Assurances des collectivités : la fin du casse-tête ?

En signant une charte nationale d’engagement accompagnée d’un plan d’action, le gouvernement, les associations d’élus locaux et le gouvernement ont créé le 14 avril des "leviers pour améliorer le marché de l'assurance des collectivités", alors que celles-ci peinent depuis des mois à assurer leurs biens, ou sont confrontées à des hausses vertigineuses de leurs cotisations ou à des "résiliations unilatérales et sans explications de leurs contrats".

Depuis plusieurs semaines, les parties prenantes du marché de l'assurance des collectivités locales discutaient de points d'amélioration, sous l'égide d'un exécutif soucieux de trouver une solution aux nombreux élus locaux en colère ou tentés de jeter l'éponge à cause du casse-tête des assurances de leurs collectivités. La charte dévoilée en présence du Premier ministre, François Bayrou, et de trois ministres (Aménagement du territoire, Économie et Ruralité), à l'occasion du "Roquelaure de l'assurabilité des collectivités" - du nom du lieu qui accueille le ministère de l'Aménagement du territoire à Paris - est le fruit de ce dialogue. Côté collectivités, elle a été signée par les représentants de l'Association des maires de France (AMF), de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), de l'Association des petites villes de France (APVF), de Villes de France, de France urbaine, d'Intercommunalités de France, de Départements de France et de Régions de France. Une seule signature côté assureurs : celle de France assureurs, fédération qui représente plus de 99% du marché français de l'assurance.

Résiliations moins brutales

"Enfin !", s'est exclamé Alain Chrétien, maire de Vesoul et vice-président de l'AMF, en expliquant que "l'instabilité gouvernementale a sans doute fait un peu durer le suspense". L'auteur d'un rapport sur le sujet, remis il y a près d'un an au gouvernement de Gabriel Attal (voir notre article), a salué "une grande avancée". 

Le gouvernement se fixe pour objectif que "plus aucune collectivité territoriale en France" ne se trouve "en situation involontaire de défaut d’assurance". Il entend apporter des solutions rapides grâce à la création, d'ici la fin du deuxième trimestre 2025, d'"une cellule d'accompagnement et d'orientation". Placée auprès d'Arnaud Chneiweiss, médiateur de l'assurance, cette cellule instruira les dossiers de collectivités faisant face à des difficultés majeures en matière d'assurance. Ceux-ci seront présentés par les associations d'élus locaux. En outre, la cellule produira un rapport annuel faisant le point sur "le niveau d'assurabilité des collectivités". Cette cellule pourrait avoir à instruire de nombreux dossiers, car selon le gouvernement, 24% des collectivités ont passé des appels d’offre infructueux.

En outre, pour "éviter les situations d'urgence", le délai de préavis accordé à un assureur souhaitant résilier le contrat d'une collectivité pourrait passer à un minimum de six mois. Le gouvernement soutiendra l'introduction d'une mesure allant dans ce sens dans le projet de loi de simplification de la vie économique, en cours d'examen à l'Assemblée nationale.

Révision des modalités des marchés publics

Le plan vise aussi à assouplir les règles de la commande publique. À cette fin, le guide pratique de passation des marchés publics d'assurances des collectivités locales sera révisé : la nouvelle version sera publiée "d'ici fin juin". Les collectivités devraient notamment pouvoir mieux "identifier et exprimer leur besoin d’assurance". Un "besoin spécifique" que les assureurs devraient mieux prendre en compte. Sur le sujet, le gouvernement doit concilier des points de vue contradictoires. Les procédures d'appel d'offres sont "totalement inappropriées", dénonce Thierry Martel, directeur général de Groupama, pour qui "le cœur du sujet est là". Mais du côté de France urbaine, les élus locaux ne souhaitent pas un big bang. "La commande publique est là pour garantir le bon usage de l'argent public", défend Paul Simondon, adjoint à la maire de Paris en charge des finances.

Pour "redynamiser le marché de l'assurance des collectivités", le gouvernement va également adapter la réglementation. Un décret est en préparation pour plafonner le mécanisme de modulation à la hausse des franchises du régime des catastrophes naturelles (dit "Cat Nat"). Ainsi, pour les biens situés dans des communes dotées de plans de prévention des risques naturels (PPRN), ce mécanisme "sera plafonné par le nombre de reconnaissances au cours des cinq dernières années".

La solidarité nationale pourrait être aussi mieux mobilisée à l'avenir. Le fonctionnement de la dotation pour les collectivités victimes d'événements climatiques ou géologiques (DSEC) pourrait en effet, à l'initiative du gouvernement, être simplifié et modernisé dans le projet de loi de finances pour 2026. 

Connaissance du patrimoine des collectivités

Parmi les engagements que les associations d'élus locaux ont pris dans la charte signée ce 14 avril figure notamment celui d'inciter à la mise à jour régulière de la bonne connaissance de leur patrimoine par les collectivités. Le "défi" est de taille pour les collectivités, a reconnu Alain Chrétien, citant l'exemple de la ville de Vesoul, qui ne sait pas avec précision "le nombre de mètres carrés qu'elle assure", ou qui a payé pendant deux ans une assurance pour une voiture qu'elle avait vendue. Les représentants des élus locaux se sont aussi engagés à inciter les collectivités à mettre en œuvre davantage de mesures de prévention. Certaines collectivités, à l'instar de la ville de Saint-Lô – laquelle a formé 300 de ses agents à ce sujet – ont déjà fait l'effort, mais c'est encore trop peu, du goût des assureurs. 

"Nous avons une obligation de résultats, pas seulement la mise au point d'un dispositif", a déclaré le Premier ministre, François Bayrou, venu clore la rencontre. Celui qui reste maire de Pau a promis la réalisation d'un bilan des mesures mises en place. Si celles-ci ne devaient pas apporter d'améliorations au marché de l'assurance des collectivités, "d'autres solutions notamment législatives" seraient envisagées, a-t-il dit. Dans ce cas, il serait "attentif" à la proposition de loi que le rapporteur général du budget au Sénat, Jean-François Husson, s'apprête à déposer. "Avec la profession [des assureurs], le gouvernement a fait aujourd'hui un premier pas. [Au] Sénat, comme on aime bien avoir un peu d'avance, on va continuer à pousser", a déclaré le sénateur. Le texte qu'il déposera prévoit notamment de "stimuler la concurrence", de confier un rôle d'alerte à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et d'accorder au médiateur de l'assurance un rôle de "dernier recours", lorsqu'une collectivité n'arrive pas à s'assurer.

 

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