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Sécurité - A Cannes, la lutte contre l'incivisme est aussi une source d'économies

Pour la première présentation d'actions locales qu'elle souhaite promouvoir auprès des élus, l'AMF s'est arrêtée, le 8 mars, sur le plan de lutte contre l'incivisme mis en place par la municipalité de Cannes depuis 2014.

Jets de cigarettes, de cannettes, de détritus, déjections de chiens, tags, ventes ambulantes, scooters pétaradants, décharges sauvages… Depuis 2014, la mairie de Cannes mène une lutte de tous les instants contre l'incivisme. Notion un peu plus vaste que celle d'"incivilités", qui correspond selon le maire (LR) David Lisnard à un enjeu de société. Car "l'incivisme est un bras d'honneur, un abandon de soi (…) C'est l'irrespect du domaine public", a-t-il résumé, le 8 mars, lors de la première présentation d'actions locales que l'Association des maires de France (AMF) veut promouvoir pour leur exemplarité. "En l'espace de dix-huit mois, les résultats sont suffisamment probants pour que nous puissions mettre en perspective cette initiative", a jugé le président de l'AMF, François Baroin, à cette occasion.
Adepte de la théorie de la "vitre cassée" qui veut que toute vitre brisée, si elle n'est pas remplacée, génère une impression d'abandon entraînant bien d'autres détériorations dans son sillage, l'édile s'est fait élire en 2014 en faisant de la lutte contre l'incivisme une "cause municipale". Et de Cannes, une sorte de laboratoire qui séduit aujourd'hui de nombreux élus : Paris, Tourcoing, Nice, Fontainebleau...

Répression et prévention

Il est vrai que son plan a la chance de pouvoir s'appuyer sur l'une des plus fortes polices municipales de France, avec 200 agents et 43 ASVP (agents de surveillance de la voie publique) auxquels s'ajoutent une centaine d'agents rattachés à la maîtrise de l'espace public (gardiens de square, gestion de stationnement, contrôle des terrasses, des foires et marchés…). Les missions de chacun ont été redéfinies pour une présence active et plus visible sur le terrain, les secteurs d'intervention simplifiés. Chaque jour, un secteur de la ville fait ainsi l'objet d'une attention spécifique. La ville a obtenu l'accord du procureur pour que onze agents puissent opérer en civil afin de faciliter les "flags", en particulier pour les décharges sauvages, dont les auteurs sont difficiles à appréhender.
Le plan passe aussi par des actions de prévention. Une campagne d'affichage massive a été lancée sur les panneaux de la ville, en cinq langues : français, anglais, italien, russe et arabe. Elle se traduit par des avertissements sur un ton qui se veut humoristique : "180 euros, ça fait cher la clope" ; "180 euros ça fait cher le soda" ; "180 euros ça fait cher l'envie pressante" ; "375 euros ça fait cher le bruit" ; "450 euros ça fait cher la commission" ; "375 euros ça fait cher la triche"… Les policiers municipaux spécialement formés animent dans le même temps des modules de sensibilisation dans les écoles.
La municipalité a mené une action spécifique contre les mégots en distribution de cendriers de poche sur les plages. "En France, on estime que 30 milliards de mégots sont jetés en dehors des dispositifs de collecte. S'ils ne sont pas ramassés, ces mégots sont emportés dans les eaux fluviales et se retrouvent à la mer", précise la ville, dans son dossier de presse.

Une sources d'économies importantes

Pour David Lisnard, au-delà de l'amélioration de la qualité de vie et de l'attractivité – enjeu majeur pour une ville touristique comme Cannes - le plan est aussi une source d'importantes économies. Alors que "les collectivités sont asphyxiées, voire pillées", il est l'occasion de "récupérer plusieurs millions d'euros" chaque année, assure-t-il. Et il semble que la théorie de la vitre brisée se confirme. En 2005, la ville dépensait 560.000 euros pour nettoyer 63.000 m2 de tags. Dix ans plus tard, 28.000 euros étaient nécessaires pour traiter 3.281 m2. La mairie n'hésite pas à recourir aux travaux d'intérêt général pour réparer les dégradations. 46 personnes ont ainsi été accueillies dans les services propreté, espaces verts, sports, culturels ou les services techniques en 2015. 4.700 heures ont ainsi été effectuées, ce qui correspond à "trois personnels pour une année de travail". Le coût d'enlèvement des déjections canines, lui, est passé de plus de 500.000 euros par an à 199.000 euros. Le maire, qui se refuse pour le moment à parler de succès de son plan, fixe l'objectif de 20.000 euros.
Concernant le nettoyage des fonds marins, 19.680 tonnes de déchets étaient collectées lors de la première campagne au cours de l'hiver 2011/2012, contre 4.500 tonnes au printemps 2015. Depuis avril 2014, 559 PV ont été dressés contre des véhicules trop bruyants.

Des "citoyens vigilants"

David Lisnard conseille aux élus de "mener le combat là où on a le pouvoir". "C'est le mythe de Sisyphe. En agissant tous azimuts, le rocher a tendance à être moins lourd", a-t-il commenté, insistant sur l'appropriation des habitants. Car contrairement aux apparences, Cannes est selon lui le lieu d'une "violence symbolique, avec beaucoup de riches mais aussi beaucoup de pauvreté". Le taux de pauvreté y est de 18%, soit 4 points de plus que la moyenne nationale, a-t-il indiqué. "Tout ce qui apporte du ciment social est important." Après le 13 novembre, la municipalité s'est ainsi lancée dans le dispositif de "citoyens vigilants", dans le prolongement du dispositif plus connu de "voisins vigilants". "Il y avait une telle volonté des individus de faire quelque chose qu'on a lancé les [citoyens] vigilants, autour des établissements scolaires." Après une sélection et une formation, leur rôle est d'observer les entrées et sorties des établissements et de repérer les comportements suspects. Un dispositif qui n'est pas sans rappeler celui que le maire de Béziers avait voulu mettre en place mais qui a été suspendu par le juge administratif (voir ci-contre notre article du 20 janvier 2016).
Dans la même idée d'associer les habitants, la ville organise avec des bénévoles chaque année une grande campagne de nettoyage des ports et des fonds marins. "C'est à la société civile de prendre le pouvoir", se félicite le maire.
Sur la base de cette expérience, l'AMF devrait travailler à l'élaboration "d'un kit mains libres pour adapter à la taille des communes ce modèle cannois", a expliqué François Baroin.

 

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