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Bretagne : la justice ordonne à l'État de renforcer la lutte contre les marées vertes

Dans un jugement rendu ce 4 juin, le tribunal administratif de Rennes, saisi par l'association Eau et Rivières de Bretagne, a enjoint au préfet de Bretagne de prendre, dans un délai de quatre mois, de nouvelles mesures réglementaires afin de lutter contre le phénomène des marées vertes.

Par un jugement rendu ce 4 juin, le tribunal administratif de Rennes enjoint à l’État de renforcer le sixième programme d’actions régional (PAR) de lutte contre la pollution des eaux par les nitrates, à l'origine du phénomène des marées vertes. Présentes en mer à l'état naturel, les algues vertes prolifèrent depuis des années dans les baies bretonnes, où elles sont nourries par des apports de nitrates épandus par les agriculteurs dans les champs et dont les excédents sont acheminés par les fleuves côtiers.

Directive Nitrates

Le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du préfet de la région Bretagne qui n’avait pas donné suite à la demande que l’association Eaux et Rivières de Bretagne lui avait présentée pour rendre plus efficace le sixième PAR de lutte contre la pollution des eaux par les nitrates résultant de son arrêté du 2 août 2018. "Il incombe en effet à l’État, conformément à la directive européenne Nitrates du 12 décembre 1991 de mettre en œuvre des mesures de protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole, ce qu’il fait dans le cadre du code de l’environnement par la définition et la mise en œuvre de programmes d’actions dans les zones classées vulnérables, ce qui est notamment le cas de la Bretagne dans sa totalité", a rappelé le tribunal. 
Dans son jugement, celui-ci a estimé qu'un "renforcement des actions mises en oeuvre demeure nécessaire afin de restaurer durablement la qualité de l'eau en Bretagne" et de "prévenir au maximum le phénomène des marées vertes". "Le préfet de Bretagne admet lui-même, en défense, que malgré des résultats positifs en termes de qualité de l'eau, celle-ci reste dégradée dans certains territoires", pointe la juridiction, qui rappelle qu'en 2018, seule la moitié des bassins versants avaient atteint les objectifs "de bon état des baies".

"Mesures réglementaires contraignantes"

Le tribunal enjoint donc au préfet de prendre des mesures de "maîtrise de la fertilisation azotée et de gestion adaptée des terres agricoles" en amont des plages où prolifèrent les algues vertes. En outre, il demande également la "définition précise d'un mécanisme de mise en oeuvre de mesures réglementaires contraignantes" en cas d'échec des mesures encouragées par le plan de lutte contre les algues vertes.  Ces mesures doivent être prises dans un délai de quatre mois à compter de sa notification à la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili. 
"C'est une victoire historique", a réagi Alain Bonnec, président d'Eau et Rivières de Bretagne, cité dans un communiqué de presse. "Mais que de temps perdu ! Que de millions d'euros des plans algues vertes investis en pure perte faute d'une réglementation suffisante ! " "Nous attendons maintenant du préfet qu'il prenne des mesures plus contraignantes et plus protectrices de la ressource en eau", a indiqué Alain Bonnec. Eau et Rivières de Bretagne, a lancé une nouvelle campagne contre les marées vertes en mai dernier et organisé ce 5 juin une manifestation sur ce thème à Lorient.

  • Lutte contre les algues vertes : des avancées "très largement insuffisantes", selon un rapport du Sénat
Dans un rapport sur l'efficacité des moyens de lutte contre les marées vertes sur la côte bretonne publié le 26 mai dernier, Bernard Delcros, vice-président de la commission des finances du Sénat, dresse un constat accablant à l'encontre de la politique financée par l’État qui mobilise aujourd'hui 7 millions d’euros par an, majoritairement dans le cadre du plan de lutte contre les algues vertes (PLAV) 2017-2021 auquel participent aussi le conseil régional de Bretagne, l’agence de l’eau Loire-Bretagne, les conseils départementaux du Finistère et des Côtes-d’Armor, ainsi que des communes et intercommunalités.
La contribution financière de l'État s'effectue par le biais d’un programme d’interventions territoriales (PITE). "Ce type d’outil budgétaire garantit la cohérence de l’action de l’État du point de vue budgétaire et offre aux gestionnaires sur le terrain une visibilité et une souplesse appréciables, observe le sénateur centriste du Cantal. En revanche, les avancées obtenues au terme de 20 ans d’actions mises en œuvre, bien que réelles, demeurent très largement insuffisantes. Les résultats ne sont pas à la hauteur des enjeux : les taux de nitrates dans les eaux bretonnes, responsables de la prolifération des algues, ont certes baissé mais restent encore nettement supérieurs aux objectifs." Selon la commission des finances qui cite des données du centre d'étude et de valorisation des algues (Ceva), 51.000 tonnes d'algues vertes ont été ramassées en 2019 (contre 29.000 tonnes en 2018 et 51.000 tonnes en 2017) et le taux de nitrates s'élevait en 2019 à 0,4 mg/L.
Bernard Delcros souligne "la nécessité d'une ambition plus forte" et estime que "le plan quinquennal de lutte contre les algues vertes doit être amélioré et renforcé". "Ses financements ne sont pas assez ciblés sur les incitations au développement de pratiques agricoles vertueuses", observe le sénateur qui juge "indispensable de mettre en place un plan de troisième génération plus ambitieux, pour mieux accompagner les agriculteurs vers cette nécessaire transition et impliquer la filière agroalimentaire".
S'il reconnaît que les actions de volontariat ont permis "d'enclencher une dynamique positive", il propose qu'une "réglementation adaptée aux baies 'algues vertes'" permette "d'accompagner les agriculteurs non volontaires à modifier leurs pratiques".
Face à ce "combat de long terme", Bernard Delcros formule 23 propositions autour de quatre axes qui visent notamment une "refonte de l'organisation du plan de lutte contre les algues vertes", une "clarification de l'architecture du financement", le "ciblage des projets financés", et la mise en place de "nouveaux outils d'évaluation et de suivi".

 

 

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