Biocarburants : la Cour des comptes européenne annonce des "nuages à l’horizon"
Dans un rapport publié ce 13 décembre, la Cour des comptes européenne s’inquiète de la situation des biocarburants en Europe, "engagés sur une voie imprécise et semée d’embûches".
Alors que l’UE a consacré quelque 430 millions d’euros pour les promouvoir sur la période 2014-2020 – principalement en faveur de la recherche –, la Cour observe que leur déploiement "est plus lent que prévu". Elle relève ainsi que si, "comme ils étaient tenus de le faire", tous les États membres ont imposé aux fournisseurs de carburants de veiller à ce que la part d'énergie renouvelable atteigne au moins 10% dans les secteurs des transports routier et ferroviaire à l’horizon 2020, une majorité d’entre eux – dont la France –, n’a pas atteint ses objectifs.
Le constat n’est guère surprenant dans la mesure où la Cour note qu’en raison de leurs coûts élevés, les biocarburants "ne sont pas encore économiquement viables". "Les prix des quotas d’émission sont actuellement inférieurs au coût de la réduction des émissions de CO2 obtenue grâce aux biocarburants", indique-t-elle notamment, en relevant au passage que ces derniers "ne sont d’ailleurs pas toujours favorisés par les politiques fiscales des pays de l’UE". Quand ils ne sont pas défavorisés. La Cour observe en effet que "le cadre de l’UE pour les biocarburants est complexe et a souvent été modifié", avec des "changements importants dans les priorités stratégique" – passant "de la promotion au plafonnement" –, décourageant in fine les investisseurs.
À l’en croire, la situation ne devrait guère s’améliorer. La Cour relève en effet que, "contrairement aux États-Unis", il n’existe pas encore de feuille de route claire au niveau européen indiquant comment accélérer la production et juge que c’est "l’un des problèmes majeurs", puisque l’UE continue dans le même temps à définir des objectifs de consommation. Elle note par exemple que la nouvelle législation ReFuelEU Aviation a fixé à 6% le niveau requis de carburants durables pour l’aviation pour 2030, soit environ 2,76 millions de tonnes équivalent pétrole, alors que "la capacité potentielle de production des 27 atteint actuellement moins de 10% de cette quantité". "Les biocarburants sont censés contribuer aux objectifs de neutralité climatique de l’UE et au renforcement de sa souveraineté énergétique. Mais avec sa politique actuelle en la matière, l’Europe navigue à vue et risque de ne pas atteindre sa destination", estime ainsi Nikolaos Milionis, le membre de la Cour responsable de l’audit.
Reste que la Cour elle-même n’offre pas de perspectives réjouissantes. D’une part, elle observe que la disponibilité et le coût de la biomasse "sont problématiques "– avec une dépendance croissante aux importations –, alors que le secteur des biocarburants "est en concurrence pour les matières premières avec d’autres, en particulier celui des aliments, mais aussi des cosmétiques, des produits pharmaceutiques et des bioplastiques". Et "l’UE ne dispose pas de stratégie spécifique pour la biomasse".
D’autre part, elle estime que les réductions d’émissions de GES sont surestimées et plus encore que ces biocarburants ne sont "pas toujours respectueux de l’environnement", visant ceux produits à partir de matières premières issues de l’agriculture qui "peuvent être préjudiciables à la biodiversité, aux sols et à l’eau". Ce qui ne plaide guère pour l’intensification de leur production.