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Agriculture / Environnement - Au Sénat, l'association Graines de Noé promeut la "biodiversité cultivée"

L'association Graines de Noé a animé le 15 septembre au Sénat une journée de sensibilisation sur "l'importance de la biodiversité agricole pour l'avenir de notre alimentation".

Nos champs de blé pourraient avoir toutes les teintes de jaune, orange et rouge, être riches de la diversité des individus qui les composent, au lieu de l'homogénéité – de variétés et, donc, de couleurs, de tailles ou encore de qualités nutritives – qui prévaut aujourd'hui. C'est le message qu'a voulu porter l'association Graines de Noé, en organisant le 15 septembre au Sénat une journée de sensibilisation sur "l'importance de la biodiversité agricole pour l'avenir de notre alimentation".
"Avant, il y avait tellement de variétés que c'était impossible de toutes les nommer", explique Bernard Ronot, agriculteur biologique en Bourgogne et fondateur de l’association Graines de Noé. Comme quelque 25 autres associations membres du réseau Semences paysannes, Graines de Noé s'occupe de conservation et de gestion de la biodiversité vivante. Avec l'idée que la modernisation de l'agriculture au 20e siècle, fondée sur des progrès techniques et génétiques, a certes permis de nourrir les populations grâce à une production accrue, mais a aussi conduit à négliger la diversité des variétés cultivées, le rôle de la sélection naturelle et la spécificité des terroirs.

Une "plateforme de blés anciens pour l'alimentation du futur"

Le résultat, pour Isabelle Goldringer, chercheuse à l'Inra, c'est une "uniformisation des paysages agricoles", mais c'est surtout davantage de "vulnérabilité aux bio-agresseurs". Dans un contexte de fortes variations climatiques, la chercheuse en appelle donc à "écologiser l'agriculture", ce qui passe en particulier par une "gestion dynamique" et le maintien d'une biodiversité agricole, garantes de plantes plus résistantes et en capacité de s'adapter.
L'association Graines de Noé y contribue, avec sa "plateforme de blés anciens pour l'alimentation du futur", localisée en Côte-d'Or, où sont cultivées de façon expérimentale une centaine de variétés de blé. "On fait de la recherche fondamentale, cela devrait être pris en charge par le public", estime Bernard Ronot. L'association estime en effet que la conservation "officielle" des semences, "en frigo", ne permet pas d'atteindre les mêmes résultats que lorsqu'on cultive ces variétés "ensemble pour qu'elles se croisent par elles-mêmes".

Bientôt des grands crus de pain?   

Pour Jacques Rebillard, élu de Bourgogne, une région qui soutient financièrement l'association parallèlement à d'autres formes de soutien de l'agriculture biologique, la biodiversité cultivée constitue même "une alternative intéressante et crédible à l'utilisation des OGM". Outre les avantages en termes de résistance aux maladies et de qualités nutritives du blé, le conseiller régional devine aussi un potentiel économique : "Je suis persuadé qu'on sera capable d'avoir des crus de pain, comme on a aujourd'hui en Bourgogne des crus de vin."
Pour cela, plusieurs étapes sont encore à franchir. Il s'agit d'abord d'encourager de plus en plus d'agriculteurs à cultiver ces "variétés paysannes à haute valeur nutritive", selon Jean-François Berthelot, "paysan-boulanger bio" en Périgord et membre du réseau Semences paysannes. Selon ce dernier, des plateformes expérimentales, permettant d'"alimenter les champs des agriculteurs" – selon une quantité de semences limitée et à titre expérimental – existent aujourd'hui dans chaque grande région de France. 400 variétés issues des semences anciennes sont en train de se multiplier, estime-t-il.

Une porte ouverte, sur le plan juridique, par la loi Agriculture

Sur le plan juridique, "l'échange de semences entre agriculteurs s'effectue en dehors du marché, il n'y a pas de statut juridique", selon Guy Kastler du réseau Semences paysannes, "même si un premier pas a récemment été franchi avec la loi Agriculture qui reconnaît l'échange à l'intérieur des Giee [groupements d'intérêt économique et environnemental], mais c'est un peu étroit". Guy Kastler déplore en outre que "trois multinationales détiennent 57% du marché mondial des semences".
Au-delà de ces enjeux juridiques et financiers, pour que davantage d'agriculteurs osent se lancer dans la "biodiversité agricole", les intervenants considèrent que le secteur de la formation, mais encore les meuniers, les boulangers, les élus et, bien sûr, les consommateurs ont un rôle à jouer. Et pour encourager ce mouvement, l'association Graines de Noé a initié ce 15 septembre des novices à la fabrication du pain, pendant que d'autres participants visitaient l'exposition "Sols fertiles, vies secrètes", qui se tient jusqu'au 24 septembre à l'Orangerie du jardin du Luxembourg, à Paris. 

 

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