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Brexit : vers un big bang des règles d’urbanisme pour permettre la réalisation des infrastructures de contrôles frontaliers

C’est avec une relative discrétion que le ministère de la Transition écologique a ouvert à la consultation publique un projet d’ordonnance et de décret "portant diverses mesures dérogatoires pour la réalisation des aménagements urgents nécessaires au rétablissement des contrôles à la frontière en vue de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne".  
Un jeu de chamboule-tout pris en application du projet de loi habilitant le gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation aux conséquences du Brexit, censé revenir devant le Sénat ce 17 janvier, suite à la réunion de la commission mixte paritaire. Et pour cause : tout l’arsenal législatif encadrant la construction et l’aménagement - urbanisme, environnement, commande publique, patrimoine, etc. - devrait en faire les frais, a fortiori en cas de sortie sèche au 30 mars 2019. L’hypothèse d’un "Brexit dur", sans accord et donc sans période de transition, précipiterait d’autant le besoin d’infrastructures pour s'adapter à la nouvelle donne. Or, rien n’a été anticipé ou presque. Le retrait du Royaume-Uni entraînera un rétablissement des contrôles vétérinaires, phytosanitaires et de sûreté ainsi que des formalités douanières. 

Table rase 

Des parkings, hangars, bâtiments doivent donc être mis en place de toute urgence pour accueillir de nouveaux contrôles des personnes et gérer les flux des marchandises. Dans le Calaisis, il est par exemple question d’aménager une zone de plus de quarante-cinq hectares, dans laquelle aura lieu le contrôle du trafic des camions. Il s'agira d'une sorte de nouvelle douane qui va s'installer à quinze kilomètres des côtes. Pour le seul port de Dunkerque, les investissements à réaliser sont évalués à 25 millions d’euros. 
La consultation organisée en catimini, jusqu’au 16 janvier, s’est muée en diatribe dirigée contre le régime dérogatoire prévu par ces deux projets de texte pour permettre une mise à niveau rapide des aménagements et infrastructures routières, portuaires, ferroviaires, mais également dans une moindre mesure, aéroportuaires, rendus nécessaires par le Brexit. Ces adaptations couvrent un vaste champ du droit, dont le ministère fournit un vague aperçu : "Règles d’urbanisme, de préservation du patrimoine, de voirie et de transports, de commande publique, de participation du public et d’environnement et de contrôles sanitaires et phytosanitaires déportés." "Le cumul des procédures et des passages dans différentes instances conduirait à un délai d'instruction avant le démarrage des travaux qui ne permettra pas d’agir rapidement pour réaliser les aménagements nécessaires pour atténuer de façon satisfaisante les effets liés à un retrait sans accord du Royaume-Uni de l'Union européenne", justifie l’étude d’impact accompagnant le projet de loi. 

Du provisoire qui pourrait durer

Face à l’urgence des travaux, le gouvernement oppose ainsi à la sédimentation des procédures multiples, "des procédures simplifiées et temporaires", de façon à "accélérer l’examen des dossiers et l’attribution des autorisations nécessaires". À commencer, par la mise en place d’un "régime d’autorisation ad hoc", en lieu et place de l’autorisation environnementale prévue aux articles L. 181-1 et suivants du code de l’environnement, dont seuls les sites naturels classés seront exclus. 
Le caractère temporaire de ces aménagements - associés à une  "durée maximale de deux ans - est par ailleurs mis en avant pour les dispenser de toute formalité au titre du code de l’urbanisme.  À l’issue de leur période d’utilisation - et au plus tard à l’expiration d’une durée de deux ans -, les lieux les ayant accueillis devront ainsi être "remis en état" ou régularisés "dans les conditions de droit commun prévues par le code de l’urbanisme", c’est-à-dire une fois absorbé le choc du Brexit. En clair, si l’habilitation est temporaire, les mesures prises pourraient quant à elles produire des effets pérennes.  

 

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