Canicules, sécheresses, inondations : à quoi se préparer dans une France plus chaude de 4°C
Quels que soient ses efforts, la France connaîtra en 2030 un climat environ 2°C plus chaud qu'au XIXe siècle, voire 4°C d'ici 2100 si le monde n'accélère pas la sortie des énergies fossiles confirme Météo France qui a publié ce 20 mars la deuxième partie de son rapport décrivant le futur climatique de l’Hexagone et de la Corse.

© Météo France
Météo France avait déjà décrit en décembre l'évolution des températures et des pluies attendues en métropole et en Corse au cours du siècle (lire notre article). L'observatoire a publié ce 20 mars une deuxième partie de ce rapport, détaillant les nouveaux records de chaleurs, de pluies ou de sécheresses désormais possibles, synonymes de catastrophes humaines, écologiques et matérielles à anticiper.
Trajectoire de référence
Ces travaux se fondent sur une "trajectoire de réchauffement de référence pour l'adaptation au changement climatique" (Tracc), un scénario établi par Météo France et retenu par le gouvernement. Selon cette Tracc, toutes les politiques publiques doivent intégrer la perspective que le climat métropolitain se réchauffe, par rapport à l'époque préindustrielle. Ces niveaux de réchauffement se traduiraient par une hausse des températures moyennes de 2°C en 2030 (environ 1,7°C aujourd'hui), de 2,7°C en 2050 et de 4°C en 2100. Cette projection à +4°C correspond à l'évolution réelle du climat en France si celui de la planète augmentait de 3°C au cours du siècle, ce qui est à peu près la trajectoire actuelle.
Des épisodes extrêmes plus sévères
Ce que met en exergue Météo France dans deuxième partie de son rapport est que, au-delà des évolutions moyennes, la variabilité interannuelle, c’est-à-dire les différences d’une année à l’autre, se maintiendra, voire se renforcera. "En d’autres termes, si les valeurs moyennes du futur peuvent ressembler parfois aux valeurs extrêmes d’aujourd’hui, les ‘records’ de demain seront bien plus sévères", souligne l’organisme. En matière de température, l’année record 2022, la plus chaude à ce jour, deviendra à l’horizon 2100 une référence "exceptionnellement fraîche" tandis que des années plus chaudes de 2°C à 3°C en moyenne sont attendues.
Les extrêmes s’annoncent aussi plus sévères. La durée et l'intensité des jours d'extrêmes chaleurs, au-dessus de 35°C risque ainsi de s’accentuer. Atteindre ce niveau à l'échelle nationale arrivait une année sur deux à la fin du XXe siècle. En 2030, elle sera dépassée 1 à 5 jours par an, et 8 jours en 2100. Localement, les régions méditerranéennes connaîtront alors jusqu'à 30 ou 40 jours au-dessus de ce seuil chaque année.
Les nuits chaudes (plus de 20°C) vont aussi fortement augmenter : sur le littoral méditerranéen, elles représenteront jusqu'à un tiers de l'année (100 à 120 jours) en 2100. Soit plus du double de ce que vivent les Marseillais de nos jours et qui deviendrait la routine des Parisiens.
En moyenne, le seuil des 40°C, "extrêmement rare au XXe siècle", serait atteint tous les ans autour de 2100, tandis que des records locaux à 50°C "sont possibles dès l'horizon 2050" et "probables" à la fin du siècle lors des canicules les plus intenses, avance Météo France.
Le nombre de jours de vagues de chaleur est multiplié par 7 à 12 par rapport au climat des années 90 et encore par 3 par rapport au niveau de réchauffement France à +2°C correspondant au climat actuel. Les canicules, que l’on a connues jusqu’alors de fin juin à fin août, pourront survenir dès la mi-mai et jusqu'à fin septembre et durer jusqu’à 2 mois en continu.
À l'inverse, les jours de gel se réduisent à une quinzaine au tournant du siècle, contre 43 jours au cours de la période 1976-2005. Dans les régions littorales et le sud du pays, les gelées deviennent rares (quelques jours par an) mais le danger reste important car elles risquent de se produire sur des plantes ayant bourgeonné plus tôt.
Risques liés aux forts cumuls de précipitations sur une seule journée
Les autorités doivent anticiper le danger d'inondations causées par de très forts cumuls de précipitations sur une seule journée. Dans une France plus chaude de 4°C, les maximums annuels sur 24 heures augmentent partout, "de 15% en général et jusqu'à 30%". La moitié nord et les régions méditerranéennes sont les plus concernées, avec des hausses atteignant +20% en général et beaucoup plus dans certaines simulations qui prévoient aussi davantage de pluies intenses sur les régions méditerranéennes.
"Les hivers humides dominent, avec des cumuls qui dépassent largement les records annuels", nécessitant de se préparer à plus de risques d'inondations. Et "les étés secs prédominent", estiment les prévisionnistes, ce qui pèsera sur l'agriculture ou la production d'électricité (nucléaire ou barrages).
Sécheresses plus fréquentes
La sécheresse que l’on a connue en 2022 deviendra "fréquente en été". Même s'il tombe plus de pluies, le déséquilibre hiver/été et l'évapotranspiration accrue de la végétation sous la chaleur promettent de sévères épisodes arides. "Le nombre de jours de sol sec augmente de 1 mois dans la moitié nord et jusqu'à 2 mois dans la moitié sud" dans une France à +4°C, prévoit le rapport. "Les sécheresses deviennent fréquentes en été et en automne" et "peuvent s'étaler sur plusieurs années consécutives", comme cela est déjà le cas dans le Roussillon. La sécheresse exceptionnelle de 2022, où la quasi-totalité des départements étaient en crise, deviendra un phénomène "fréquent en été".
Feux de forêt appelés à gagner du terrain
Le risque de feux de forêts est appelé à se généraliser. En 2022 déjà, 90 départements de l’Hexagone ont été concernés par au moins un feu significatif, rappelle le rapport. Avec l’augmentation de la température, qui accentue la sécheresse de la végétation, les incendies déjà fréquents dans le sud gagneront du terrain, avec un risque élevé qui s’étendra régulièrement à tout le territoire. Ainsi certaines régions de la moitié nord (régions de la Loire au Bassin parisien) connaîtront un risque de feu élevé selon des fréquences rencontrées à ce jour sur l’arrière-pays méditerranéen. Quant aux régions méditerranéennes, le nombre de jours de risque élevé sera multiplié par deux. La saison de risque élevé ou modéré de feux s’allongera de 1 à 2 mois dans certaines régions, prévoit aussi Météo France.
De moins en moins de neige en montagne
Les prévisions sont aussi très pessimistes pour l’enneigement, essentiel en montagne pour alimenter les rivières en été, l'hydroélectricité, maintenir le pastoralisme et répondre aux besoins des stations de sports d'hiver. Le nombre de jours de neige au sol en hiver se réduit fortement sur tous les massifs, de 1 à 2 mois en moyenne aux altitudes les plus hautes, et de 2 à 3 mois en moyenne aux altitudes moyennes et basses. En moyenne montagne, la présence de la neige au sol se réduit progressivement à la période du cœur de l’hiver (mi-janvier à mi-mars) et la saison d’enneigement continu devient en moyenne inférieure à 2 mois.