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Bassin Seine-Normandie : l'état écologique des cours d'eau progresse mais trop lentement

Fruit de deux ans de travail, l’état des lieux des cours d’eau du bassin Seine-Normandie, qui alimentera son prochain schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) attendu pour la fin 2021, a été présenté ce 12 décembre à l'issue d'une concertation qui n'était pas gagnée d'avance mais a permis de faire approuver cette évaluation, notamment par les partenaires locaux. De cette somme d'informations techniques, avec un niveau de détail rendu pour la première fois public à la commune près, il ressort ce qui s'améliore, ce qui va se dégrader et ce qui se dégrade déjà. 

Retour de la loutre d'Europe et du saumon dans la Risle et les cours d’eau côtiers normands (deux indicateurs très parlants et suivis de près), mais aussi baisse des flux des phosphores à la mer et de la quantité d'azote rejeté grâce à la mise aux normes des stations d'épuration (Step), meilleure oxygénation de la Seine… L’état des lieux des 1782 masses d’eau du bassin Seine-Normandie, présenté le 12 décembre une semaine après avoir été approuvé, apporte son lot de bonnes nouvelles. Par rapport au précédent, réalisé en 2004 et réactualisé en 2013, cette troisième évaluation depuis l'entrée en vigueur de la directive-cadre sur l'eau (DCE) dévoile une augmentation, à indicateurs constants et en tenant compte du changement de méthode d'évaluation, de 8% du nombre de cours d’eau en bon état écologique. 32% d'entre eux sont en bon état. Sachant que la DCE fixe pour 2027 l'objectif d'atteindre un taux de 100%, "beaucoup d'efforts restent à accomplir", reconnaît Christophe Poupard, directeur de la connaissance et de la planification à l'agence de l'eau Seine-Normandie (AESN). 

Un bassin qui reste sous pression

La modernisation des Step a fait chuter la pollution domestique, les flux de macropolluants ponctuels rejetés et les pressions qu'ils exercent sur ces milieux. Près de 400 masses d'eau n'en restent pas moins affectées par ces pressions qui déclassent leur état écologique. Il faut dire que les flux globaux que ces Step urbaines ont à traiter, eux, augmentent dans ce bassin très urbanisé autour de la région Ile-de-France (ce bassin "déborde" sur d'autres régions voisines), à la croissance économique et démographique importante et dominé par de grandes cultures céréalières. Une spécificité que l'ancien député Daniel Marcovitch, qui a oeuvré au sein du comité de bassin pour dresser cet état des lieux et l'affiner avec des consultations techniques locales (associations, collectivités, acteurs économiques), résume bien dans la revue Confluence de l'AESN : "C'est le plus petit des cinq grands fleuves de France associé à une des plus grandes mégalopoles d'Europe". Le faible débit de la Seine la rend d'autant plus vulnérable que les pressions y sont importantes. Malgré cela, l'évaluation note un découplage positif si l'on rapporte le nombre de cours d’eau dégradés à l'augmentation du PIB. En clair, alors que les pressions économiques et démographiques ne cessent d’augmenter, la qualité des cours d’eau parvient à s’améliorer. 

Se projeter pour mieux prioriser les actions

Les efforts paient donc là où ils sont menés sur les territoires, notamment sur la restauration de l’hydromorphologie des rivières qui permet à l'eau de mieux couler, de mieux s'oxygéner et donc de naturellement s'épurer. Depuis 2013, plus de 750 barrages ou seuils ont été arasés ou aménagés (passe à poissons). Cette altération hydromorphologique, enjeu crucial et trop méconnu, reste le principal facteur de risque (devant les pesticides, macropolluants et nitrates) de non atteinte du bon état en 2027. "Si aucune nouvelle action d'amélioration n'était entreprise, les causes de dégradation sont aussi mises à jour. C'est tout l'intérêt de cet exercice qui ne se contente pas de photographier le présent mais permet d'anticiper les huit prochaines années", explique Christophe Poupard. Si rien de nouveau n'est en effet engagé, de 32% on chuterait à 18% de bon état en 2027.

Améliorer les choses exige donc de redoubler les efforts. Le regard est notamment porté sur plus de 310 masses d'eau aujourd'hui en bon état mais qui risqueraient d'être déclassées "en tenant compte de l'évolution du contexte". "La question de l'épuration par temps de pluie, les investissements dans les systèmes de collecte afin que les eaux usées aillent au bon endroit restent essentiels", pointe Jérôme Goellner, directeur régional et interdépartemental de l'environnement et de l'énergie (Driee). La connaissance des micropolluants émergents (autres que l'héritage historique), tout particulièrement ceux détectés en sortie de Step urbaine, reste aussi à renforcer. "C'est un effort national pour sensibiliser chaque acteur dont les collectivités. Strasbourg et Bordeaux ont agi, nous aussi à travers des appels à projets et soutiens à la recherche", souligne Baptiste Casterot, qui suit le sujet à l'AESN. 

Grandes lignes du prochain Sdage

L'état des lieux met par ailleurs en avant les zones, notamment autour de Cherbourg, où les volumes de prélèvement d'eau sont importants par rapport à la recharge des nappes. Vigilance est aussi de mise sur les zones humides de plus en plus grignotées par l'urbanisation (+7,9%). Quant à la qualité des plages, elle s'améliore mais la situation est alarmante pour la pêche en mer et les zones de conchyliculture (pollutions par l'azote). Dans ce bassin fournissant 22% de la production conchylicole nationale, elle se révèle être désastreuse pour des intercommunalités de la côte ouest de la Manche, fortement impactées par l'interdiction de pêche à pied et de commercialisation des huîtres et moules.

Le nombre de cours d'eau déclassés ou dégradés par le phosphore et les nitrates a ainsi doublé depuis 2013. Un enjeu auquel le prochain schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage), dont une première version sera présentée au comité de bassin en juin 2020 avant d’être soumise à une longue phase de consultation jusqu'à la fin 2021, devra répondre en consolidant notamment les relations entre collectivités et agriculteurs.

Outil mis en avant, le contrat territorial signé entre des collectivités et l'agence. Le premier fut signé à Coutances en mai dernier. "Une quinzaine ont suivi, c'est un succès car en contractualisant, on leur offre la visibilité pluriannuelle dont elles ont besoin", se réjouit Patricia Blanc. La directrice générale de l’agence confie une autre réussite. Pour donner en amont leur avis sur cet état des lieux et sa projection en 2027, les partenaires locaux ont pu profiter d'un portail dédié. Créé par l'agence, l'outil cartographique mis en ligne, accessible à tous et doté d'une recherche possible par commune, permet de consulter et commenter les résultats de l'évaluation. Une démarche de transparence et partage des données qui aurait pu en froisser certains. Elle a plu et aidé à mobiliser tous ceux qui sont concernés par la qualité de l'eau. C'est un bon gage de confiance pour l'avenir", conclut Patricia Blanc.

 

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