Carrières et rémunérations : la concertation va démarrer prochainement
Se disant soucieux de renforcer l'attractivité de la fonction publique, l'exécutif avait promis l'ouverture d'une concertation sur les carrières et les rémunérations des agents publics. Celle-ci se tiendra au premier semestre 2023, confirme le ministère de la Transformation et de la Fonction publiques. Les discussions avec les représentants des syndicats et des employeurs publics doivent aussi porter, cette année, sur l'accès à la fonction publique, les conditions de travail et "le quotidien" des agents, la protection sociale complémentaire, ou encore le dialogue social. Autant de thèmes qui doivent être abordés avec en toile de fond le bras de fer sur les retraites.
Une année intense de dialogue social, placée sous le signe de l'attractivité. C'est ce que le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini, annonce depuis quelques jours aux responsables des organisations syndicales représentatives de la fonction publique et des employeurs publics, qu'il reçoit les uns après les autres à son ministère.
Ces réunions, qui prendront fin le 30 janvier, permettent de préciser le contenu de l'Agenda social de la fonction publique pour 2023. Un programme de travail que l'hôte de la rue de Grenelle présentera officiellement - en principe le 1er février à l'institut régional d'administration (IRA) de Nantes -, mais sur lequel le ministère a déjà communiqué assez largement.
On saura ainsi que les "parcours", les "carrières" et les "rémunérations" des agents publics figurent au menu des prochaines discussions entre le ministre et ses services, d'un côté, et les représentants des organisations syndicales et des employeurs publics, de l'autre. Un des engagements qu'a pris Emmanuel Macron à l'égard des agents publics, lors de sa campagne pour l'élection présidentielle, sera ainsi effectif. L'enjeu est fort. Le rapport Peny-Simonpoli pointait, il y a un peu moins d'un an, "une dynamique des rémunérations complexe" et un "volet indemnitaire à rendre plus lisible, cohérent et équitable". Il soulignait aussi que la rémunération est "un élément qui semble clé afin d’expliquer la perte d’attractivité de la fonction publique". La hausse du point d'indice de la fonction publique de 3,5% est certes intervenue depuis, mais elle n'a absolument pas réglé le problème.
"Combiner autrement les leviers de rémunération"
Comme le ministre l'avait annoncé à l'automne dernier, l'objectif de l'exécutif est de parvenir d'ici la fin du premier semestre 2023 à "un ensemble de propositions" sur les "points clés" liés à ce thème. Prépare-t-il un protocole sur les parcours, les carrières et les rémunérations (PPCR), en s'inspirant de celui qui a été signé en 2015 ? "On n'a pas envie que ce soit un PPCR bis", se défend-on clairement au ministère de la Fonction publique. La démarche conduite sous le quinquennat de François Hollande consistait à "jouer sur le curseur à l'intérieur du système". Aujourd'hui, il s'agit plutôt de "voir si on fait bouger le système lui-même", indique-t-on dans l'entourage de Stanislas Guerini. Il ne s'agit "pas simplement d'améliorer un profil de grilles", mais de "voir si on ne peut pas combiner autrement les différents leviers de rémunération". Pour autant, le ministère n'exclut pas une réduction du montant des primes des fonctionnaires en contrepartie d'une augmentation de leur traitement indiciaire - autrement dit le transferts primes/points mis en oeuvre dans le cadre du protocole PPCR. Il est jugé que ce sujet "n'est pas un but en soi", mais que "c'est une réflexion nécessaire".
Des réflexions sur "l'accès à la fonction publique" sont aussi au menu des discussions qui seront conduites au titre de ce thème sur les parcours, carrières et rémunérations. "Il reste des sujets à traiter concernant les conditions auxquelles on accède à la fonction publique", fait savoir la Rue de Grenelle. Qui entend réaliser avec les représentants des organisations syndicales et des employeurs publics un exercice d'examen des mécanismes des concours de la fonction publique. L'objectif est également de permettre aux employeurs publics de continuer plus facilement à employer les apprentis, lorsque ceux-ci arrivent à la fin de leur contrat. Actuellement, les jeunes employés dans le secteur public et qui se trouvent dans cette situation doivent passer les concours s'ils veulent poursuivre leur carrière dans la fonction publique. Une obligation en raison de laquelle nombre d'entre eux sont susceptibles de se tourner vers le privé. Ni concours, ni passe-droit : un mécanisme spécifique de recrutement des apprentis demeure à inventer, dans le respect des principes d'"égalité des chances" et de "non-discrimination" figurant dans le statut général de la fonction publique, décrypte le ministère. Qui entend parvenir à des propositions "à court terme" sur le sujet.
