Les collectivités face à la crise : au conseil départemental de Meurthe-et-Moselle, "la vie ne n'est pas arrêtée"
Certaines collectivités territoriales avaient déployé largement le télétravail bien avant le début de la crise du coronavirus. C'est le cas du département de Meurthe-et-Moselle, qui peut ainsi continuer à assurer les services essentiels sans trop de peine.
Il est 14h00, ce mardi 17 mars. Les mesures de restriction des déplacements annoncées la veille par le président de la République s'appliquent depuis deux heures. Tous les sites du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle sont désormais fermés au public. Seule une trentaine d'agents se trouvent encore au siège, situé à Nancy. Habituellement, ils sont 650. Même la directrice générale des services, Stéphanie Ten Eyck, demeurera chez elle à partir du lendemain.
L'action du département n'est toutefois pas paralysée. Les agents ont été placés automatiquement en autorisation spéciale d’absence (ASA), sans démarche à effectuer. Ceux qui n'ont pas d'enfants en bas âge et dont les métiers le permettent continuent à exercer leurs fonctions à distance. Le département n'est pas pris au dépourvu. En 2018, il avait décidé de déployer "massivement" le télétravail, dans le cadre d'un plan d'amélioration de la qualité de vie. Avant le début de la crise, environ 400 agents – sur les 3.000 que compte le département – avaient déjà recours de manière régulière au télétravail. Ils ont été dotés d'ordinateurs portables par leur employeur.
Communication interne
Avec l'épidémie, cette organisation a été généralisée à un maximum d'agents. En sachant que beaucoup des nouveaux télétravailleurs sont contraints d'utiliser leur ordinateur personnel. "Nous avons pu distribuer quelques dizaines d'ordinateurs supplémentaires aux agents dont les fonctions sont vitales", précise Stéphanie Ten Eyck. Mais tous les agents disposent bien de leurs outils de travail. "Via des plateformes, ils peuvent accéder à leurs logiciels métiers. Ils ont également accès à leur messagerie professionnelle", indique Bertrand Garcia, directeur des ressources humaines (DRH).
Les cadres avaient été sensibilisés au management des agents en situation de télétravail. Toutefois, l'obligation faite aux Français de rester cantonnés chez eux au cours d'une période d'au moins 15 jours va constituer "un défi" pour les managers, reconnaît le DRH. Dans ce contexte, la communication interne est jugée stratégique. Des lettres électroniques transmises via l'intranet et la messagerie professionnelle des agents permettront de garder le lien entre eux et leur employeur.
Le département va ainsi poursuivre, durant toute la période de confinement, les missions qui ont été jugées essentielles. "Nos équipes sont mobilisées sur la lutte contre l'isolement des personnes âgées qui vivent à leur domicile", souligne la DGS. En utilisant le fichier "canicule", elles prendront régulièrement contact au téléphone avec les aînés du département, pour s'assurer qu'ils ne sont pas en difficulté. En revanche, les visites au domicile de ces personnes sont suspendues. Il faut continuer également à s'occuper des enfants placés, y compris lorsque ceux-ci sont atteints par le Covid-19. "Des agents se sont portés volontaires pour être confinés avec ces enfants", indique Stéphanie Ten Eyck, en saluant leur sens de l'engagement.
Une dizaine de collèges restent ouverts
Par ailleurs, le département continue à accorder des aides pouvant soutenir les familles les plus en difficulté et à gérer les demandes d'agrément pour l'ouvertures de crèches. En outre, ses services se tiennent prêts à gérer des situations de violence à l'intérieur des familles, qu'ils s'attendent à voir se multiplier avec l'obligation qu'ont les Français de rester chez eux.
De plus, le standard téléphonique reste ouvert aux horaires habituels à l'hôtel du département, ainsi que dans les maisons du département et les maisons départementales des solidarités. La sécurité des sites départementaux et le paiement des factures des fournisseurs restent eux aussi assurés.
Sur les 60 collèges que compte le département, une dizaine restent ouverts pour accueillir les enfants des personnels du corps médical. Un service minimum de nettoyage et de désinfection des locaux utilisés est effectué. Mais les personnels en charge de la restauration des collèges demeurent à leur domicile, puisque les enfants fréquentant les établissements encore ouverts doivent apporter leur repas. "On peut toutefois mobiliser nos cuisiniers pour d'autres structures. Cela a été le cas pour un foyer de l'enfance, où le prestataire nous a fait défaut", indique la DGS.
Quant aux interventions du service des routes, elles sont limitées aux cas d'urgence et la surveillance du réseau est exercée de façon réduite. Enfin, les quelque 4.000 assistantes maternelles agréées ont été priées, mardi matin, de ne plus accueillir que les enfants des salariés indispensables à la gestion de la crise.
Fin de CDD : ne pas aggraver la crise
Du côté des ressources humaines, tout a été mis en œuvre pour assurer le traitement de la paie des agents, comme en temps normal. "On peut savoir à distance par exemple quels sont les agents concernés par un passage d'échelon", indique Bertrand Garcia. Qui prône la bienveillance au cours de ces prochaines semaines. Les agents pourront présenter en retard un arrêt maladie sans être pénalisés sur leur bulletin de paie. Et vis-à-vis des agents qui se trouvent en fin de contrat et dont l'activité n'est pas essentielle, le DRH estime qu'il faut "regarder les situations au cas par cas", avec "pragmatisme et prudence dans les décisions". L'idée est qu'il ne faut pas aggraver la crise actuelle en augmentant les difficultés économiques.
Les procédures de recrutement demeurent actives pour les métiers en tension, ou les postes considérés comme essentiels. "On ne s'interdit pas d'organiser des entretiens d'embauche au téléphone, voire en visioconférence avec des candidats, par exemple dans le cadre de la recherche d'un médecin de PMI", confie le DRH.
Concentrée actuellement sur les tâches essentielles, sa direction pourrait progressivement "monter en puissance", avec des agents qui continueront à travailler à distance. Il pourrait en être de même dans les autres directions. "Nous nous rendons compte que beaucoup d'activités peuvent être assurées en mode télétravail", résume Bertrand Garcia.