2020, trois millions de salariés ont été placés en activité partielle, après avoir été près de neuf millions lors du premier confinement. Ce "soutien massif" va être poursuivi.
Pour les entreprises totalement fermées, comme les restaurants, les salles de sport ou les discothèques, ou fermées partiellement (y compris, donc, les commerces soumis au couvre-feu à 18 heures), l’État "continuera de prendre en charge 100% de la rémunération versée aux salariés, tant que les mesures de restrictions administratives s’appliquent".
Concernant les entreprises des secteurs protégés (hôtels, événementiel...), "100% de la rémunération sera pris en charge jusqu’à fin février". À partir de mars, "cette prise en charge à 100% sera maintenue pour ceux qui enregistrent une baisse de 80% de leur chiffre d’affaires" tandis que "pour les autres, il y aura un reste à charge de 15% pour l’employeur".
Dans les autres secteurs, jusqu’à fin février, le reste à charge de 15% pour les entreprises est inchangé et passera à 40% en mars si les conditions sanitaires sont réunies.
La ministre a en outre invité "les entreprises et les branches professionnelles qui anticipent des baisses plus durables d’activité à s’emparer du dispositif de l'activité partielle de longue durée (APLD) et à conclure des accords avec les représentants des salariés".
Télétravail
Interrogée sur le sujet, Élisabeth Borne a confirmé que "les règles en matière de télétravail ne changent pas" : "Depuis fin octobre, nous avons souhaité utiliser au maximum le télétravail pour réduire les interactions sur le trajet domicile-travail et en marge du travail" mais suite aux remontées sur "les difficultés rencontrées par les salariés en télétravail cinq jours sur cinq, nous avons fait évoluer le protocole sanitaire en entreprise à partir du 7 janvier en permettant aux salariés qui en exprimaient le besoin de revenir une journée maximum par semaine en entreprise et cette règle est maintenue".
Culture
Sur le front de la culture, sachant que rien ne change, Roselyne Bachelot n'a pu que souligner que la situation est la même pour les établissements culturels dans la plupart des pays européens et assurer que l'État continuera à soutenir le secteur. Que ce soit par les mesures transversales (fonds de solidarité, PGE, activité partielle...) ou par des dispositifs spécifiques, qui sont tous maintenus.
Elle a en outre indiqué que le "travail d'échange" avec les professionnels se poursuit afin, notamment, d'imaginer un "modèle adaptable" susceptible de dépasser l'alternative "binaire" ouvert/fermé. Des groupes de travail avec le ministère de la Santé se sont penchés sur quelques expérimentations menées à l'étranger et deux expérimentations seront menées en France. Si aucune date de réouverture des établissements ne peut être envisagées pour le moment, il n'est pas exclu que l'on se dirige vers un "calendrier glissant" avec un possible "échelonnement selon le type de lieux".