Les Hauts-de-France mettent les pleins phares sur l’avenir de leur filière automobile
Avec plus de 56 000 salariés, les Hauts-de-France constituent la première région automobile du pays. Face à la « révolution électrique », les constructeurs et les sous-traitants de l’Association régionale de l’industrie automobile (ARIA) étaient en demande d’une feuille de route prospective. La Banque des Territoires et le Conseil régional ont cofinancé une étude qui éclaire à la fois sur les enjeux, les forces et faiblesses, les opportunités, tant au plan régional qu’international.
L’exercice prospectif présente plusieurs avantages. Il fédère les parties-prenantes sur les contours possibles du proche avenir ; il aide à orienter les choix d’investissement et de recrutement ; il contribue à préserver l’emploi. Rendue publique début 2022, l’étude conduite par KPMG pour l’ARIA Hauts-de-France réunit l’ensemble de ces atouts (voir l’encadré).
« Cette étude d’ingénierie territoriale fait partie des instruments que nous finançons pour des collectivités et des filières industrielles, déclare Anthony Barbier, directeur-adjoint Hauts-de-France de la Banque des Territoires. Elle produit une connaissance partagée et favorise de nouvelles synergies et opportunités. Elle permet aussi de mieux faire connaître les interventions de la Banque des Territoires sur toute la chaine industrielle : de la réflexion des collectivités à la concrétisation des projets, que ce soit par les financements du foncier (pour la création, l’extensions d’usines ou la reconversion de friches industrielles) et de centres de formation spécialisées (comme les écoles de production), l’investissement en fonds propres dans des entreprises par Bpifrance… ».
L’étude d’ingénierie : un accélérateur industriel
Suite à la restitution de cette étude lors d’un webinaire, des sous-traitants de rang un et deux ont sollicité la Banque des Territoires pour des projets de rénovation ou d’extension de leurs usines. La Banque est également intervenue pour cofinancer des terrains adaptés à des extensions ou des implantations d’usines de batteries électriques.
Ainsi, Stellantis et Saft Total énergies ont créé en 2020 une usine à Douvrin, au travers de leur coentreprise ACC. Mi-2021, ce fut au tour d’Envision, entreprise cofondée par Renault et des groupes industriels sino-japonais, de s’implanter à Douai. Dernière réussite en date, l’implantation de Verkor à Dunkerque.
« En 2009, nous avions réalisé une étude stratégique sur l’évolution de la filière, rappelle Luc Messien, délégué général de l’ARIA Hauts-de-France. Plusieurs actions en avaient découlé : la création d’un forum européen de l’automobile, le renforcement des liens entre les acteurs régionaux de la recherche, des rencontres entre PME et donneurs d’ordres internationaux. L’étude de KPMG arrive à point nommé, au moment où la transition écologique accélère le passage vers la propulsion électrique. Elle a clairement renforcé les liens entre nos membres et nous aide à anticiper les évolutions stratégiques ».
En ayant partagé à la fois les opportunités et les risques liés au futur de l’automobile, les chefs d’entreprises nordistes disposent désormais d’un outil d’information exhaustif, doublé d’une vision prospective, régionale et internationale. « En France, l’ARIA Hauts-de-France est la première association à avoir commandé une telle étude. Cette initiative a depuis été reprise par certaines de nos homologues, en Auvergne Rhône-Alpes par exemple », souligne Luc Messien.
La méga usine ACC de Douvrin
Active depuis 2020, cette usine disposera en 2030 de trois bâtiments de fabrication de batteries et d’ateliers de prototypage, répartis sur 34 hectares.
Quatre axes stratégiques identifiés
Yann Pitollet, directeur général de Nord France Invest, souligne que l’action de l’ARIA et de l’agenda de développement économique sont complémentaires : « L’ARIA définit la stratégie de la filière. Ensuite, nous contactons de façon ciblée des industriels et des sous-traitants qui pourraient compléter l’écosystème régional ».
Le travail mené en collaboration par l’ARIA et KPMG a identifié quatre axes de travail majeurs :
- un renforcement de la collaboration, afin que la transition vers l’électrique soit créatrice d’emplois dans la région. « L’étude a mis en évidence la difficulté de faire baisser le coût des batteries, et donc des véhicules électriques. Cela pousse nos adhérents à élaborer des stratégies de diversification », déclare Luc Messien ;
- une communication internationale à intensifier, afin d’associer les Hauts-de-France à un « réflexe » auprès des donneurs d’ordre automobiles désireux de s’implanter ou de renforcer leur présence ;
- l’anticipation des besoins de compétences, de formations et de reconversions des salariés de la filière ;
- des collaborations accrues dans la R&D entre industriels, laboratoires, universités et entreprises innovantes. « Les Hauts-de-France sont mieux placés en aval (le Développement) qu’en amont (la Recherche). Nous devons renforcer l’interaction entre ces deux phases. Puisque nombre de développements automobiles se font ici, la recherche doit être renforcée dans la région », indique Yann Pitollet.
