Compétitivité - Après le demi-échec de Lisbonne, la nouvelle stratégie européenne pourrait s'appeler "EuroMonde 2015"
Difficile exercice que celui de l'avocat Laurent Cohen-Tanugi, chargé par la ministre de l'Economie de dresser le bilan de la stratégie de Lisbonne et de fournir des pistes de réflexion pour l'après 2010. Difficile car la France, qui prendra la tête de l'Union européenne le 1er juillet prochain, sera bien en peine de montrer l'exemple. "La France n'atteint que trois des objectifs fixés par le Conseil européen", constate Laurent Cohen-Tanugi, dans son rapport "Une stratégie européenne pour la mondialisation", remis à Christine Lagarde mardi 15 avril. Pire, elle "fait partie des quelques pays de l'Union cumulant déficit d'appropriation de cette stratégie et manque de résultats au regard de ses principaux objectifs". Hormis la proportion d'enfants accueillis dans les structures subventionnées, le niveau des aides d'Etat et la transposition des directives, le pays affiche un bulletin de notes "décevant". Il se classe ainsi 23e sur 27 pour la croissance et 24e pour le taux de chômage des jeunes. La priorité pour la France : combler son retard dans le "triangle de la connaissance" (recherche, enseignement supérieur, innovation). Le rapport se montre critique à l'égard de la politique des pôles de compétitivité qui "posent un problème de saupoudrage". "Le nombre total de pôles de compétitivité est plus de quatre fois supérieur à ce que prévoyait le projet initial du gouvernement", rappelle Laurent Cohen-Tanugi. S'agissant des pôles nationaux, l'auteur en appelle aux collectivités locales pour "les faire prospérer" en raison de leur vocation d'aménagement du territoire. Il propose une mise en cohérence au niveau communautaire.
La présidence française arrive à une période charnière : elle devra boucler le dernier cycle de la stratégie de Lisbonne (2008-2010) et préparer l'après-Lisbonne. Or, si les résultats de la France en Europe sont décevants, ceux de l'Europe dans la mondialisation ne le sont pas moins. Les pays émergents aux régimes "souvent autoritaires et centralisés" mènent des réformes tambour battant, les Etats-Unis "bénéficient d'une forte unité nationale", quant à l'Europe, elle tergiverse : "Elle continue d'avancer à reculons sur la voie de son intégration économique." A deux ans de son terme, la stratégie de Lisbonne arrêtée en 2000 pour faire de l'Europe "l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde à l'horizon 2010", s'avère peu réaliste, constate Laurent Cohen-Tanugi. Le rapport propose une nouvelle feuille de route, baptisée "EuroMonde 2015". Elle comprendrait deux volets distincts. L'un, interne, serait le prolongement de la stratégie de Lisbonne. Ce "Lisbonne plus" se recentrerait sur la compétitivité et l'innovation. Quant au volet externe, il doit reposer sur des politiques communes car "ce n'est que lorsqu'elle parle d'une seule voix, en termes de contenu et institutionnellement, et avec un véritable pouvoir de décision, que l'Europe devient un acteur de la mondialisation". Il s'agirait de renforcer les politiques communes existantes (union économique et monétaire, politique agricole commune) et d'en intégrer de nouvelles : énergie, climat, immigration, etc. Reste maintenant au "mauvais élève" à prouver à ses partenaires qu'il peut mieux faire.
Michel Tendil