Besoins de main-d’œuvre et vieillissement de la population : la difficile équation normande
La région Normandie et l’Insee ont noué un partenariat qui s’est traduit par la publication simultanée de deux études portant l’une sur le vieillissement de la population et l’autre sur les besoins de main-d’œuvre dans la région à horizon 2050. Un exercice de prospective qui doit venir nourrir les réflexions de la collectivité régionale.
Le président de la région Normandie, Hervé Morin, résume ainsi l'enjeu : la région fait face à un problème d'espace "par la magie de cette loi idiote du ZAN" et doit dans le même temps pouvoir trouver des ressources humaines "dans des bassins déjà en tension". Et les échéances sont plus proches qu'il n'y paraît : "d'ici 2030 nous allons perdre 93.000 jeunes" sur un contingent d'environ 900.000, explique l'élu qui confirme que le phénomène, déjà à l'œuvre, se traduit par des "restructurations scolaires déjà en cours". Pour définir au mieux les orientations à prendre, la région a donc commandé à l'Insee deux études "qui vont nous permettre de prendre de la hauteur".
Un taux d’activité qui progresse depuis 2009
S'agissant des actifs sur le territoire : ils étaient 1,5 million en 2020, soit 45% de la population totale de la région. Dans ce contingent, les 15-64 ans représentent 74% du total. Autre donnée relevée par l'Insee, le taux d'emploi en Normandie se situe à 65%, un chiffre en progression de 2 à 3 points entre 2009 et 2020 comme en France d'une manière générale. Autre phénomène visible, la Normandie se distingue par un taux d'activité plus élevé chez les moins de 25 ans et plus faible chez les 55 ans et plus. Le taux d'activité progresse depuis 2009 (+2,7%), porté par le croissance du taux d'activité des femmes et des 55 ans et plus.
Les actifs normands occupent le plus souvent des emplois d'ouvriers et moins souvent des emplois de cadres et d'ingénieurs. La marque d'une région fortement industrialisée, note l'Insee qui souligne que 14 familles de métiers, dont les fonctionnaires, les agents d'entretien ou encore les agriculteurs, font face à des difficultés prononcées de renouvellement des générations dans un contexte de baisse généralisée de la démographie régionale. Enfin, c'est bien autour des trois principales zones métropolitaines de Rouen, Caen et Le Havre que se concentre la plus grande part de la population active.
Rouen et Caen devraient concentrer près de la moitié de la population active d’ici 2050
Concernant les besoins de main-d'œuvre, l'Institut relève que la population normande pourrait diminuer de près de 200.000 habitants à horizon 2050. Une baisse de l'ordre de -5% dès 2030 et jusqu'à -8% en 2050, alors que la baisse à l'échelle nationale ne serait que de -1,3%. Dans un tel schéma, prévient l'Insee, la population active pourrait chuter entre -11% et -17%, plaçant ainsi la Normandie dans le trio de tête des régions les plus touchées. En raison toujours de son tissu largement industriel. Enfin, les zones métropolitaines de Rouen et de Caen, déjà hégémoniques en la matière, pourraient concentrer à elles seules jusqu'à 43% de la population active en 2050.
Alors pour tenter d’inverser la tendance, la région Normandie veut jouer la carte de l’attractivité : "c’est très immatériel l’attractivité, c’est un travail au long cours pour arriver à porter une image renouvelée, à transformer une région", concède Hervé Morin. "Je cherche constamment à mettre en valeur nos pépites, cite-t-il en exemple, comme je l’ai fait lors des cérémonies d’anniversaire du Débarquement le 6 juin dernier auxquelles j’avais convié des grands patrons américains pour les convaincre de s’installer chez nous." L’autre phénomène, tout aussi imprévisible, c’est le réchauffement climatique et les conséquences qu’il aura dans les décennies à venir sur l’attractivité de la région. Tout aussi incertaine, la réindustrialisation qui s’amorce avec de nombreux projets annoncés par des industriels ces deux dernières années pourrait, à l’avenir, infléchir les courbes qui se dessinent aujourd’hui.