Petites villes de demain : miser sur la visibilité numérique pour développer l’attractivité du territoire

À l’ère du digital, la visibilité numérique des petites villes est devenue un enjeu majeur pour renforcer leur attractivité. Que ce soit pour attirer de nouveaux habitants, séduire des investisseurs ou dynamiser le tourisme, soigner son image numérique peut se révéler un véritable levier de redynamisation. Pourtant, il existe des communes qui peinent à exploiter cet atout stratégique.  

Comment améliorer la présence numérique des petites villes ? Quels outils et bonnes pratiques permettent de valoriser efficacement les territoires en ligne ? Décryptage des clés d’une stratégie numérique réussie.

L’intérêt d’une visibilité maîtrisée : un levier d’attractivité pour les petites villes

Tandis que le programme Petites villes de demain entre pleinement dans sa phase de réalisation et de déploiement des actions, un nouvel enjeu émerge : celui de la visibilité de ces mutations et des opportunités qu’elles génèrent

Il devient en effet nécessaire de faire évoluer l’image des Petites villes pour faire connaître les projets qu’elles engagent et les transformations qu’elles opèrent. Sans quoi, difficile pour elles d’être repérées par l’écosystème qui leur permettra de maintenir cette dynamique de transformation et de la faire prospérer : investisseurs potentiels, porteurs de projets, futurs visiteurs ou habitants… Parce que le changement n’existe que s’il est vu et (re)connu, l’image numérique prend désormais toute son importance en tant que moyen de repérage privilégié.

Toutes les communes ont une image numérique, qu’elles le veuillent ou non. Il faut en prendre conscience aujourd’hui pour bien mesurer l’effet levier potentiel de cet impact pour la réalisation des projets de territoire. Si l’on n’est pas attentif à la qualité de cette image, elle peut vite s’affadir, s’effacer, se dégrader.

Franck Chaigneau, Responsable du Service Programme Petites Villes de Demain chez la Banque des Territoires

Décrypter l’enjeu de la notoriété numérique des petites villes

Le Hub des Territoires du 17 décembre 2024 intitulé « Petites villes, soignez votre image numérique pour renforcer votre attractivité ! » a permis de mettre en lumière les enjeux de la maîtrise, par les communes, de leur notoriété numérique et de présenter des solutions pour valoriser leurs atouts.  

Lors de ce Hub, le décryptage des résultats de l’étude du cabinet Nouvelles Marges « Petits territoires et grande audience, l’attractivité des petites villes de France au prisme des 43 millions de consultations de leurs pages Wikipédia » a permis à Jean-Pierre Papin, son directeur associé, de souligner l’intérêt d’une notoriété numérique maîtrisée.

L’étude met notamment en évidence les principaux critères de notoriété que partagent les 30 petites villes de demain (PVD) les plus consultées sur la plateforme. La dominante touristique arrive ainsi en première position, concernant 80 % des PVD les plus consultées sur le site, suivie de l’effet médiatique qui joue un rôle important de « loupe » sur les territoires, créant périodiquement des « pics d’audience » aux impacts touristiques ou commerciaux très concrets.

À l’inverse, les PVD pâtissant d’une faible notoriété numérique se caractérisent souvent par :  

  • une fonction principalement résidentielle ;  
  • une localisation en banlieue ou en périphérie urbaine ;
  • un manque d'identité et de potentiel touristique, notamment avec une capacité hôtelière limitée ;  
  • un changement de nom, pour les communes nouvelles, dont le nouveau nom impacte négativement la qualité de recherche sur internet.

Une opportunité plus qu’une fatalité

Si être peu touristique implique d’être moins visible, « il y a d’autres solutions pour être visible qu’être touristique », rassure Jean-Pierre Papin.  

Et pour cause : même sans attrait touristique majeur, une petite ville peut améliorer son image numérique. De fait, 60 % des Français envisagent de s’installer dans une commune de taille réduite dans les années à venir, selon le dernier baromètre « Le regard des français sur les petites villes en 2024» de l’ANCT et la Banque des Territoires.  

L’importance de l’image territoriale, si elle n’est pas nouvelle, se trouve désormais démultipliée par le prisme médiatique. Mais les Petites villes de demain, qui disposent toutes d’une page Wikipédia, y sont naturellement plus « cherchées » que les autres (43 millions de consultations sur la plateforme) car moins connues.  