Améliorer le quotidien des agents
Le rapport Peny-Simonpoli servira de base aux discussions d'ensemble sur cet axe essentiel de travail. Le contraire serait d'ailleurs étonnant, puisque le directeur de cabinet du ministre en charge de la fonction publique n'est autre que l'un des auteurs du rapport, Paul Peny, ex-DRH de la Caisse des Dépôts. Au ministère, on indique aussi que la réforme de la haute fonction publique, qui a rénové en 2022 le cadre d'emploi des hauts fonctionnaires de l'État, sera une autre source d'inspiration. L'entourage du ministre ne cache pas son intérêt pour certains des leviers que l'on trouve dans le système de carrières et de rémunération issus des textes publiés à la fin de l'année dernière dans le cadre de cette réforme.
Un autre axe de l'agenda social de l'année 2023 devra permettre de donner corps à la démarche "Fonction publique +" que le ministre avait dévoilée en septembre. De nombreux sujets de discussion sont d'ores et déjà prévus pour parvenir à l'amélioration du "quotidien des agents", but de ce plan d'action : "les pratiques managériales", "les méthodes d'accompagnement RH", l'environnement physique des agents (espaces de travail, équipements), leur environnement professionnel (relations au travail), l'usure professionnelle et la prévention, la responsabilité sociale de l'employeur, ou encore la question du logement des agents publics. Dans ces domaines, les employeurs seront appelés à prendre "des engagements" vis-à-vis de leurs agents.
La protection sociale complémentaire des agents publics sera un troisième grand dossier pour les employeurs publics et les organisations syndicales. En sachant que les discussions seront menées de manière distincte pour l'État (volet prévoyance) et pour la fonction publique territoriale (santé et prévoyance). Rappelons que les employeurs territoriaux ont prévu dans ce cadre de négocier avec les représentants des personnels territoriaux un accord d'ici la fin du premier semestre 2023. Ces travaux ont été précédés en juillet dernier par la signature d'un "accord de méthode".
Passage par la case législative
Le dernier grand axe de l'agenda social de la fonction publique portera sur le dialogue social lui-même. Le but : dresser "sans tabous" le bilan des dernières élections professionnelles (y compris s'agissant du vote électronique), mais aussi évoquer la vie syndicale (droits et parcours syndicaux). "Consacrer une partie de sa vie à un mandat syndical ne doit pas être discriminant pour ceux qui font ce choix", souligne-t-on au ministère de la Fonction publique. Les discussions sur l'Agenda social devraient débuter par ce thème.
Une première réunion pourrait être programmée à la mi-février, un temps où les syndicats devraient être mobilisés pour faire barrage à la réforme des retraites, ce dont le ministère a bien conscience. Le rythme des réunions sur l'Agenda social s'accéléra "à partir de mars-avril".
Déboucheront-elles sur l'ouverture de négociations en vue de la signature d'un ou plusieurs accords collectifs ? À ce stade, la réponse n'est pas encore déterminée de manière précise. Le ministère renvoie à une échéance ultérieure ("la césure de février-mars") pour affiner sa réponse. Mais, d'emblée, la piste de négociations - considérées comme "un facteur de modernité du dialogue social et d'efficacité collective" - n'est pas exclue.
Quelle que soit la forme qu'ils prendront, ces chantiers déboucheront sur des mesures d'ordre réglementaire ou législatif. La préparation d'un projet de loi sur la fonction publique pourrait donc être mise en route. "Ce sera un point de passage", estime le ministère, qui se refuse à en faire "une fin en soi".