La Banque des Territoires et Bpifrance, un pas de deux pour la réindustrialisation de la France

Ce n’est pas un secret, depuis les années 1980, la France connaît un déclin industriel massif. « La part de l’industrie dans le PIB et le nombre d’emplois dans le secteur ont été réduits de moitié », rappelle François Blouvac. En 2018, la France faisait partie des pays européens les plus désindustrialisés aux côtés du Royaume-Uni, avec une part du PIB à 13,4 %, contre 25,5 % en Allemagne, 19,7 % en Italie ou encore 16,1 % en Espagne¹. Et si l’impulsion donnée par l’État à partir de fin 2018, notamment avec le lancement du programme Territoires d’industrie, marque la volonté d’inverser la tendance, les crises successives (sanitaire, géopolitique, énergétique…) ont mis en lumière un nouvel enjeu pour l’industrie tricolore : celui de réduire sa dépendance à des chaînes d’approvisionnement délocalisées qui ont été considérablement fragilisées. « Ce manque de souveraineté nationale est une des spécificités de notre industrie. Cependant, il faut souligner que la vision du fabless², qui prévalait jusqu’au début des années 2000 au sein de grands groupes industriels français, est en train de disparaître au profit d’une volonté de relocalisation. » Une prise de conscience est donc en train de s’opérer…

« Un alignement des planètes » pour la relocalisation industrielle

Face à ce souhait de relocalisation exprimé par les industriels, un certain nombre de défis sont à relever pour enclencher une véritable dynamique positive. « Aujourd’hui, l’enjeu principal est d’augmenter la part de l’industrie dans le PIB, explique Raphaël Didier. C’est la condition pour créer des emplois durables, gagner en compétitivité et favoriser la croissance économique ».

Pour cela, l’industrie française doit se positionner sur des technologies à la pointe de l’innovation, accélérer sa décarbonation et se moderniser, notamment en accélérant sa transformation digitale. Elle doit également renforcer l’attractivité des métiers industriels, tout en faisant évoluer la formation pour répondre aux enjeux d’aujourd’hui et de demain. Mais surtout, elle ne doit (et ne peut) le faire seule. L’État et les collectivités ont un rôle majeur à jouer pour réaménager les territoires et créer des écosystèmes locaux propices à la réindustrialisation de la France.

Selon François Blouvac, « il faut donc mettre en cohérence l’action de tous les acteurs pour réinventer l’industrie française ». Or, cet alignement a été impulsé avec les programmes nationaux Territoires d’industrie et France 2030 (anciennement Programme d’Investissements d’Avenir). L’un comme l’autre visent à soutenir les initiatives des élus et des dirigeants de PMI pour accélérer le développement industriel en France. Parmi les opérateurs centraux de ces programmes, l’on retrouve la Banque des Territoires et Bpifrance, qui proposent toutes deux un accompagnement complémentaire.

Des partenaires complémentaires au service des projets industriels

Lorsqu’une entreprise ou une collectivité locale souhaite développer un projet industriel sur son territoire, elle peut se tourner vers Bpifrance et vers la Banque des Territoires. Les deux entités ne sont aucunement concurrentes. Au contraire, elles coordonnent leurs actions pour répondre aux différents besoins et encourager, ensemble, la renaissance de l’industrie française.

Filiale de la Caisse des Dépôts et de l’État, Bpifrance finance les entreprises industrielles et leurs projets d’innovation à chaque étape de leur développement, en crédit, en garantie et en fonds propres. La Banque des Territoires, quant à elle, est une marque de la Caisse des Dépôts créée en 2018 qui accompagne les industries et les collectivités dans l’aménagement et le développement des territoires. Elle propose des solutions sur-mesure de conseil et de financement en prêts et en investissement.

« Pour prendre une image, explique François Blouvac, Bpifrance finance le contenu, c’est-à-dire l’entreprise elle-même ainsi que son process industriel, et la Banque des Territoires finance le contenant. Autrement dit, l’écosystème dans lequel l’entreprise se développe : le foncier, l’aménagement… et cela va jusqu’aux murs d’usines ou à la formation ». Raphaël Didier ajoute : « La répartition des rôles entre nous est très claire. Nous travaillons en étroite collaboration, en particulier depuis le lancement du plan Startups et PME industrielles doté à hauteur de 2,3 milliards d’euros qui a été conçu dans le cadre de France 2030 et qui vise à créer 100 nouveaux sites industriels par an d’ici 2025. Il y a des intrications à tous les niveaux, et cela fonctionne bien ».