En détail
Diffusée en février 2022, l’étude de KPMG intègre un diagnostic mené auprès de plus de quarante parties-prenantes de l’automobile des Hauts-de-France (constructeurs, équipementiers, sous-traitants, laboratoires, universités, écoles, acteurs publics), un banc-d’essai comparatif entre seize régions automobiles dans le monde, ainsi qu’une analyse de la chaîne de valeur.
En route vers une filière moins carbonée
Outre la généralisation de la propulsion électrique, l’étude a mis en avant la nécessité de réduire les distances d’approvisionnement, en particulier pour les pièces lourdes. Des industriels comme Stellantis et Renault fabriquent déjà des moteurs électriques à proximité des Hauts-de-France. Il doit désormais en être de même pour la fabrication de batteries électriques et de leurs composants.
Les Hauts-de-France disposent d’ores et déjà d’un potentiel de 100 gigawatt heure de production électrique. « C’est considérable. Aucun autre endroit en Europe ne concentre autant de capacités de fabrication dans un rayon de 100 km, affirme Yann Pitollet. Par effet d’entrainement, cela attire des industriels qui fabriquent des anodes, cathodes, séparateurs, feuillards de cuivre, bacs en aluminium pour les modules... De tels produits ne peuvent plus provenir du bout du monde, pour des raisons écologiques, financières et logistiques ».
En aval de la fabrication, des projets sont en réflexion sur le recyclage des rebuts de production comme des batteries en fin de vie, dans une logique d’économie circulaire. D’ici 2026, une filière complète devrait exister dans les Hauts-de-France.
« Comme souvent, la fin d’un cycle, celui de la propulsion thermique, ouvre de nouvelles opportunités, pointe Antony Barbier. Avec l’appui de la Banque des Territoires, deux PME nordistes spécialisées dans l’emboutissage se sont ainsi associées pour se diversifier dans le façonnage de pièces pour véhicules électriques. L’étude préconise de créer de telles alliances bénéfiques à chaque partie ».
Pour passer la vitesse supérieure, l’ARIA Hauts-de-France promeut également la création de formations dédiées à la propulsion électrique, tandis que la Banque des Territoires opère l’appel à manifestation d’intérêt sur les compétences et métiers d’avenir du plan France 2030, ainsi que le financement des écoles de production en chaudronnerie créées à Béthune, Lens, Dunkerque et Orchies. À l’ère de l’électrique, les Hauts-de-France resteront bien un phare pour la filière automobile.
L’ingénierie en soutien de la réindustrialisation
L’appui des collectivités en ingénierie fait partie des priorités du plan d’accompagnement des stratégies industrielles territoriales, avec la relocalisation de filières, les volets industriels des contrats de plan État-Régions et la viabilité économique des projets.
La Banque des Territoires financera une cinquantaine d’études d’ingénierie territoriales, co-sélectionnées par les préfectures et les Conseils régionaux. Ces études doivent s’inscrire dans les priorités du plan France 2030 : décarbonation, résilience économique et valorisation des compétences.
Anthony Barbier
Directeur-adjoint Hauts-de-France, Banque des Territoires
Diplômé de Sciences-Po Grenoble et de l’Institut d’administration des entreprises d’Orléans, Anthony Barbier a d’abord travaillé comme chargé de mission au sein de l’Association des maires des grandes villes de France, avant de rejoindre la Caisse des dépôts en 1996. Il y occupa des postes d’adjoint au budget, directeur administratif et financier régional, responsable d’investissements immobiliers et directeur territorial des investissements en Pays-de-la-Loire.
Luc Messien
Délégué général de l’ARIA Hauts-de-France
Responsable depuis plus de dix ans de l’Association régionale de l’industrie automobile (ARIA) Hauts-de-France, Luc Messien a débuté sa carrière comme chef de projet méthodes au sein du groupe Reydel, dans lequel il occupa différentes fonctions pendant quinze ans. Il fut ensuite, durant dix ans directeur général de Tanis, co-entreprise franco-espagnole.
Yann Pitollet
Directeur général de Nord France Invest
Diplômé en commerce et management international de Skema et Audencia, Yann Pitollet a exercé successivement comme consultant dans un cabinet international, directeur du développement local à l’Agence de développement économique de Nouvelle-Calédonie, chef de projet pour la Direction de la Responsabilité Sociale du Groupe Danone, et directeur général de l’Agence de développement économique de Seine-Maritime.