Avenir de la montagne : Les Orres sur la piste aux étoiles
Alors que la plupart des stations de ski s’interrogent sur leur modèle économique et environnemental, Les Orres ouvrent la voie. La station des Hautes-Alpes accueille les 10 et 11 mai un événement européen pour réfléchir à la "montagne de demain" après avoir piloté pendant trois ans un programme Smart Altitude sur l’échange de bonnes pratiques en matière de nouvelles technologies. L'enjeu : réduire la consommation d'eau et d'énergie.
Des dameuses intelligentes capables de visualiser les endroits qui manquent de neige pour optimiser leur travail, des hôtels connectés qui peuvent moduler leurs besoins de chauffage… Grâce aux nouvelles technologies, la station des Orres (Hautes-Alpes) a réussi à réduire de 20% sa consommation énergétique (soit 100 tonnes équivalent CO2 en moins), et de 25% ses coûts. "À 22h30, on coupe l’éclairage. On voit les étoiles. On a retrouvé le lien avec la nature", s’est félicité Pierre Vollaire, maire de la station, en ouverture du forum "La Montagne de demain" qui se tient les 10 et 11 mai dans sa commune. Cet événement s’inscrit dans la série de rencontres organisées sous présidence française de la région alpine Suera qui s’est fixée pour mot d’ordre d'"accélérer la transition écologique pour lutter contre le changement climatique". Il est l’occasion de clôturer la première phase du programme européen Smart Altitude piloté par la station haute-alpine depuis 2018 aux côtés de trois autres stations : Krvavec (Slovénie), Madonna di Campiglio (Italie) et Verbier (Suisse). De la France à la Slovénie, en passant par l’Italie, la Suisse, l’Allemagne et l’Autriche "27 stations de l’arc alpin ont aujourd’hui intégré la démarche", a indiqué l’édile. Le programme a été financé par le programme de coopération transfrontalière Interreg Espace-Alpin pour la période 2018-2021. Il associe une vingtaine de partenaires : des opérateurs comme EDF, des collectivités (régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Auvergne-Rhône-Alpes, Trentino Sviluppo…), des organismes de recherche et des universités…
Smart Altitude avait pour objectif d'accélérer les politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans les stations de ski grâce à l’échange de bonnes pratiques et de solutions nouvelles. "Les résultats obtenus sont excellents. (…) Nous allons poursuivre le programme et étendre son périmètre thématique à la mobilité et à l’évolution vers un tourisme durable", a indiqué Pierre Vollaire.
"La transition du tourisme de montagne est une nécessité absolue"
Cette réflexion sur l'avenir des stations de ski était déjà en germe depuis quelques années. Mais la fermeture des remontées mécaniques imposée dans le contexte de la crise du Covid est tombée comme un coup de massue. "Des secteurs restent en grande difficulté, l’hébergement, l’industrie et les cabinets médicaux", a alerté Pierre Vollaire, à l'adresse du gouvernement. Toutefois, la crise a aussi permis de "rapprocher les acteurs" et offre des opportunités. "La pandémie ne doit pas masquer la problématique du changement climatique qui préexistait", a ainsi souligné Christiane Barret, déléguée générale de la présidence française de la Suera.
"La transition du tourisme de montagne est une nécessité absolue, l’hiver comme l’été", a abondé Chantal Eymeoud, vice-présidente de la région Paca et maire d’Embrun, soulignant la nécessité de s’"engager résolument vers des pratiques de plus en plus résilientes". "Les travaux des climatologues ne cessent de confirmer qu’à horizon 20 à 30 ans, le réchauffement climatique aura contraint à un bouleversement du modèle actuel." Pour accompagner la transition, la région avait de son côté lancé en 2015 un plan quinquennal de 100 millions d’euros qui a permis de soutenir 42 stations via des "contrats stations de demain" autour de projets d’adaptation et de diversification face aux enjeux de "changement climatique et concurrence féroce entre les stations". La région présentera en juillet prochain une étude sur des "parcours de transition plus adaptés" tenant compte des enjeux financiers, juridiques et d'adaptation des stations en fonction de leur topographie et de l’altitude. "À l’échelle de la macrorégion alpine, cette dynamique vertueuse doit s’amplifier", a souligné l’élue.
"La fenêtre qui s’ouvre est propice"
Nouvelles programmation européenne (Life, Horizon…), appels à projets régionaux, plans nationaux… "La fenêtre qui s’ouvre est propice pour que tous ensemble nous agissions efficacement en faveur de l’évolution de l’écosystème montagne", a souligné Pierre Vollaire. Pour ce qui est du plan d’investissement gouvernemental en gestation depuis plusieurs mois, le secrétaire d’État à la Ruralité, Joël Giraud (ancien député des Hautes-Alpes), venu ouvrir ces rencontres, n’a pas pu en dire beaucoup plus, renvoyant aux arbitrages du Premier ministre attendus "d’ici au 28 mai" (un comité interministériel au tourisme est annoncé pour le 27 mai). "J’espère que nous arriverons à avoir un fonds de résilience au moins équivalent à ce que nous avons mis dans les contrats de massif", a déclaré le secrétaire d'État. La première brique du plan "sera liée à l’ingénierie".
La réflexion se poursuivra lors des États généraux de la transition du tourisme en montagne qui se tiendront les 23 et 24 septembre en point d’orgue à la présidence française de la Suera. "Nous sommes à la croisée des chemins où plusieurs tendances de fond nous imposent de conduire une transformation marquée du modèle. Mais en gardant à l’esprit que le ski reste central dans notre modèle", a conclu Pierre Vollaire.