Avenir de la politique de cohésion : Jacques Mézard défend les "territoires oubliés"
Le ministre de la Cohésion des territoires Jacques Mézard s'est entretenu avec Corina Cretu, la commissaire à la Politique régionale, jeudi 1er mars, pour défendre le maintien de la politique de cohésion dans toutes les régions. Et ce quelques jours après le conseil informel du 23 février au cours duquel le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a confirmé le risque de coupes budgétaires tant pour la politique agricole commune que la politique de cohésion... C'est le 2 mai que la Commission a prévu de présenter sa proposition de budget pluriannuel pour la période 2021-2027 qui devra ensuite être adopté par les 27. Or selon des scénarios qu'elle a mis sur la table, du fait du manque à gagner créé par le Brexit et du financement de nouvelles pirorités (défense, migrants…), la politique de cohésion pourrait être amputée de 95 à 124 milliards d'euros. Ce qui se traduirait par son retrait des pays de l'Ouest et un recentrage sur les pays dits de cohésion (pays de l'Est, Grèce et Portugal).
Jacques Mézard a fait valoir à la commissaire "que parmi les trois scénarios proposés, la France privilégiait le scénario 1 qui maintient une éligibilité pour toutes les régions européennes", indique le ministère dans un communiqué. Seulement les régions de France (principales gestionnaires de ces fonds) accusent les autorités françaises de tenir un double discours (voir ci-dessous notre article du 22 février 2018). Et quelques jours après elles, c'est au tour de l'Association des maires de France (AMF) de manifester son inquiétude. Hasard du calendrier, le jour de la rencontre entre le ministre et la commissaire, jeudi, Christophe Rouillon, vice-président de l'AMF en charge de l'Europe, avait rendez-vous avec Nathalie Loiseau, ministre chargée des Affaires européennes, pour évoquer le sujet. L'AMF se dit en effet "très inquiète sur le sort qui serait réservé à la politique de subvention pour les investissements locaux qui représente aujourd'hui un tiers du budget de l'Union européenne". "Il est indispensable de conserver les financements européens pour les infrastructures, la transition énergétique, la recherche et l'innovation, afin de maintenir l'emploi et réduire les disparités de richesses entre les régions européennes, et au sein même des régions françaises", soutient l'association, dans un communiqué.
Des fragilités pour le Centre et le Nord-Est
Ces inégalités régionales sont en effet criantes. En 2016, le PIB régional par habitant variait de 29 à 611% de la moyenne européenne, selon les dernières statistiques d'Eurostat publiées le 28 février. L'Ile-de-France a encore perdu une place dans le peloton de tête des régions européennes, se classant désormais 9e. La seule autre région française à dépasser la moyenne régionale européenne est Rhône-Alpes. Hors outre-mer, toutes les autres se situent dans une fouchette de 76% (Languedoc-Roussillon) à 96% (Midi-Pyrénées) du PIB moyen européen par habitant.
Mais, comme le souligne l'AMF, les disparités se font aussi sentir au sein même des régions, à travers le phénomène de métropolisation. "La polarisation du développement économique autour d'un nombre limité de grandes villes est de plus en plus visible", montre d'ailleurs le Baromètre de la cohésion du CGET (Commissariat général à l'égalité des territoires) dans son Portrait de la France publié fin 2017, sorte de diagnostic de son nouveau Baromètre de la cohésion. Un ensemble de "fragilités" (solde migratoire, couverture de l'emploi, niveau d'éducation/qualification, couverture numérique ou encore mortalité prématurée) "s'expriment de manière aiguë dans les territoires ruraux de ce grand territoire Centre et Quart Nord-Est", interpelle le CGET.
Devant la commissaire, Jacques Mézard a défendu la "notion de territoires oubliés" et le besoin de "cibler les territoires en décrochage". Corina Cretu a pour sa part défendu un relèvement de la contribution des Etats à 1,1% du PIB (contre 1% à l'heure actuelle). Soit, comme le répètent à l'envi les membres de la Commission depuis quelques mois, "le prix d'un café par jour et par citoyen de l'Union européenne". C'est aussi l'avis de Christophe Rouillon pour qui "seul un budget européen en extension permettra de financer les nouvelles priorités de l'UE et de maintenir l'intervention de l'Europe dans toutes les communes et intercommunalités de France".