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Radicalisation - Bernard Cazeneuve et Jean-Jacques Urvoas fustigent l'idée d'un parquet national antiterrorisite

Les ministres de l'Intérieur et de la Justice s'en sont vivement pris à l'idée d'un "parquet national antiterroriste", lundi, indiquant avoir renforcé l'organisation actuelle, notamment avec la création de "magistrats référents terroristes" et d'"assistants spécialisés" dans les juridictions.

Le ministre de l'Intérieur a à nouveau manifesté, lundi 7 novembre, le souhait de mieux associer les collectivités dans les dispositifs de prévention de la radicalisation. "Nous allons renforcer (…) la place des collectivités dans ces dispositifs", a-t-il déclaré, lors d'une réunion nationale entre les procureurs et les préfets contre le terrorisme et la radicalisation qui se tenait à l'Ecole militaire de Paris. Mais "cette association se fera dans le respect des rôles de chacun", a-t-il ajouté, comme il l'avait déjà dit lors des Rencontres nationales de la prévention de la radicalisation du 24 octobre, au cours desquelles il s'était notamment opposé à la communication des fichés S aux maires concernés. Ce qui montre une nouvelle fois les limites de l'exercice.
Devant les préfets et les procureurs, le ministre de l'Intérieur et son homologue à la Justice, Jean-Jacques Urvoas, ont voulu afficher un front commun entre la police et la justice dans la lutte contre le terrorisme. Le garde des Sceaux est longuement revenu sur la circulaire du 13 octobre 2016 relative à la prévention de la radicalisation violente. Ce texte est venu redéfinir le rôle des procureurs dans les cellules départementales de suivi pour la prévention de la délinquance et l'accompagnement des familles. Il préconise de recentrer leur participation à des réunions au "format restreint" au cours desquelles doivent être évoquées les seules situations individuelles susceptibles d'un prise en compte judiciaire. Il s'agit en particulier de traiter "les situations des mineurs en danger", celles "d'individus radicalisés susceptibles d'être auteurs d'infractions pénales"… Ce cadre restreint "doit favoriser l'échange d'informations", et "permettre réciproquement à l'autorité administrative de livrer des éléments d'analyse". Ces cellules doivent également être "le lieu où sont arrêtées des mesures plus larges", comme "des actions visant des secteurs géographiques spécifiquement exposés à une problématique de radicalisation violente", a précisé le garde des Sceaux. Selon la circulaire, ces cellules petit format devraient associer les services de renseignement, de la police et de la gendarmerie, de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse. Mais nulle trace des maires - pivots de la prévention de la délinquance depuis la loi du 5 mars 2007 - qui ont déjà eu du mal à être associés aux cellules départementales de suivi "grand format" mises en place depuis 2014…

Magistrats référents terrorisme et assistants spécialisés

Cette circulaire prévoit aussi la création de "magistrats référents terrorisme", présentés comme "points de contact identifiés" au sein de la juridiction, en particulier pour la section antiterroriste du parquet de Paris ("section C1"). Ce sont eux qui auront en charge "la circulation de l'information et le partage de l'information". Ils représenteront désormais le ministère public au sein des cellules de suivi départementales. En revanche, l'implication des magistrats du siège dans ces dispositifs, "sans devoir être prohibée par principe, n'apparaît pas nécessaire et est susceptible d'induire des problèmes de positionnement". Enfin, en soutien à ces magistrats référents, "15 assistants spécialisés" ont été recrutés et répartis dans les sept Juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) métropolitaines (Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nancy, Paris et Rennes) et huit autres juridictions (Bobigny, Grenoble, Montpellier, Nice, Orléans, Strasbourg, Toulouse et Versailles). Ils recevront bientôt le renfort de 25 nouveaux assistants en cours de recrutement, portant le total à 40. Ces assistants ont vocation à apporter "une aide dans l'élaboration de la politique pénale régionale destinées à lutter contre les phénomènes de radicalisation violente", notamment les politiques partenariales susceptibles d'être conduites au plan local par les collectivités.

"Sottise"

La réunion a aussi été l'occasion pour le ministre et le garde des Sceaux de régler quelques comptes avec l'opposition. Ils ont fustigé en choeur à l'idée d'un "parquet national antiterroriste", avancée par le magistrat Jean-Paul Garraud et reprise par le candidat aux primaires LR Jean-François Copé. "Cette proposition est formulée par des personnes qui manifestement ne savent pas très bien de quoi elles parlent et qui n'ont pas pris la peine de discuter avec celles et ceux qui disposent d'une véritable expertise sur le sujet", a tancé Bernard Cazeneuve. Jean-Jacques Urvoas a pour sa part qualifié l'idée de "sottise". "Je n'entends jamais des élus locaux se plaindre des procureurs. Chacun reconnaît votre insertion dans des dispositifs territoriaux", a-t-il argué.
La lutte antiterroriste est confiée à la section C 1 du parquet de Partis qui a déjà une compétence nationale. Dirigée par le procureur de Paris François Molins, cette section est composée de 13 magistrats. C'est cinq de plus qu'en 2015 mais bien loin de la promesse de 27 magistrats faite par Jean-Jacques Urvoas. Dans son idée, Jean-Paul Garraud proposait d'instaurer une organisation spécifique avec à sa tête un procureur national ayant pour unique mission la lutte antiterroriste (à l'inverse du procureur de Paris), le tout devant s'adosser à des antennes régionales autour des juridictions interrégionales spécialisées actuelles, afin d'assurer un maillage territorial resserré. Pour Bernard Cazneuve, si "nous sommes désormais entrés dans une période nouvelle de notre histoire, marquée durablement par la menace djihadiste", il n'y a pas lieu de remettre en cause l'organisation actuelle, reposant sur la coopération entre les parquets locaux et le parquet de Paris. "En me rendant à Nice, le soir du 14 juillet, (…) j'ai constaté l'extrême mobilisation des magistrats du parquet de Nice, rapidement rejoints par leurs collègues de la section C 1 du parquet de Paris", a-t-il témoigné. Jean-Jacques Urvoas n'en a pas été moins élogieux, louant "le courage, la compétence et le dévouement des procureurs de Paris, de Nice, de Rouen (Saint-Etienne-du-Rouvray) et de Versailles (Magnanville)".

 

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