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Financement des entreprises - BPI : les régions engagent le bras de fer

Le projet de loi sur la création de la Banque publique d'investissement qui entamait son examen à l'Assemblée ce mercredi n'est pas à la hauteur des engagements pris par l'Etat le 12 septembre, dénonce l'ARF. Les régions menacent de se retirer des plateformes d'accueil des entreprises si elles ne peuvent pas suivre les dossiers d'investissements.

L'examen du projet de loi sur la création de la Banque publique d'investissement s'est ouvert ce mercredi soir alors que de nombreuses questions se font jour, en particulier sur la place des régions. Ces dernières estiment que l'accord passé le 12 septembre avec l'Etat n'est plus respecté. Entre-temps, l'administration centrale aurait bataillé pour réduire leur influence dans le dispositif.
Cet accord prévoyait notamment que les régions puissent présider le comité régional d'orientation de la future banque ainsi que le comité d'engagement régional pour les activités de fonds propres, à condition pour elles de s'impliquer dans la création d'une plateforme commune d'accueil des entreprises. Deux points aujourd'hui remis en cause. "Bercy fait comme si nous étions soit des analphabètes soit des clientélistes", s'est insurgé le président de la région Ile-de-France, Jean-Paul Huchon, mercredi, au cours d'une conférence de presse organisée par l'Association des régions de France (ARF). Le ministre de l'Economie s'était montré catégorique sur ce point la semaine dernière devant la commission des finances de l'Assemblée : hors de question pour les régions de statuer sur les dossiers d'investissements. Mais les régions ne s'en laissent pas conter et entendent faire pression pour remodeler le texte en leur faveur. "Les engagements signés avec le Premier ministre sous l'autorité du président de la République nous semblent reniés, parfois remis en cause", a affirmé Alain Rousset, le président de l'ARF pour qui "la régionalisation de la BPI est une condition indispensable de son succès". Plusieurs amendements ont été déposés en ce sens.

Présider le comité d'engagement

Les régions réclament tout d'abord trois administrateurs sur les quinze au sein du conseil d'administration, de même qu'elles ont déjà obtenu, lors du passage en commission, un représentant de plus dans le comité national d'orientation (trois au lieu de deux initialement). Elles revendiquent également la présidence des comités régionaux d'orientation qui leur a été enlevée en commission. Un amendement a en effet introduit une désignation du président par décret. "Ce point n'est pas acceptable", tranche l'ARF. Certes les régions ont obtenu en contrepartie d'avoir deux représentants de plus au sein de ces comités (soit désormais quatre), mais leur composition est fixée de façon trop précise, estiment-elles (voir notre article du 23 novembre 2102). "Comment édicter à la personne près la composition des CRO ? Certaines organisations doivent être plus ou moins impliquées selon les régions", a demandé Alain Rousset, appelant à "plus de souplesse".
Reste le plus délicat : la présidence du comité d'engagement régional pour les fonds propres. "Cela ne veut pas dire que l'on aura tout pouvoir", tempère tout de suite Alain Rousset. "Les régions ont presque toutes pris l'initiative de créer des plateformes de suivi des dossiers […] L'Ile-de-France accompagne déjà 14.000 entreprises par an, Rhône-Alpes 3.500 [...]. Tous nos dispositifs de fonds propres sont en bonne santé", a-t-il argumenté. "Notre stratégie n'est pas d'accompagner des canards boiteux mais d'anticiper les mutations économiques", a poursuivi le président d'Aquitaine. Au pied du mur, les régions n'hésitent pas à engager le bras de fer avec Bercy : les régions auront "la tentation légitime de dire : "Vous ne voulez pas de nous ? […] Il n'y aura pas de plateforme unique", a prévenu Jean-Paul Huchon.

Points de vigilance

En dehors de la place des régions, le projet fait naître d'autres incertitudes. Auditionné par les commission des affaires économiques et du développement durable du Sénat, mercredi, le directeur général de la Caisse des Dépôts, Jean-Pierre Jouyet, a mentionné des "points de vigilance" : "des impacts sociaux très importants", avec la question du transfert des personnels, et "l'équilibre entre l'Etat et la Caisse des Dépôts au sein du conseil d'administration". "Il doit y avoir un équilibre actionnarial absolu entre l'Etat et la CDC", a-t-il insisté. "Le schéma 50/50 n'est pas la formule idéale, ce n'est pas le mode de fonctionnement le plus facile, mais l'Etat et la Caisse des Dépôts ont déjà l'expérience du pilotage du FSI à 51%/49%. En trois ans, plus de 60 investissements ont été réalisés sans jamais un cas de désaccord ou de blocage", a souligné Antoine Gosset-Grainville, son directeur général adjoint.