Budget pluriannuel et plan de relance européens : étape décisive , mais l'arrivée est encore loin
Le Conseil européen se réunira le 19 juin prochain pour examiner la nouvelle proposition de budget pluriannuel 2021-207 de la Commission, accompagné de son plan de relance. Auditionnée par le Sénat, la secrétaire d'État aux affaires européennes a développé les principaux points de négociation et fait part des priorités françaises. Le temps presse. Amélie de Montchalin a d'ailleurs invité les régions à préparer le sprint sans attendre.
Si la réunion du Conseil européen sur le cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 et le plan de relance Next Generation EU (voir notre article) de ce vendredi 19 juin n'a pas des allures de Champs-Élysées, elle constituera néanmoins une étape de montagne particulièrement décisive, contre-la-montre qui plus est. Au cours de son audition par la commission des affaires européennes du Sénat, ce 11 juin, la secrétaire d’État aux affaires européennes a d'ailleurs rappelé l’évidence : "Le plan de relance doit être disponible pour la relance !"
"Moment hamiltonien" ?
La négociation "va être "difficile", a-t-elle confirmé sans surprendre – et ce même si le plan de relance présenté par la Commission a "fondamentalement modifié les équilibres entre les États membres", en isolant "les États les plus durs, les frugaux" (Autriche, Pays-Bas, Suède, Danemark), qui ne formeraient en outre "pas un bloc uni". Il est donc encore trop tôt pour savoir s'il s'agit d’un "moment hamiltonien" – évoqué par les président et vice-président de la commission sénatoriale des affaires étrangères dans leur proposition de résolution européenne devant être adoptée ce 16 juin par la commission des finances –, a indiqué Amélie de Montchalin. Qui n'en a pas moins insisté sur l’importance "historique" de la proposition d’emprunt européen, qui aurait encore été considéré il y a trois mois comme un "tabou", "irresponsable" et "contraire aux traités".
Principaux enjeux
La secrétaire d'État a récapitulé les principaux points de négociation :
• l'architecture et le montant du plan de relance, prévenant que "la pression sera forte pour baisser le niveau, rehausser la part des prêts et instaurer des conditionnalités très fortes si des éventuels transferts budgétaires" étaient actés ;
• la répartition des moyens dans les programmes du budget ;
• la part des ressources propres de l'Union et le devenir des rabais – compensations dont bénéficient l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas et la Suède que les sénateurs Bizet et Sutour entendent voir disparaître "dès l'entrée en vigueur du prochain CFP" – qui seront un "élément important du compromis à trouver".
Le tout en veillant à "ne pas avoir un beau plan de relance et un budget pluriannuel amoindri", ce qui reviendrait à "privilégier le court terme et fragiliser le long terme". Une position partagée par les sénateurs, qui rappellent dans leur résolution que "le caractère novateur de l’instrument de relance ne doit pas conduire à négliger les négociations relatives au CFP "socle" pour les années 2021 à 2027".
Les points non négociables pour la France
Amélie de Montchalin a également tracé les lignes rouges que la France n'entend pas voir franchies :
• le paquet de 500 milliards de subventions ;
• le maintien du financement par la dette, les modalités de remboursement devant intégrer les ressources propres – un point jugé "fondamental" – pour alléger la part qui relèvera de la contribution nationale, rejoignant les préoccupations sénatoriales. La secrétaire d'État rappelant ici la proposition de la Commission : remboursement des intérêts de l'emprunt d'ici 2027 et remboursement du principal à partir de 2028, sur une période très longue, jusqu'en 2058 ;
•??????? la politique agricole commune (PAC). Objectif : défendre les résultats jusqu'ici obtenus, à savoir une augmentation "en euros courants par rapport au précédent CFP 2014-2020 de 4% – 3% pour les paiements directs, 6% pour le Feader, et 5% pour la France". "Pas un scénario de baisse", s'est félicitée la ministre, sans convaincre des sénateurs "qui n'ont pas tout à fait la même calculette", selon les mots du président Bizet. Si ce dernier reconnaît que "l'augmentation des crédits de la PAC, et singulièrement la revalorisation du premier pilier, […] va indéniablement dans le bon sens", il déplore dans sa résolution "une baisse significative en euros constants par rapport" au précédent CFP ;
•??????? le fonds européen de défense, la France souhaitant que ce dernier dispose d' "un montant à deux chiffres", entendre au moins 10 milliards d'euros ;
•??????? et le calendrier, "élément crucial" : "l'accord doit être trouvé en juillet", la ministre évoquant ici une "obligation de résultat".
Amélie de Montchalin a également évoqué le budget dédié à la politique spatiale ou celui d'Iter, pour lequel il "manque 400 millions d'euros". Elle a surtout rappelé que la France plaide fortement pour la prolongation en 2021 de la "suspension du pacte de stabilité".
Pas de "retard à l'allumage" pour les régions
Au cours de l'audition, Amélie de Montchalin a également indiqué que la gestion des fonds du nouvel instrument de cohésion React UE (55 milliards d'euros pour l'heure) passerait en France "par le canal des régions". Et de profiter de l'occasion pour rappeler à ces dernières "sa marotte" – "simplifier la capacité d'accéder aux fonds dès les premières années du CFP" – et les inviter à la réactivité : "Nous avons toujours un petit retard à l'allumage, les deux à trois ans habituels où nous mettons toujours un peu de temps à comprendre comment les choses fonctionnent." Un retard qui serait cette fois inacceptable compte tenu de l'urgence. Évoquant par ailleurs le contenu du plan de relance – 30 milliards pour Invest EU, 15 milliards pour le second pilier de la PAC, 30 milliards pour le fonds de transition juste… – elle a indiqué qu'elle serait attentive aux critères d'attribution de ce dernier : "Si on garde les critères initiaux, seuls deux départements français seraient éligibles", a-t-elle souligné, tout en invitant par ailleurs à "arrêter les logiques de boutiquier".