Wikipédia, 2e site internet le plus visité au monde après les réseaux sociaux, constitue souvent le premier point d’entrée pour obtenir de l’information sur ces localités. Il y a donc un enjeu à piloter et enrichir le contenu de ces espaces pour faire « bonne impression ».

Ensuite, soigner son image permet d’alimenter avantageusement les moteurs de recherche – grâce à une stratégie de communication adaptée, et via une iconographie de qualité. C’est le conseil de Kossa Camara, responsable du Service Communication de Lectoure (Gers) qui a lancé, en 2024, un concours pour constituer une banque d’images qualitative à moindre coût.

Un territoire numérique à inventer

Capitaliser sur sa visibilité médiatique, c’est aussi, comme évoqué par Jean-Pierre Papin, « rendre accessibles les centre-bourgs sur écrans ». Par exemple via différentes formes de déambulations numériques ou de mises en scène sur internet.  

Au-delà du territoire physique, les communes ont en effet à inventer leur territoire numérique. Et pour les y aider, des solutions inspirantes existent et sont déjà déployées dans certaines PVD : la Ville de Lauzerte (Tarn-et-Garonne) a ainsi créé des parcours ludiques sur-mesure à destination de ses visiteurs et habitants via l’application Baludik.

Sandy Communal, guide conférencière et animatrice au sein de la collectivité, témoigne de leurs impacts positifs sur la fréquentation de la cité médiévale, la fidélisation des visiteurs mais aussi la fierté des habitants : « l’attractivité externe entretient ici un lien fort avec le sentiment d’implication, en interne ».  

Comment renforcer la visibilité numérique des petites villes ?

Opter pour des initiatives à bas coût et à fort impact

Faire bien avec peu pour améliorer la notoriété numérique (et donc l’attractivité) d’une Petite ville : c’est possible. Et les retours d'expériences et exemples concrets ne manquent pas pour le prouver. En effet, plusieurs initiatives peu onéreuses, voire totalement gratuites pour les collectivités, ont été réalisées, avec des résultats dépassants souvent les espérances.  

Pierre Chivard, Maire de Carrouges (Orne), et Anne-Laure Lagadic, cheffe de projet PVD, expliquent comment ils avaient capitalisé sur la visibilité procurée par la sortie du film de Ridley Scott « Le Dernier Duel » (dont l’intrigue se déroule à Carrouges, sans qu’aucune scène n’y soit pourtant filmée), en misant sur une animation culturelle locale de qualité. Résultat : cette initiative a permis de renforcer l’attractivité touristique et la notoriété du territoire.

Batz-sur-Mer (Loire-Atlantique), coincée entre deux pôles touristiques de renommée mondiale, a misé quant à elle sur une communication originale et faite maison pour booster sa visibilité. Après une première campagne lancée en 2020 au succès local, la commune a rapidement créé le buzz à l’échelle nationale en 2021, sous l’impulsion de son directeur de la communication Frédéric Sauton. La tonalité décalée et positive de la campagne a rapidement conquis les réseaux sociaux, cumulant plusieurs centaines de milliers de partages.  

Un succès qui ne s’est pas démenti par la suite. En 2024, les équipes municipales ont décidé de faire appel à Pietro Cataudella (aussi connu sous le nom de Citylivesketch), artiste italien de renommée internationale, pour se réinventer à bas coût sur les mêmes critères. L’objectif ? Créer un imaginaire positif autour de la commune, permettant à la fois d’attirer les nouveaux publics et de renforcer le sentiment d’appartenance des locaux.

Quelques visuels créés par l’artiste @Citylivesketch pour la Ville de Batz-sur-Mer, © Ville de Batz-sur-Mer

Créer et entretenir des interactions avec certains influenceurs ou personnalités publiques peut aussi être un outil très efficace pour « booster » la visibilité du territoire – parfois, gratuitement :  

  • Carrouges a ainsi bénéficié d’une forte exposition grâce à la visite de l’influenceuse EnjoyPhoenix (5,7 M d’abonnés sur Instagram) dans son Château ;  
  • Lectoure a pu profiter de plusieurs coups de projecteur grâce au tournage d’un clip des artistes Bigflo et Oli (2,3 M d’abonnés sur Instagram) et à un reportage des Moustachus en Vadrouille (90 K abonnés sur Instagram).

