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Brexit : une ordonnance ouvre le bal des dérogations

La première ordonnance - et son décret d’application - prise sur le fondement de la loi n° 2019-30 du 19 janvier 2019 habilitant le gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne est parue au Journal officiel ce 24 janvier. L’hypothèse - de plus en plus probable - d’un "Brexit dur", sans accord, précipite le besoin d’infrastructures (parkings, hangars, bâtiments...) nécessaires au rétablissement des contrôles frontaliers au niveau des points de passages entre les deux pays que sont les ports et le Tunnel sous la Manche. 
Les gestionnaires d’infrastructures sont donc invités par l'Etat à lancer "sans tarder les travaux de toute première urgence" pour que ces contrôles - de passagers et de marchandises - soient opérationnels le 30 mars prochain, date de sortie théorique du Royaume-Uni.
Pour assurer que ces équipements soient prêts à l’échéance, "des adaptations et dérogations sont nécessaires en matière de règles applicables aux ports maritimes, d'aménagement, d'urbanisme, de préservation du patrimoine, de voirie et de transports, de commande publique, de participation du public et d'environnement, ainsi que de contrôles sanitaires et phytosanitaires". C’est sur ces quelques mots d’explication que l’ordonnance organise un vaste régime dérogatoire bousculant au passage tout l’arsenal législatif encadrant la construction et l’aménagement. A travers des "procédures simplifiées et temporaires"  ("engagées jusqu'à la fin du sixième mois suivant la date du retrait du Royaume-Uni"), le gouvernement espère "accélérer l'examen des dossiers et l'attribution des autorisations" de façon à démarrer les travaux requis "au plus tôt".
Le caractère temporaire de ces aménagements - associés à une  "durée maximale de deux ans" - est également mis en avant pour les dispenser de toute formalité au titre du code de l’urbanisme. A l’issue de ce délai, les lieux seront "remis en l’état", "sauf à ce que l’implantation pérenne de ces réalisations soit autorisée dans les conditions de droit commun prévues par le code de l’urbanisme", précise l'ordonnance. Pour le Conseil national de l’ordre des architectes (CNOA) l’argument ne tient pas.  "La durée du Brexit n’étant pas limitée dans le temps, cette prétendue remise en l’état est totalement illusoire, les équipements réalisés seront toujours nécessaires dans deux ans. Les procédures ayant conduit à ces constructions seront donc  ‘régularisées’ a posteriori, à supposer qu’elles puissent l’être sur un plan juridique. Le gouvernement invente donc la demande de permis de construire déposée deux ans après la construction ! ", réagit-il vivement  dans un communiqué. Même ire exprimée par les contributeurs à la consultation publique ouverte par le ministère de la Transition écologique concernant la mise en place d’un "régime d’autorisation ad hoc", en lieu et place de l’autorisation environnementale.  Au point d'expliquer le rétropédalage du ministère sur ce point. La version finale de l’ordonnance ne mentionne plus cette "procédure ad hoc", tout en maintenant la suppression de l’enquête publique et en renvoyant au décret le soin de détailler  les nombreuses entorses à la procédure, marquée notamment par une réduction drastique des délais d’instruction.

 
Références : ordonnance n° 2019-36 du 23 janvier 2019 portant diverses adaptations et dérogations temporaires nécessaires à la réalisation en urgence des travaux requis par le rétablissement des contrôles à la frontière avec le Royaume-Uni en raison du retrait de cet Etat de l'Union européenne, JO du 24 janvier 2019, texte n°2 ; décret n° 2019-37 du 23 janvier 2019 pris pour l'application de l'ordonnance portant diverses adaptations et dérogations temporaires nécessaires à la réalisation en urgence des travaux requis par le rétablissement des contrôles à la frontière avec le Royaume-Uni en raison du retrait de cet Etat de l'Union européenne, JO du 24 janvier 2019, texte n° 3.