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Europe - Avenir de la politique de cohésion : la France rectifie le tir

La politique de cohésion après 2014 semble sortie de la zone de turbulence, si l'on en croit le cinquième forum sur la cohésion qui s'est tenu à Bruxelles les 31 janvier et 1er février, dernier grand événement avant la proposition législative de la Commission en juin prochain. Au menu : régions intermédiaires, simplification et conditionnalité...

Accusée de vouloir privilégier la politique agricole commune au détriment de la politique de cohésion, la France a réagi, mardi 1er février, pour rassurer ses partenaires. "La réponse du gouvernement français, en toute fin de finalisation, est parfaitement claire (...) la France soutient une politique de cohésion au bénéfice de toutes les régions et de tous les territoires", a indiqué Emmanuel Berthier, le délégué interministériel à l'aménagement du territoire, lors du cinquième forum sur la politique de cohésion, qui s'est tenu à Bruxelles les 31 janvier et 1er février. Dernier grand événement avant la proposition législative de la Commission en juin prochain, le forum ponctuait la consultation ouverte après la publication du cinquième rapport sur la politique de cohésion de novembre dernier, qui sert de trame aux négociations en cours. La rumeur était venue d'une déclaration de Bruno Le Maire, ministre de l'Agriculture et de l'Aménagement du territoire, le 26 janvier, estimant que les régions riches n'avaient plus besoin de la politique de cohésion, celle-ci ayant été créée pour combler les retards de développement entre les différentes régions d'Europe. La France avait déjà annoncé la couleur en cosignant la "lettre des cinq", au côté de l'Allemagne, du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de la Finlande, adressée le 18 décembre 2010 à la Commission pour demander un gel des crédits européens après 2014. C'est Philippe Kaltenbach, le vice-président du conseil régional d'Ile-de-France, en charge des affaires européennes, qui a relancé le débat, dénonçant les arrières pensées "électoralistes" du gouvernement français. "Un échange entre la PAC et les politiques de compétitivité, c'est inacceptable", a renchéri en français, la présidente du Comité des régions, l'italienne Mercedes Bresso. Mais Emmanuel Berthier a rappelé que des engagements avaient été pris devant les associations d'élus lors de la visite à Paris, du commissaire à la politique régionale, Johannes Hahn, le 19 janvier dernier.

Régions intermédiaires

Le débat fait rage depuis plusieurs mois, sur la question du maintien des crédits dans l'ensemble des régions, les plus riches d'entre elles se justifiant par des déséquilibres territoriaux importants. "L'Ile-de-France comporte des quartiers en très grande difficulté", a ainsi souligné Philippe Kaltenbach. Mais compte tenu de l'état des finances publiques en Europe, l'équation est difficile à résoudre.
Le président de la Commission, José-Manuel Barroso, a tenu à faire passer un message fort : "La politique de cohésion est et restera au coeur du projet européen", a-t-il martelé en ouverture du forum. Mais d'ajouter : "Ce sont sans doute les conditions les plus difficiles dans lesquelles les discussions sur les perspectives financières n'ont jamais été menées."
Si l'on en croit la tonalité du forum, l'enveloppe actuelle, de 350 milliards d'euros pour la période 2007-2013, devrait être maintenue. Elle représente 36% du budget européen (contre 42% pour la PAC). Mais c'est la modulation à l'intérieur qui pourrait changer. Aujourd'hui, plus de 80% des crédits de la politique régionale sont dirigés vers l'objectif Convergence, c'est-à-dire les régions dont le PIB est inférieur à 75% de la moyenne européenne (le reste étant dévolu à l'objectif Compétitivité). Or, les récents élargissements de 2004 et 2007 ont "bouleversé" la donne, comme le montre un rapport sénatorial, intitulé "De nouvelles ambitions pour la politique européenne de cohésion après 2013". Le PIB moyen par habitant de l'Union européenne ayant diminué de plus de 10% du fait de l'élargissement, sur les 84 régions relevant actuellement de l'objectif Convergence, 16 en sortiraient automatiquement... Mais l'économie ainsi réalisée, estimée à près de 50 milliards d'euros, seraient largement absorbée par un effet "chapeau" (capping) : pour chaque pays de l'objectif Convergence, les investissements européens ne doivent pas excéder un seuil qui oscille entre 3,23 et 3,78% du PIB selon le niveau de retard de ce pays. Or, comme le PIB des 12 nouveaux entrants est en augmentation, le surcoût serait de 75 milliards d'euros, estiment les deux sénateurs, Yann Gaillard et Simon Sutour, dans leur rapport. Cette règle devra donc être réformée. C'est la voie que semble suivre le commissaire à la politique régionale.

Conditionnalité des aides

Par ailleurs, pour compenser le déplacement de la politique de cohésion vers les régions de l'Est, Bruxelles envisage de créer une nouvelle catégorie de régions intermédiaires dont le PIB serait compris entre 75 et 90% du PIB moyen. Ainsi, il existerait deux régimes de régions en transition qui regroupent quelque 60 millions d'Européens, a expliqué Johannes Hahn : celles qui sortiraient du seuil des 75% et continueraient de bénéficier du système dégressif actuellement en vigueur pour leur permettre un "atterrissage en douceur", et celles, installées depuis plus longtemps dans la fourchette des 75-90%. Pour ces dernières, pas de régime dégressif, mais une enveloppe spécifique répartie en sept portions égales sur la durée de la programmation à venir. Sept régions françaises seraient concernées par la mesure.
Le forum a aussi été l'occasion d'insister sur la nécessité d'une simplification de la politique de cohésion et d'une conditionnalité des aides au respect du pacte de stabilité. Une idée vivement défendue par l'Allemagne. "La sanction doit être envisagée comme planche de salut. On est arrivés à un carrefour où l'on risque de faire capoter le projet européen. Si quelqu'un ignore les règles, il faut un système qui empêche de torpiller tout le système", a insisté Peter Hintze, le secrétaire d'Etat allemand en charge de l'économie. Allusion à peine voilée à certaines régions du sud de l'Italie ou de la Grèce, qui bénéficient de nombreuses subventions et dont le développement se fait toujours attendre.
Alors que les négociations vont se poursuivre dans les mois à venir, Johannes Hahn a adressé un dernier message aux acteurs de la politique de cohésion : "Il est très difficile de défendre un budget si les ressources ne sont pas pleinement utilisées ou insuffisamment."
 

 

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