Des réalisations communes

Les équipes de Bpifrance et de la Banque des Territoires, présentes dans l’ensemble des régions, accompagnent donc régulièrement ensemble des projets industriels, en conservant cette logique de contenu-contenant. De nombreuses start-up industrielles ont ainsi bénéficié d’un accompagnement conjoint pour développer leur activité au sein d’un territoire.

C’est par exemple le cas de Lactips, dont la première unité de production a été inaugurée en septembre 2022 à Saint-Paul-en-Jarez (Loire). Issue de la recherche fondamentale de l’université de Saint-Etienne, cette entreprise fabrique un thermoplastique hydrosoluble réalisé à partir de la caséine du lait de vache. En d’autres termes, un plastique biodégradable et sans impact environnemental. Le développement de cette innovation technologique a été accompagné par Bpifrance à hauteur de 10 millions d’euros, tandis que la Banque des Territoires est intervenue lorsque la question de l’implantation s’est posée. Elle a alors proposé un montage financier pour les murs d’usine

Autre accompagnement commun : celui d’Ynsect, à Amiens. Cette start-up a mis en place un process de fabrication de protéines d’insectes pour nourrir les animaux (farines animales). Bpifrance et la Banque des Territoires cofinancent, dans ce cas, le développement de l’entreprise dans les Hauts-de-France à travers la construction d’une ferme verticale de près de 30 mètres de haut dédiée à la culture des larves d’insectes. Un projet innovant qui répond avec sobriété aux enjeux écologiques de l’artificialisation des sols.  

Pour finir, on peut citer la start-up grenobloise Aledia. Son capital a été accompagné par Bpifrance et la création de son usine visant à produire des écrans d’affichage de nouvelle génération a été financée par la Banque des Territoires à hauteur de 44 millions d’euros.

Poursuivre sur cette lancée de réindustrialisation de la France 

Dans les mois et années à venir, Bpifrance et la Banque des Territoires vont poursuivre leurs actions communes pour rebâtir l’industrie française. Les deux entités vont notamment opérer ensemble le dispositif Rebond Industriel qui vise à accompagner les territoires dans les mutations de la filière automobile et du transport. La Banque des Territoires sera mobilisée sur l’expertise territoriale pour identifier des projets industriels et Bpifrance sur le financement direct de ces projets.

Les deux entités vont également s’attaquer aux enjeux de formation, en cofinançant le dispositif des Volontaires Territoriaux d’Entreprises (VTE) qui a pour objectif d’orienter les jeunes diplômés vers les PMI présentes au sein de leur territoire. 

Enfin, pour François Blouvac, « l’un des défis majeurs va être de fluidifier l’accès à l’information, non seulement pour orienter facilement les industriels et les collectivités vers le bon opérateur, mais aussi pour répondre à l’enjeu crucial du foncier ». En ce sens, la Banque des Territoires a d’ores et déjà développé Dataviz Territoires d’industrie, un outil de data visualisation et de cartographie agrégeant des données publiques et privées sur la thématique du développement industriel et plus particulièrement sur les Territoires d'industrie. Il permet, entre autres, de rechercher et de trouver du foncier pour une implantation industrielle , de s’informer sur les possibilités d’accompagnement ou encore de diagnostiquer les besoins de formation sur un territoire. « Si la création de cet outil est une étape importante, nous devons maintenant convaincre les collectivités territoriales d’enrichir la base de données afin de mieux les aider dans la gestion stratégique de leurs réserves foncières ». 

Et Raphaël Didier de conclure : « Nous sommes totalement alignés avec la Banque des Territoires. Notre défi est de renforcer cette relation pour accompagner davantage les entreprises et les collectivités dans leurs projets d’industrialisation, pour que ces projets puissent se faire en France afin de développer notre compétitivité. Le challenge est énorme mais les feux sont au vert, et c’est très enthousiasmant ».
 

¹ Source : France Stratégie, « Les politiques industrielles en France », novembre 2020

² Le fabless (zéro usine) est un terme popularisé par Serge Tchuruk qui évoque l’idée qu’il n’y a plus d’avenir pour l’activité industrielle en France et qu’il faut se concentrer sur les services.