Tous ces événements médiatiques font partie du développement de l’attractivité locale, et ont des retombées concrètes sur nos commerçants

Kossa Camara, Responsable du Service Communication de Lectoure

Exploiter le potentiel des réseaux sociaux

Facebook, Instagram, LinkedIn… La visibilité sur les réseaux sociaux est un levier incontournable pour améliorer l’attractivité d’une commune sans engager de grandes dépenses. L’usage de la ville de Lectoure en est un bel exemple.  

Initialement peu présente sur les réseaux sociaux, la ville a décidé de développer sa visibilité sur les réseaux sociaux en mettant l’accent sur son riche volet patrimonial. Pour aller plus loin, la ville a ensuite consulté ses abonnés afin de définir le contenu à privilégier sur ses différentes plateformes.  

La ville de Lectoure publie désormais des contenus réguliers, dynamiques et adaptés à chaque plateforme, avec une stratégie ciblée :  

  • constituer une photothèque qualitative pour alimenter les flux numériques ; 
  • créer des vidéos répondant aux tendances du moment en les diffusant sur les créneaux adaptés ;  
  • trouver, au sein de sa localité, un élément de différenciation positif sur lequel axer ses efforts.

Miser sur ses spécificités et ses atouts : une recette gagnante

Pour se démarquer efficacement, les collectivités doivent en effet identifier leurs marqueurs spécifiques et les développer, sur tous les supports numériques où elles sont visibles. En osant une communication originale et authentique – ce que le numérique permet de faire, parfois sans budget – elles peuvent espérer obtenir de bons résultats en matière de notoriété, de fidélisation touristique et d’adhésion locale.

Toutefois, il s’agit d’une dynamique à entretenir et à soigner à chaque étape : « Nous avons systématiquement testé nos campagnes de communication. La frontière est ténue entre le "bad buzz" et le "good buzz" », explique Frédéric Sauton, Directeur de la communication et de la promotion du territoire de Batz-sur-Mer.

Finalement, pour Jean-Pierre Papin et Franck Chaigneau, il s’agit d’axer le travail de communication sur la mise en récit du territoire et la fabrique d’« imaginaires localisés » sur des lieux existants. L'intérêt d’une telle démarche ? Accrocher l’imagination et faire naître le rêve. Tout en se voulant rassurants, ils expliquent : « Nous n’avons pas rencontré de ville qui n’ait pas sa spécificité, quelque chose de différenciant à raconter ».

Raconter son territoire pour mieux attirer…

L’authenticité et la cohérence d’une stratégie de communication sont essentielles pour éviter les bad buzz… Lors du Hub des Territoires, Jean-Pierre Papin et Franck Chaigneau ont insisté sur l’importance du récit territorial pour soigner l’image numérique des territoires, et ainsi renforcer l’attractivité des Petites villes ! Retrouvez l’intégralité de ces riches échanges en accédant au replay du webinaire ici.  

Expérimenter pour mieux innover : le soutien de la Banque des Territoires

Pour accompagner leurs démarches innovantes, la Banque des Territoires propose aux collectivités du programme Petites villes de demain, avec l’appui de partenaires locaux (régions, départements…), une offre de co-financements d’ingénierie permettant de calibrer et de tester des outils et services numériques innovants sans porter seules le coût de l’investissement initial. Une opportunité unique pour les territoires de concrétiser leurs ambitions et d’explorer de nouvelles approches avec un soutien financier adapté.

 

Franck Chaigneau

Responsable du Service Programme Petites Villes de Demain à la Banque des Territoires

Franck Chaigneau pilote le programme Petites villes de demain à la Banque Des Territoires depuis son lancement en 2020. Auparavant, il a consacré une quinzaine d’années à l’accompagnement du développement économique des territoires ruraux, d’abord au sein de Mairie-Conseils, puis du Service d’Ingénierie et d’Expertise Territoriale de la Banque Des Territoires. Avant cela, il a intégré la Caisse des dépôts pour travailler sur le financement des associations dédiées à la création d’entreprises, après avoir animé un réseau associatif soutenant les porteurs de projets entrepreneuriaux. Géographe de formation, spécialisé en aménagement et urbanisme, il a débuté sa carrière par des missions d’urbanisme en collectivité.

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